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La pollution atmosphérique accélère le vieillissement oculaire

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La pollution atmosphérique accélère le vieillissement oculaire

18 Juil 2023 | Par Inserm (Salle de presse) | Santé publique

© Freepik
De nombreuses études font désormais état des effets néfastes de la pollution atmosphérique sur le système nerveux central (maladies neurodégénératives chez l’adulte, troubles neurodéveloppementaux chez l’enfant). Le glaucome, deuxième cause de cécité dans le monde, est une maladie neurodégénérative du nerf optique, dont la principale caractéristique est un amincissement de la couche des fibres nerveuses de la rétine. Dans une étude portant sur une cohorte composée de 683 personnes âgées bordelaises, dont le suivi a duré dix ans, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm et de l’université de Bordeaux, au centre de recherche Bordeaux Population Health, ont mis en évidence un amincissement accéléré de la couche des fibres nerveuses de la rétine chez les personnes plus exposées à la pollution atmosphérique, notamment celles qui avaient une plus grande exposition aux particules fines (particules d’un diamètre inférieur à 2,5 microns = PM2,5). Cette étude suggère donc une possible augmentation du risque de glaucome pour les habitants des zones polluées aux particules fines, et ce même à des niveaux inférieurs aux seuils réglementaires actuels de l’Union européenne (25 microgrammes/mètre cube). Les résultats sont publiés dans la revue Environmental Research.

La pollution atmosphérique constitue un enjeu de santé publique mondial. Les effets nocifs des polluants atmosphériques sur les fonctions respiratoires et cardiovasculaires ont été largement documentés dans la littérature scientifique. Il est aussi de plus en plus évident que l’exposition chronique à la pollution atmosphérique a des effets néfastes sur le système nerveux central avec notamment une augmentation du risque de maladies neurodégénératives chez l’adulte et de troubles neurodéveloppementaux chez l’enfant.
La couche des fibres nerveuses de la rétine (RNFL) fait partie du système nerveux central, et son amincissement représente la principale caractéristique du glaucome[1], une maladie de l’œil associée à la destruction progressive du nerf optique, le plus souvent causée par une pression trop importante à l’intérieur de l’œil. Cette pathologie constitue la seconde cause de cécité dans les pays développés.
Des chercheurs et chercheuses de l’Inserm et de l’université de Bordeaux ont étudié l’effet d’une exposition a des concentrations plus élevées de polluants de l’air (particules fines[1] et dioxyde d’azote) sur les processus neurodégénératifs au niveau oculaire. Ils ont pour cela suivi pendant dix ans une population bordelaise de 683 personnes âgées de plus de 75 ans au moment de leur inclusion dans la cohorte Aliénor[2]. Il s’agit de la première étude prospective réalisée sur ce sujet.
Dans le cadre de cette étude, les personnes ont bénéficié d’examens oculaires tous les deux ans entre 2009 et 2020, afin de mesurer l’évolution de l’épaisseur de la couche des fibres nerveuses de leur rétine.
Par ailleurs, leur exposition à la pollution atmosphérique au cours des 10 années précédentes a été déterminée à partir de l’adresse de leur domicile, à l’aide de cartographies d’exposition annuelle pour chaque polluant. Ces cartographies détaillées, ayant une résolution de 100 mètres, ont été réalisées à partir des mesures de stations de contrôle de qualité de l’air et de caractéristiques météorologiques et géographiques (proximité d’une route, densité de population, distance de la mer, altitude…)[4].
Selon les résultats de cette étude, les personnes ayant été exposées à des concentrations plus élevées de particules fines avaient au cours du temps un affinement plus rapide de la couche nerveuse rétinienne.

Ces résultats sont représentés sur la figure ci-dessus sur laquelle on peut voir que les participants exposés à une concentration de 25µg/m3 aux particules fines PM2,5 avaient une diminution plus rapide de l’épaisseur de cette couche en comparaison a ceux exposés à 20 µg/m3.
Ces résultats suggèrent que l’exposition à une forte concentration de polluants au cours du temps pourrait augmenter le risque de glaucome.
En ce qui concerne les particules fines PM2,5, les estimations de l’exposition moyenne sur 10 ans étaient inférieures au seuil annuel réglementaire de l’Union européenne (établi à un maximum de 25 μg/m3) pour tous les participants, mais supérieures aux valeurs limites recommandées par l’OMS en 2005 (10 μg/m3) encore abaissées en 2021 (5 μg/m3).
« Les résultats de cette étude confirment les observations précédentes sur les effets de la pollution atmosphérique sur les processus neurodégénératifs, ici au niveau oculaire. Ils constituent un argument supplémentaire en faveur de la baisse des seuils réglementaires européens[5], comme recommandé par l’OMS, ainsi que de la diminution de l’exposition effective de la population française, qui continue de dépasser par endroit les seuils réglementaires actuels », explique Laure Gayraud, doctorante en épidémiologie et première autrice de l’étude.
« De façon plus générale, notre étude documente les effets des polluants atmosphériques sur le vieillissement neurologique. En prenant l’exemple du vieillissement oculaire, elle suggère qu’une exposition à des concentrations élevées de polluants au cours du temps pourrait mener à une accélération du vieillissement neurologique, comme cela a été observé dans des études sur le vieillissement cérébral », explique Cécile Delcourt, directrice de recherche à l’Inserm, dernière autrice de ces travaux.
L’objectif est désormais pour les scientifiques d’élargir le terrain d’étude à l’échelle nationale, grâce à des données issues d’autres cohortes françaises, afin d’approfondir les connaissances sur les effets des polluants sur le vieillissement oculaire.
Schéma de l’œil et de la rétine

© Adobe stock
 
[1]Pour aller plus loin, consultez le dossier sur le glaucome.
[2]Les particules fines correspondent aux PM2,5 dont le diamètre est inférieur à 2,5 microns.
[3]L’étude Alienor est une étude épidémiologique en population générale âgée qui explore les relations entre les maladies oculaires liées à l’âge et autres déterminants majeurs de ces maladies (facteurs génétiques, nutritionnels, environnementaux ou vasculaires).
[4]Ces cartographies ont été précédemment réalisées par l’équipe de Kees de Hoogh et Danielle Vienneau du Swiss Tropical and Public Health Institute (co-auteurs de la publication).
[5]Les députés de la commission de l’environnement au sein du Parlement européen ont récemment voté en faveur de l’abaissement des seuils de plusieurs polluants à l’horizon 2030, dont les particules fines.

 

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Une thérapie par ultrasons non invasive efficace dans le traitement des maladies des valves cardiaques

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Une thérapie par ultrasons non invasive efficace dans le traitement des maladies des valves cardiaques

24 Nov 2023 | Par Inserm (Salle de presse) | Technologie pour la sante

Actuellement, le traitement des maladies des valves cardiaques repose sur le remplacement de la valve dysfonctionnelle par une prothèse artificielle. Cette intervention ne peut toutefois pas être proposée à tous les patients compte tenu de son caractère invasif. Dans une nouvelle étude, un groupe de chercheurs et chercheuses issus de laboratoires communs à l’Inserm, à l’ESPCI Paris, au CNRS et à Université Paris Cité, en étroite collaboration avec la start-up Cardiawave[1] spin off de l’Hôpital européen Georges Pompidou et du laboratoire Physique pour la Médicine Paris (Inserm/CNRS/ESPCI/PSL), rapportent pour la première fois l’efficacité clinique d’une thérapie « non invasive » par ultrasons focalisés. L’essai clinique, réalisé sur un échantillon de 40 patients, a permis d’améliorer de façon significative la santé de ces derniers. Les résultats sont publiés dans The Lancet.

Notre cœur bat environ 70 fois par minute au repos soit plus de 100 000 fois par jour. Il propulse le sang dans l’organisme à raison de 4 à 5 litres par minute. C’est pourquoi avec l’âge, le cœur vieillit, les artères et les valves peuvent s’abîmer[2]. Plus de 10 millions de personnes sont atteintes de rétrécissement aortique calcifié (RAC) en Europe et aux États-Unis, dont 2 millions de cas sévères notamment chez les personnes âgées. Dans cette maladie, la valve aortique (positionnée entre la pompe cardiaque et le système vasculaire) se calcifie, devient rigide et ne peut plus s’ouvrir correctement, aboutissant à l’insuffisance cardiaque ou à la mort subite. Aujourd’hui, le seul traitement existant consiste au remplacement de la valve défectueuse par une prothèse artificielle, par chirurgie à cœur ouvert via une chirurgie percutanée par voie artérielle. Cependant, un nombre important de patients ne sont pas éligibles à ces interventions invasives, en raison de comorbidités sévères et d’une espérance de vie limitée.
Trouver une alternative thérapeutique pour ces patients représente un enjeu de taille pour la recherche. Ainsi, une équipe de recherche issue des laboratoires académiques français de l’Inserm a développé et testé une nouvelle approche appelée « thérapie par ultrasons non invasive » (ou NIUT). Après avoir validé le concept, la technologie a été développée par la société Cardiawave, start-up spin off d’une collaboration entre l’hôpital européen Georges-Pompidou (AP-HP) et des laboratoires communs à l’Inserm, à l’ESPCI et au CNRS (Institut physique pour la médecine Paris et Institut Langevin).
Cette approche repose sur une technologie qui permet de réparer la valve aortique grâce à l’action précise et mécanique d’ultrasons focalisés de haute énergie délivrés par un dispositif appliqué sur le thorax du patient, dans le but d’assouplir la valve et d’améliorer ainsi son ouverture.

Un essai clinique a été réalisé sur un échantillon de 40 patients atteints de formes sévères de la maladie répartis dans trois sites cliniques en France (Hôpital européen Georges-Pompidou, AP-HP, Paris), aux Pays-Bas (Hôpital Amphia, Breda) et en Serbie (Centre clinique universitaire de Serbie, Belgrade). Ils ont été traités en une seule séance, avec des suivis programmés à 1, 3, 6, 12 et 24 mois.
À la fin du suivi, les scientifiques ont pu observer :
* aucun décès ni événements graves (infarctus, AVC, troubles du rythme sévères) liés à l’intervention ;
* une amélioration significative de la fonction cardiaque (confirmée dès 6 mois après le traitement par le dispositif, reflétée notamment par une augmentation de 10 % de la surface moyenne de la valve aortique) ;
* une amélioration considérable de la qualité de vie ; une amélioration des symptômes d’insuffisance cardiaque[3]: capacités physiques, essoufflement à l’effort. Un des tests consiste par exemple à mesurer la distance parcourue en marchant 6 minutes (6-minute walking test).

La valve aortique est composée de plusieurs feuillets (3 le plus souvent) qui, lorsqu’ils se calcifient, empêchent sa bonne ouverture. Après traitement par ultrasons, on observe une amélioration significative de la surface d’ouverture de la valve aortique représentée ici sur l’image de droite.
« Ces résultats prometteurs représentent un changement de paradigme pour le traitement du rétrécissement aortique calcifié », explique Emmanuel Messas, investigateur principal de l’étude clinique.
« Ils montrent que cette approche innovante est faisable et sûre, et a permis d’améliorer de façon significative les paramètres hémodynamiques et cliniques ainsi que la qualité de vie des patients participant à l’essai clinique », ajoute Mickaël Tanter, directeur de recherche Inserm au laboratoire Physique pour la médecine à Paris.
« Si son efficacité est confirmée, cette technologie pourrait représenter un immense espoir pour des millions de patients souffrant de formes sévères de RAC et qui se trouvent actuellement dans une impasse thérapeutique », explique Mathieu Pernot, directeur de recherche Inserm au sein du laboratoire Physique pour la médecine.
Le dispositif appelé Valvosoft® fait actuellement l’objet d’études cliniques de sécurité et d’efficacité. Il n’a pas encore reçu d’autorisation de mise sur le marché (marquage CE…) et est pour le moment destiné exclusivement aux études cliniques.
 
Ce projet a été soutenu par le Programme des investissements d’avenir dans le cadre du Concours mondial d’innovation. Il a également bénéficié d’aides publiques gérées par l’Agence nationale de la recherche et du programme Horizon 2020, instruments PME de la Commission européenne.
[1]Cette étude a été portée par Cardiawave, start-up spin-off des laboratoires Institut Langevin (Inserm/CNRS/ESPCI) et Physique pour la médicine Paris (Inserm/CNRS/ESPCI/PSL)
[2] Source : Fédération française de cardiologie
[3]Le score de la New York Heart Association (NYHA) de mesure de la gravité de l’insuffisance cardiaque s’est amélioré ou stabilisé chez 96 % des patients (n = 24) ; et le score moyen du Kansas City Cardiomyopathy Questionnaire (KCCQ) – autre score de mesure de la gravité de l’insuffisance cardiaque – s’est amélioré de 33 %.

 

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Prédire l’apparition de troubles anxieux dès l’adolescence grâce à l’intelligence artificielle

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Prédire l’apparition de troubles anxieux dès l’adolescence grâce à l’intelligence artificielle

09 Jan 2023 | Par Inserm (Salle de presse) | Neurosciences, sciences cognitives, neurologie, psychiatrie | Santé publique

L’angoisse est une caractéristique commune à tous les troubles anxieux, troubles psychiatriques les plus répandus à l’adolescence. Environ un adolescent sur trois est concerné. Certains de ces troubles – comme le trouble panique ou le trouble d’anxiété généralisée[1] – ont tendance à apparaître un peu plus tard dans la vie, ou à se consolider au début de l’âge adulte. Par conséquent, la détection des individus à risque élevé de développer une anxiété clinique (qui remplit des critères de diagnostic précis) est cruciale. Pour la première fois, une équipe dirigée par les chercheurs Inserm Jean-Luc Martinot et Éric Artiges, au sein du laboratoire Trajectoires développementales et psychiatrie (Inserm/ENS Paris-Saclay) et du Centre Borelli[2] (CNRS/Université Paris-Saclay), a recherché des prédicteurs de l’apparition de troubles anxieux à l’adolescence. Ils ont suivi l’évolution de la santé mentale d’un groupe d’adolescents de 14 ans à 23 ans. Grâce à l’intelligence artificielle, ils ont identifié les signes avant-coureurs les plus prédictifs à l’adolescence de l’apparition de troubles anxieux chez ces jeunes adultes. Les résultats de cette étude sont publiés dans Molecular Psychiatry.
Une personne souffre de troubles anxieux lorsqu’elle ressent une angoisse forte et durable sans lien avec un danger ou une menace réelle, qui perturbe son fonctionnement normal et ses activités quotidiennes. Ces troubles, dont la fréquence est élevée dans la population générale (environ 21 % des adultes seraient concernés au moins une fois au cours de leur vie) débutent souvent dans l’enfance ou pendant l’adolescence. Ainsi, un meilleur repérage dans ces tranches d’âge éviterait une aggravation des symptômes au cours de la vie.
De précédentes études ont mis en avant le pouvoir prédictif de l’intelligence artificielle dans le cadre de maladies psychiatriques comme la dépression ou encore les addictions[3]. Mais aucune étude ne s’était jusqu’alors intéressée à la recherche de prédicteurs des troubles anxieux.
Des chercheurs et chercheuses au sein du laboratoire Trajectoires développementales et psychiatrie (unité 1299 Inserm) au Centre Borelli (unité 9010 CNRS) ont tenté de détecter des signes avant-coureurs, à l’adolescence, de l’apparition de troubles anxieux à l’âge adulte.
Les scientifiques ont pour cela suivi un groupe de plus de 2 000 adolescents et adolescentes européens âgés de 14 ans au moment de leur inclusion dans la cohorte Imagen[4]. Les volontaires de l’étude ont rempli des questionnaires en ligne renseignant sur leur état de santé psychologique à 14, 18 et 23 ans. Le suivi dans le temps des volontaires a permis de mesurer l’évolution du diagnostic de l’anxiété.
Une étude d’apprentissage statistique poussée s’appuyant sur un algorithme d’intelligence artificielle a ensuite permis de déterminer si certaines des réponses formulées à l’adolescence (14 ans) avaient une incidence sur le diagnostic individuel de troubles anxieux à l’âge adulte (18-23 ans).
Trois grands prédicteurs ou signes avant-coureurs ont été mis en évidence, dont la présence à l’adolescence augmente significativement le risque statistique de troubles anxieux à l’âge adulte. Il s’agit du neuroticisme, du désespoir, et de symptômes émotionnels.

Le neuroticisme désigne une tendance persistante à ressentir des émotions négatives (peur, tristesse, gêne, colère, culpabilité, dégoût), une mauvaise maîtrise des pulsions, et une inadaptation face aux stress.
Le désespoir est associé à un faible score de réponses faites aux questionnaires évaluant l’optimisme et la confiance en soi.
Les symptômes émotionnels recouvrent les réponses aux questionnaires indiquant des symptômes tels que « des maux de tête/ d’estomac » ; « beaucoup de soucis, souvent inquiet » ; « souvent malheureux, abattu ou larmoyant » ; « nerveux dans les nouvelles situations, perd facilement confiance » ; « a facilement peur ».

Une partie de l’étude s’est par ailleurs intéressée à l’observation du cerveau des volontaires à partir d’examens d’imagerie par résonnance magnétique (IRM). Comme le développement du cerveau implique un changement de volume de différentes régions cérébrales à l’adolescence, les chercheurs ont voulu identifier dans ces images une modification éventuelle du volume de la matière grise qui pourrait être prédictive de futurs troubles anxieux.
Si l’imagerie n’a pas permis d’améliorer la performance de prédiction des troubles anxieux dans leur ensemble par rapport aux seules données issues des questionnaires, elle pourrait néanmoins permettre de déterminer plus précisément un type de trouble anxieux vers lequel une personne est susceptible d’évoluer.
« Notre étude révèle pour la première fois qu’il est possible de prédire de façon individualisée, et ce dès l’adolescence, l’apparition de troubles anxieux futurs. Ces prédicteurs ou signes avant-coureurs identifiés pourraient permettre de détecter les personnes à risque plus tôt et de leur proposer une intervention adaptée et personnalisée, tout en limitant la progression de ces pathologies et leurs conséquences sur la vie quotidienne », explique Jean-Luc Martinot, directeur de recherche à l’Inserm et pédopsychiatre, co-auteur de l’étude.

 

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L’exposition pré et postnatale au chlordécone pourrait impacter le développement cognitif et le comportement des enfants

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L’exposition pré et postnatale au chlordécone pourrait impacter le développement cognitif et le comportement des enfants

27 Fév 2023 | Par Inserm (Salle de presse) | Neurosciences, sciences cognitives, neurologie, psychiatrie | Santé publique

Le chlordécone est un insecticide organochloré employé aux Antilles de 1973 à 1993 pour lutter contre le charançon du bananier. © Adobe Stock
Malgré l’arrêt, il y a 30 ans, de son utilisation aux Antilles comme insecticide, le chlordécone persistant dans l’environnement continue de contaminer les populations. Si ses propriétés neurotoxiques sont bien établies, son impact sur le neurodéveloppement restait à préciser. Une équipe de recherche internationale impliquant des chercheuses et des chercheurs de l’Inserm au sein de l’Institut de recherche en santé, environnement et travail (Inserm/Université de Rennes/École des hautes études en santé publique) s’est intéressée à l’impact de l’exposition pré- et postnatale au chlordécone sur les capacités cognitives et comportementales à l’âge de 7 ans de 576 enfants de la cohorte mère-enfant Timoun en Guadeloupe[1]. Leurs travaux montrent que cette exposition est associée à de moins bons scores sur les tests d’évaluation des capacités cognitives et des troubles comportementaux, avec un impact différent selon le sexe de l’enfant. Ces résultats, parus dans Environmental Health, invitent à prendre en compte l’impact potentiel de ces effets à l’échelle de la population, afin d’optimiser les politiques de prévention.

Le chlordécone est un insecticide organochloré employé aux Antilles de 1973 à 1993 pour lutter contre le charançon du bananier. Sa présence persistante dans l’environnement est à l’origine de la contamination de la population via la consommation d’aliments eux-mêmes contaminés. Il est aujourd’hui considéré comme perturbateur endocrinien, neurotoxique, toxique pour la reproduction et le développement, mais aussi cancérogène. Des études expérimentales chez l’animal ont par ailleurs montré que l’exposition des femelles au chlordécone lors de la gestation entraîne des troubles neurocomportementaux et d’apprentissage chez la portée, de nature ou d’intensité différente en fonction du sexe.
Sa neurotoxicité s’explique par la capacité de la molécule à interagir avec de nombreux neurotransmetteurs[2] et par ses propriétés hormonales, notamment son action sur les estrogènes. Or, les estrogènes jouent un rôle crucial, de manière différenciée en fonction du sexe chromosomique, dans le développement du cerveau.
Face à ces différents constats, et pour mieux estimer l’impact éventuel de l’exposition prénatale et postnatale au chlordécone sur le neurodéveloppement infantile, des chercheuses et des chercheurs Inserm de l’Institut de recherche en santé, environnement et travail (Inserm/Université de Rennes/École des hautes études en santé publique), au sein d’une équipe de recherche internationale, ont examiné les capacités intellectuelles et le comportement de 576 enfants de la cohorte mère-enfant Timoun en Guadeloupe.
Afin d’évaluer les niveaux d’exposition pré- et postnataux des enfants au chlordécone, la concentration du pesticide a été mesurée dans le sang du cordon ombilical à la naissance et dans le sang des enfants à l’âge de 7 ans. Les capacités intellectuelles de ces derniers ont été évaluées à l’aide de 4 indices : compréhension verbale, vitesse de traitement de l’information, mémoire de travail[3] et raisonnement perceptif[4].
Les mères ont également rempli un questionnaire permettant de mesurer chez l’enfant la présence de difficultés comportementales classées en deux catégories : celles dites « internalisées », qui regroupent symptômes émotionnels et problèmes relationnels avec les pairs, et celles dites « externalisées », qui se traduisent par des problèmes de comportement social (colère, réticence à l’autorité…), d’hyperactivité et/ou d’inattention.
L’exposition prénatale au chlordécone a été retrouvée associée, pour chaque doublement d’exposition, à une augmentation de 3 % du score estimant les difficultés comportementales de type « internalisées » à l’âge de 7 ans, avec une association plus forte chez les filles (+ 7 %) que chez les garçons (0 %).

L’exposition postnatale au chlordécone a, quant à elle, été retrouvée associée à de moins bons scores estimant les capacités intellectuelles générales (diminution de 0,64 point de QI pour un doublement du niveau d’exposition). Cela se traduit, en particulier chez les garçons, par une diminution des indices évaluant le raisonnement perceptif, la mémoire de travail et la compréhension verbale.

En outre, l’exposition postnatale était associée à un plus grand nombre de difficultés de comportements « externalisées », autant chez les garçons que chez les filles.
Ces résultats indiquent que l’exposition au chlordécone pendant les périodes de développement in utero ou au cours de l’enfance est associée à une diminution des capacités intellectuelles et à une augmentation des difficultés comportementales, avec des effets parfois différents en nature et en intensité selon le sexe.
« Cela est cohérent avec les propriétés estrogéniques de ce pesticide et ses effets différentiels en fonction du sexe et de la période de développement du cerveau », précise Luc Multigner, directeur de recherche Inserm qui a participé à ces travaux.
Selon l’équipe de recherche, il apparaît par conséquent justifié de poursuivre les politiques publiques destinées à réduire l’exposition au chlordécone, notamment parmi les populations les plus sensibles, telles que les femmes enceintes et les enfants. Elle invite également à surveiller la prévalence et la prise en charge des enfants présentant un retard psychomoteur, des troubles sensoriels, neuromoteurs ou intellectuels et/ou des difficultés relationnelles.
« Si les effets neurologiques et neurocomportementaux constatés dans cette étude sont relativement modérés et subtils au niveau individuel, ils peuvent, compte tenu de l’exposition généralisée de la population antillaise au chlordécone, avoir un impact non négligeable au niveau de la population », conclut Luc Multigner.
 
[1] La cohorte mère-enfant Timoun a été conçue avec pour objectif d’évaluer l’impact sanitaire des expositions au chlordécone sur le déroulement de la grossesse et le développement infantile. Elle est menée conjointement par l’Institut de recherche en santé, environnement et travail (Inserm/Université de Rennes/École des hautes études en santé publique) et le service de gynécologie-obstétrique du CHU de la Guadeloupe. Cette cohorte est constituée de 1 068 femmes incluses au cours de leur grossesse entre 2004-2007. Dès leur naissance, les enfants ont fait l’objet d’un suivi aux âges de 3, 7 et 18 mois, puis de 7 ans.
[2] Les neurotransmetteurs sont des substances chimiques assurant la transmission de l’information entre les cellules nerveuses.
[3] La mémoire de travail est une forme de mémoire à court terme visant à utiliser l’information obtenue sur l’instant dans l’accomplissement d’une tâche précise.
[4] Le raisonnement perceptif mesure la capacité cognitive à intégrer et à manipuler des informations visuelles et spatiales afin de résoudre des problèmes visuels complexes.

 

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