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LE MÉCANISME DE REPLIEMENT DES MOLÉCULES

 

LE MÉCANISME DE REPLIEMENT DES MOLÉCULES



Textede la 595ème conférencede l'Universitéde tous les savoirs prononcée le 17 juillet 2005
ParDidier Chatenay: « Le mécanisme de repliement des molécules »
Le thème de cette conférence vous fera voyager aux confins de plusieurs sciences : physique, chimie et biologie bien évidemment puisque les macromolécules dont nous parlerons sont des objets biologiques : des protéines.
Le plan de cet exposé sera le suivant :
- Quelques rappels sur la structure de la matière (atomes, liaisons chimiques, molécules, macromolécules).
- Qu'est-ce qu'une protéine (la nature chimique de ces macromolécules, leur mode de synthèse, leurs structures et leurs fonctions biologiques) ?
- Le problème du repliement (d'où vient le problème, paradoxe de Levinthal).
- Résolution du paradoxe et interactions inter intra moléculaires (échelles des énergies mises en jeu).


Rappels sur la structure de la matière.
La matière est constituée d'atomes eux-mêmes étant constitués d'un noyau (composé de particules lourdes : protons, chargés positivement, et neutrons non chargé) entouré d'un nuage de particules légères : les électrons chargés négativement. La taille caractéristique d'un atome est de 1 Angström (1 Angström est la dix milliardième partie d'un mètre ; pour comparaison si je prends un objet de 1 millimètre au centre d'une pièce, une distance dix milliards de fois plus grande représente 10 fois la distance Brest-Strasbourg).
Dans les objets (les molécules biologiques) que nous discuterons par la suite quelques atomes sont particulièrement importants.
Par ordre de taille croissante on trouve tout d'abord l'atome d'hydrogène (le plus petit des atomes) qui est le constituant le plus abondant de l'univers (on le trouve par exemple dans le combustible des fusées). L'atome suivant est le carbone ; cet atome est très abondant dans l'univers (on le trouve dans le soleil, les étoiles, l'atmosphère de la plupart des planètes. Il s'agit d'un élément essentiel comme source d'énergie des organismes vivants sous forme de carbohydrates). On trouve ensuite l'azote, constituant essentiel de l'air que nous respirons. L'atome suivant est l'oxygène, également constituant essentiel de l'air que nous respirons, élément le plus abondant du soleil et essentiel au phénomène de combustion. Le dernier atome que nous rencontrerons est le souffre que l'on trouve dans de nombreux minéraux, météorites et très abondants dans les volcans.
Les atomes peuvent interagir entre eux pour former des objets plus complexes. Ces interactions sont de nature diverse et donnent naissance à divers types de liaisons entre les atomes. Nous trouverons ainsi :
- La liaison ionique qui résulte d'interactions électrostatiques entre atomes de charges opposées (c'est par exemple ce type de liaison, qu'on rencontre dans le chlorure de sodium, le sel de table). Il s'agit d'une liaison essentielle pour la plupart des minéraux sur terre, comme par exemple dans le cas des silicates, famille à laquelle appartient le quartz.
- Un autre type de liaison est la liaison covalente. Cette liaison résulte de la mise en commun entre 2 atomes d'un électron ou d'une paire d'électrons. Cette liaison est extrêmement solide. Ce type de liaison est à l'origine de toute la chimie et permet de former des molécules (l'eau, le glucose, les acides aminés). Ces acides aminés sont constitués de carbone, d'azote, d'hydrogène et d'oxygène. Dans ces molécules on retrouve un squelette qu'on retrouve dans tous les acides aminés constitué d'un groupement NH2 d'un côté et COOH de l'autre ; la partie variable est un groupement latéral appelé résidu. Un exemple d'acide aminé est constitué par la méthionine qui d'ailleurs contient dans son résidu un atome de soufre. La taille caractéristique des distances mises en jeu dans ce type de liaison n'est pas très différente de la taille des atomes eux-mêmes et est de l'ordre de l'angström (1.5 Angström pour la liaison C-C, 1 Angström pour une liaison C-H).


Ces liaisons ne sont pas figées et présentent une dynamique ; cette dynamique est associée aux degrés de libertés de ces liaisons tels que par exemple un degré de liberté de rotation autour de l'axe d'une liaison C-C. Ces liaisons chimiques ont donc une certaine flexibilité et aux mouvements possibles de ces liaisons sont associés des temps caractéristiques de l'ordre de la picoseconde (mille milliardième partie de seconde) ; il s'agit de temps très rapides associés aux mouvements moléculaires.
A ce stade nous avons 2 échelles caractéristiques importantes :
- 1 échelle de taille : l'angström
- 1 échelle de temps : la picoseconde.
C'est à partir de cette liaison covalente et de petites molécules que nous fabriquerons des macromolécules. Un motif moléculaire, le monomère, peut être associé par liaison covalente à un autre motif moléculaire ; en répétant cette opération on obtiendra une chaîne constituée de multiples monomères, cette chaîne est une macromolécule. Ce type d'objets est courant dans la vie quotidienne, ce sont les polymères tels que par exemple :
- le polychlorure de vinyle (matériau des disques d'antan)
- le polytétrafluoroéthylène (le téflon des poêles)
- le polyméthacrylate de méthyl (le plexiglas)
- les polyamides (les nylons)
Quelle est la forme d'un objet de ce type ? Elle résulte des mouvements associés aux degrés de libertés discutés plus haut ; une chaîne peut adopter un grand nombre de conformations résultant de ces degrés de liberté et aucune conformation n'est privilégiée. On parle d'une marche aléatoire ou pelote statistique.


Les protéines
Quelles sont ces macromolécules qui nous intéressent particulièrement ici ? Ce sont les protéines qui ne sont rien d'autre qu'une macromolécule (ou polymère) particulière car fabriquée à partir d'acides aminés. Rappelons que ces acides aminés présentent 2 groupes présents dans toute cette famille : un groupe amine (NH2) et un groupe carboxyle (COOH) ; les acides aminés diffèrent les uns des autres par la présence d'un groupe latéral (le résidu). A partir de ces acides aminés on peut former un polymère grâce à une réaction chimique donnant naissance à la liaison peptidique : le groupement carboxyle d'un premier acide aminé réagit sur le groupement amine d'un deuxième acide aminé pour former cette liaison peptidique. En répétant cette réaction il est possible de former une longue chaîne linéaire.



Comme nous l'avons dit les acides amines diffèrent par leurs groupes latéraux (les résidus) qui sont au nombre de 20. On verra par la suite que ces 20 résidus peuvent être regroupés en familles. Pour l'instant il suffit de considérer ces 20 résidus comme un alphabet qui peut donner naissance à une extraordinaire variété de chaînes linéaires. On peut considérer un exemple particulier : le lysozyme constitué d'un enchaînement spécifique de 129 acides aminés. Une telle chaîne comporte toujours 2 extrémités précises : une extrémité amine et une extrémité carboxyle, qui résultent de la réaction chimique qui a donné naissance à cet enchaînement d'acides aminés. Il y a donc une directionnalité associée à une telle chaîne. La succession des acides aminés constituant cette chaîne est appelée la structure primaire. La structure primaire d'une protéine n'est rien d'autre que la liste des acides aminés la constituant. Pour revenir au lysozyme il s'agit d'une protéine présente dans de nombreux organismes vivants en particulier chez l'homme où on trouve cette protéine dans les larmes, les sécrétions. C'est une protéine qui agit contre les bactéries en dégradant les parois bactériennes. Pour la petite histoire, Fleming qui a découvert les antibiotiques, qui sont des antibactériens, avait dans un premier temps découvert l'action antibactérienne du lysozyme ; mais il y a une grosse différence entre un antibiotique et le lysozyme. Cette molécule est une protéine qu'il est difficile de transformer en médicament du fait de sa fragilité alors que les antibiotiques sont de petites molécules beaucoup plus aptes à être utilisées comme médicament.
Pour en revenir au lysozyme, présent donc dans les organismes vivants, on peut se poser la question de savoir comment un tel objet peut être fabriqué par ces organismes. En fait, l'information à la fabrication d'un tel objet est contenue dans le génome des organismes sous la forme d'une séquence d'acide désoxyribonucléique (ADN) constituant le gène codant pour cette protéine. Pour fabriquer une protéine on commence par lire l'information contenue dans la séquence d'ADN pour fabriquer une molécule intermédiaire : l'ARN messager, lui-même traduit par la suite en une protéine. Il s'agit donc d'un processus en 2 étapes :
- Une étape de transcription, qui fait passer de l'ADN à l'ARN messager,
- Une étape de traduction, qui fait passer de l'ARN messager à la protéine.
Ces objets, ADN et ARN, sont, d'un point de vue chimique, très différents des protéines. Ce sont eux-mêmes des macromolécules mais dont les briques de base sont des nucléotides au lieu d'acides aminés.
Ces 2 étapes font intervenir des protéines ; l'ARN polymérase pour la transcription et le ribosome pour la traduction. En ce qui concerne la transcription l'ARN polymérase se fixe sur l'ADN, se déplace le long de celui-ci tout en synthétisant l'ARN messager. Une fois cet ARN messager fabriqué un autre système protéique, le ribosome, se fixe sur cet ARN messager, se déplace le long de cet ARN tout en fabriquant une chaîne polypeptidique qui formera la protéine. Il s'agit d'un ensemble de mécanismes complexes se produisant en permanence dans les organismes vivants pour produire les protéines.
Ces protéines sont produites pour assurer un certain nombre de fonctions. Parmi ces fonctions, certaines sont essentielles pour la duplication de l'ADN et permettre la reproduction (assure la transmission à la descendance du patrimoine génétique). Par ailleurs ce sont des protéines (polymérases, ribosomes) qui assurent la production de l'ensemble des protéines. Mais les protéines assurent bien d'autres fonctions telles que :
- Des fonctions de structure (la kératine dans les poils, les cheveux ; le collagène pour former des tissus),
- Des fonctions de moteurs moléculaires (telles que celles assurées par la myosine dans les muscles) ; de telles protéines sont des usines de conversion d'énergie chimique en énergie mécanique.
- Des fonctions enzymatiques. Les protéines de ce type sont des enzymes et elles interviennent dans toutes les réactions chimiques se déroulant dans un organisme et qui participent au métabolisme ; c'est par exemple le cas du mécanisme de digestion permettant de transformer des éléments ingérés pour les transformer en molécules utilisables par l'organisme.
Pour faire bref toutes les fonctions essentielles des organismes vivants (la respiration, la digestion, le déplacement) sont assurés par des protéines.
A ce stade nous avons donc introduit les objets essentiels de cet exposé que sont les protéines. Pour être complet signalons que la taille de ces protéines est très variable ; nous avons vu le lysozyme constitué d'une centaine d'acides aminés mais certaines protéines sont plus petites et certaines peuvent être beaucoup plus grosses.
Nous allons maintenant pouvoir aborder le problème de la structure et du repliement de ces objets.


La structured'une protéine
Tout d'abord quels sont les outils disponibles pour étudier la structure de ces objets. Un des outils essentiels est la diffraction des rayons X. L'utilisation de cet outil repose sur 2 étapes. La première (pas toujours la plus facile) consiste à obtenir des cristaux de protéines. Ces protéines, souvent solubles dans l'eau, doivent être mises dans des conditions qui vont leur permettre de s'arranger sous la forme d'un arrangement régulier : un cristal. C'est ce cristal qui sera utilisé pour analyser la structure des protéines qui le composent par diffraction des rayons X. A partir du diagramme de diffraction (composé de multiples tâches) il sera possible de remonter à la position des atomes qui constituent les protéines. Un des outils essentiels à l'heure actuelle pour ce type d'expérience est le rayonnement synchrotron (SOLEIL, ESRF).
Il existe d'autres outils telle que la résonance magnétique nucléaire qui présente l'avantage de ne pas nécessiter l'obtention de cristaux mais qui reste limitée à l'heure actuelle à des protéines de petite taille.
Finalement à quoi ressemble une protéine ? Dans le cas du lysozyme on obtient une image de cette protéine où tous les atomes sont positionnés dans l'espace de taille typique environ 50 Angströms. Il s'agit d'un cas idéal car souvent on n'obtient qu'une image de basse résolution de la protéine dans laquelle on n'arrive pas à localiser précisément tous les atomes qui la constituent. Très souvent cette mauvaise résolution est liée à la mauvaise qualité des cristaux. C'est l'exemple donné ici d'une polymérase à ARN. Néanmoins on peut obtenir des structures très précises même dans de le cas de gros objets.


Repliement,dénaturation et paradoxede Levinthal
Très clairement on voit sur ces structures que les protéines sont beaucoup plus compactes que les chaînes désordonnées mentionnées au début. Cette structure résulte du repliement vers un état compact replié sur lui-même et c'est cet état qui est l'état fonctionnel. C'est ce qui fait que le repliement est un mécanisme extrêmement important puisque c'est ce mécanisme qui fait passer de l'état de chaîne linéaire déplié à un état replié fonctionnel. L'importance de ce repliement peut être illustrée dans le cas d'un enzyme qui permet d'accélérer une réaction chimique entre 2 objets A et B ; ces 2 objets peuvent se lier à l'enzyme, ce qui permet de les approcher l'un de l'autre dans une disposition où une liaison chimique entre A et B peut être formée grâce à l'environnement créé par l'enzyme. Tout ceci ne peut se produire que si les sites de fixation de A et B sont correctement formés par le repliement de la longue chaîne peptidique. C'est la conformation tridimensionnelle de la chaîne linéaire qui produit ces sites de fixation.



Il y a une notion associée au repliement qui est la dénaturation. Nous venons de voir que le repliement est le mécanisme qui fait passer de la forme dépliée inactive à la forme repliée active ; la dénaturation consiste à passer de cette forme active repliée à la forme inactive dépliée sous l'influence de facteurs aussi variés que la température, le pH, la présence d'agents dénaturants tels que l'urée.

La grande question du repliement c'est la cinétique de ce phénomène. Pour la plupart des protéines où des expériences de repliement-dénaturation ont été effectuées le temps caractéristique de ces phénomènes est de l'ordre de la seconde. Comment donc une protéine peut trouver sa conformation active en un temps de l'ordre de la seconde ?
Une approche simple consiste à développer une approche simplifiée sur réseau ce qui permet de limiter le nombre de degrés de liberté à traiter ; on peut par exemple considérer une protéine (hypothétique) placée sur un réseau cubique. On peut considérer le cas d'une protéine à 27 acides aminés. On peut alors compter le nombre de conformations possibles de telles protéines ; à chaque acide aminé on compte le nombre de directions pour positionner le suivant. Sur un réseau cubique à chaque étape nous avons 6 possibilités ce qui fera pour une chaîne de 27 acides aminés 627 possibilités. Cela n'est vrai qu'à condition d'accepter de pouvoir occuper 2 fois le même site du réseau ce qui, bien sur, n'est pas vrai dans la réalité ; si on tient compte de cela on arrive en fait à diminuer quelque peu ce nombre qui sera en fait 4,727. Plus généralement pour une chaîne de N acides aminés on obtiendra 4,7N possibilités. Si on part d'une chaîne dépliée on peut alors se dire que pour trouver le « bon état replié » il suffit d'essayer toutes les conformations possibles. Cela va s'arrêter lorsqu'on aura trouvé une conformation stable, c'est-à-dire une conformation énergétiquement favorable. Pour passer d'une conformation à une autre il faut au moins un mouvement moléculaire élémentaire dont nous avons vu que l'échelle de temps caractéristique est la picoseconde (10-12 seconde). I faut donc un temps total (afin d'explorer toutes les conformations) :
Trepliement= 4,7N * Tmoléculaire.
Si on prend N=100, Tmoléculaire= 1picoseconde=10-12seconde, alors :

Trepliement= 1055 secondes !!!
C'est beaucoup car on cherche 1 seconde et on trouve quelque chose de beaucoup plus grand que l'âge de l'univers (de l'ordre de 1027 secondes). Avec cette approche il faut plus de temps à une protéine pour se replier et met plus de temps que l'âge de l'univers.
C'est le paradoxe de Levinthal.
Comment s'en sortir ?
Il faut revenir aux acides aminés et en particulier aux résidus qui permettent de différencier les 20 acides aminés. Ces 20 acides aminés peuvent se regrouper en famille selon la nature de ce résidu.


Une première famille est constituée par les acides aminés hydrophobes. Qu'est ce qu'un acide aminé hydrophobe ou l'effet hydrophobe ? Il s'agit de l'effet qui fait que l'eau et l'huile ne se mélangent pas. Si sur une chaîne on dispose des acides aminés hydrophobes alors ceux-ci vont faire « collapser » la chaîne afin de se regrouper et de se « protéger » de l'eau, tout comme l'eau et l'huile ont tendance à ne pas se mélanger. Ce mécanisme tend à créer ainsi une poche hydrophobe qui permet à ces acides aminés d'éviter l'eau. On commence ainsi à avoir une amorce de solution au paradoxe de Levinthal : la protéine ne va essayer que toutes les conformations, elle va commencer à utiliser dans un premier temps ce mécanisme qui à lui seul va éliminer un grand nombre de conformations possibles.





Mais il y a d'autres familles d'acides aminés et parmi celles-ci celle des acides aminés chargés (+ ou -) qui vont être soumis aux interactions électrostatiques classiques (les charges de même signe se repoussent, les charges de signe contraire s'attirent). Ainsi, si le long de la chaîne nous avons 2 acides aminés de signe opposé ils vont avoir tendance à s'attirer ; cet effet a là encore tendance à diminuer le nombre de conformations possibles pour la chaîne.
Dernière famille, un peu plus complexe mais au sein de laquelle les interactions sont de même nature que pour les acides aminés chargés, à savoir des interactions de type électrostatique. Cette famille est constituée par les acides aminés polaires qui ne portent pas de charge globale mais au sein desquels la distribution des électrons est telle qu'il apparaît une distribution non uniforme de charges ; cette asymétrie dans la répartition des charges va permettre par exemple de créer des liaisons hydrogènes entre molécules d'eau (interactions qui donnent à l'eau des propriétés particulières par rapport à la plupart des autres liquides).
Au total l'image initiale que nous avions des chaînes polypeptidiques doit être un peu repensée et l'on doit abandonner l'idée d'une marche au hasard permettant d'explorer toutes les conformations possibles puisque les briques de base de ces chaînes interagissent fortement les unes avec les autres. On peut ainsi récapituler l'ensemble des interactions au sein d'une chaîne (effet hydrophobe, liaison ionique, liaison hydrogène, sans oublier un mécanisme un peu particulier faisant intervenir des acides aminés soufrés qui peuvent former un pont disulfure ; il s'agit néanmoins d'une liaison un peu moins générale que les précédentes et qui par ailleurs est beaucoup plus solide).
La structure globale de nos protéines résulte de la présence de toutes ces interactions entre les acides aminés présents le long de la chaîne. Lorsque l'on regarde attentivement de telles structures on observe la présence d'éléments répétitifs assez réguliers : hélices, feuillets. Ces feuillets sont des structures locales au sein desquelles la chaîne est organisée dans un plan au sein duquel la chaîne s'organise. Ces éléments de régularité résultent des interactions entre acides aminés et pour la plupart il s'agit des fameuses liaisons hydrogènes entre atomes spécifiques. Bien évidemment certaines régions sont moins organisées et on retrouve localement des structures de type marche au hasard.






Si on récapitule ce que nous avons vu concernant la structure des protéines, nous avons introduit la notion de structure primaire qui n'est rien d'autre que l'enchaînement linéaire des acides aminés. Nous venons de voir qu'il existait des éléments de structure locale (hélices, feuillets) que nous appellerons structure secondaire. Et ces éléments associés aux uns aux autres forment la structure globale tridimensionnelle de la protéine que nous appellerons structure tertiaire.

Il faut noter que cette structure des protéines résulte d'interactions entre acides aminés et il est intéressant de connaître les ordres de grandeur des énergies d'interactions mises en jeu. Ces énergies sont en fait faibles et sont de l'ordre de grandeur de l'énergie thermique (kBT). C'est le même ordre de grandeur que les énergies d'interaction entre molécules au sein d'un liquide comme l'eau ; on peut s'attendre donc à ce que de tels objets ne soient pas rigides ou totalement fixes. Ces mouvements demeurent faibles car il y a une forme de coopérativité (au sens ou plusieurs acides aminés coopèrent pour assurer une stabilité des structures observées) qui permet néanmoins d'observer une vraie structure tridimensionnelle. Ainsi, au sein d'un feuillet ou d'une hélice, plusieurs liaisons sont mises en jeu et à partir de plusieurs éléments interagissant faiblement, on peut obtenir une structure relativement stable de type feuillet ou hélice ; il suffit néanmoins de peu de chose pour détruire ces structures, par exemple chauffer un peu.
Si on revient au mécanisme de repliement on doit abandonner notre idée initiale de recherche au hasard de la bonne conformation. Si on part d'un état initial déplié, un premier phénomène a lieu (essentiellement lié à l'effet hydrophobe, qui vise à regrouper les acides aminés hydrophobes) qui fait rapidement collapser la chaîne sur elle-même. D'autres phénomènes vont alors se mettre en route comme la nucléation locale de structures secondaires de type hélices ou feuillets qui vont s'étendre rapidement le long de la chaîne. Le processus de Levinthal est donc complètement faux et l'image correcte est beaucoup plus celle donnée ici de collapse essentiellement lié à l'effet hydrophobe et de nucléation locale de structures secondaires.

Les protéines n'essaient donc pas d'explorer l'ensemble des conformations possibles pour trouver la bonne solution mais plutôt utiliser les interactions entre acides aminés pour piloter le mécanisme de repliement.
En fait la composition chimique de la chaîne contient une forme de programme qui lui permet de se replier correctement et rapidement.
Au sein des organismes vivants il y a donc plusieurs programmes ; un programme au sein du génome qui permet la synthèse chimique des protéines et un programme de dynamique intramoléculaire interne à la chaîne protéique qui lui permet d'adopter rapidement la bonne conformation lui permettant d'assurer sa fonction.
Il faut noter qu'il existe d'autres façons de s'assurer que les protéines se replient correctement qui font intervenir d'autres protéines (les chaperons).
Notons enfin les tentatives effectuées à l'heure actuelle de modélisation réaliste sur ordinateurs.

 

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ÉVOLUTION : UN CHAINON MANQUANT ...

 

Évolution : un "chaînon manquant" découvert au fond des océans
Erwan Lecomte Par Erwan Lecomte

Une équipe internationale de chercheurs a découvert une archéobactérie intermédiaire entre les cellules simples procaryotes et les cellules complexes eucaryotes.
Vue d'artiste représentant l'une des théories du passage des cellules procaryotes aux eucaryotes par agglomération entre elles de plusieurs cellules procaryotes. JACOPIN / BSIPVue d'artiste représentant l'une des théories du passage des cellules procaryotes aux eucaryotes par agglomération entre elles de plusieurs cellules procaryotes. JACOPIN / BSIP


DÉCOUVERTE. Si la découverte faite par cette équipe internationale est confirmée, c'est un pas de géant qui vient d'être franchi dans le domaine de la génétique de l'évolution. Dans un article publié dans le magazine Nature le 6 mai 2015, des chercheurs affirment avoir découvert "le chaînon manquant" entre les cellules les plus simples (les "procaryotes" qui composent par exemple les bactéries) et les cellules les plus complexes (dites "eucaryotes" que l'on retrouve dans tout le règne animal). Risquons une analogie technologique afin d'expliciter le gouffre qui sépare ces deux types de cellules : il y a à peu près autant de différence entre une cellule procaryote et une cellule eucaryote qu'entre une calculatrice de poche et un super-ordinateur. Les organismes "procaryotes" sont parmi les plus simples qui soient. Ils sont d'ailleurs la plupart du temps constitués d'une seule cellule, beaucoup moins cloisonnée, et dans laquelle le matériel génétique n'est pas protégé derrière la membrane d'un noyau.



Schéma représentant une cellule eucaryote (à gauche) et une cellule procaryote (à droite). La cellule eucaryote se caractérise par la présence d'un noyau enfermé derrière une membrane, et de petits organites appelés des mitochondries, dont la fonction est d'alimenter la cellule en énergie chimique. Dans la cellule procaryote, le matériel génétique forme une pelote directement au contact. Crédit image : creative commons.

La complexité des cellules eucaryotes et la présence en leur sein de ces véritables petites usines énergétiques que sont les mitochondries a permis l'émergence d'êtres vivants composés, comme vous et moi, de plusieurs milliards de cellules travaillant de concert au bon fonctionnement de notre corps.

Un saut évolutif considérable

Comment expliquer alors un tel saut d'un type de cellule à l'autre au fil de l'évolution ? Les chercheurs de l'université de Bergen et d'Uppsala ont peut-être trouvé un élément de réponse au fond de l'océan Arctique, dans une zone située entre le Groenland et la Norvège. Affrontant des eaux glacées et des pressions considérables par plus de 3000 mètres de fond, un vaillant robot d'exploration est allé collecter des échantillons de sédiments marins au pied d'une zone volcanique sous-marine active appelée "Château de Loki". Etant donné les conditions qui règnent à ces profondeurs (température, pression, absence de lumière...), une seule catégorie de micro-organismes peut y survivre : les archéobactéries. Des cousines des bactéries procaryotes, découvertes dans les années 1970, qui s'épanouissent dans un environnement apocalyptique.

PROTÉINES. Et le patrimoine génétique de l'une de ces archéobactéries a littéralement stupéfait les chercheurs. Bien que ce micro-organisme n'ait, comme tout bon procaryote, ni noyau pour protéger son ADN, ni mitochondries, "l'étude de son génome la fait apparaître dans l'arbre phylogénétique comme un groupe sœur des cellules procaryotes" nous a confié Anja Spang, chercheuse au département de biologie cellulaire et moléculaire à l'université d'Uppsala, et principal auteure de ces travaux. Autrement dit, ce procaryote, présenterait une troublante similarité génétique avec les cellules eucaryotes beaucoup plus complexes. D'ailleurs en fouillant le génome de ce micro-organisme inconnu, aussitôt baptisé Lokiarchaeum (du fait de sa découverte à proximité du fameux "Château de Loki" cité précédemment) l'équipe a a découvert des gènes qui codent pour des protéines que l'on ne retrouve habituellement que chez les eucaryotes. "On n'en connaît pas encore la fonction chez Lokiarcheum" précise Anja Spang.

Une nouvelle pièce dans le puzzle de l'évolution

Ce nouveau micro-organisme constituerait donc un intermédiaire un peu plus évolué qu'un procaryote, mais pas encore aussi perfectionné qu'un eucaryote. Lokiarchaeum serait donc le descendant le plus proche de l'organisme qui, il y a très longtemps, a "avalé" (on dit "phagocyter" dans le monde impitoyable des bactéries) une autre bactérie qui, par la suite, est devenue la première mitochondrie. Et cet organisme disposant d'un "kit génétique" capable de lui faire fabriquer des protéines plus complexes, a ensuite évolué vers les eucaryotes tels que nous les connaissons aujourd'hui. "Naturellement cela ne veut pas dire que Lokiarchaeum est la copie conforme de cet ancêtre commun relativise Anja Spang. Lokiarchaeum a également évolué pendant des siècles." La découverte et l'étude de ce nouveau micro-organisme fournit toutefois un nouvel éclairage sur la manière dont, il y a des milliards d'années, les cellules complexes qui composent aujourd'hui les plantes, les champignons, mais aussi les animaux et les humains, ont évolué à partir des microbes simples.

 

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TRISOMIE 21

 

Trisomie 21 : vers un test 100 % efficace pour la dépister

Une vaste étude réalisée sur plus de 16.000 femmes enceintes a confirmé une meilleure fiabilité et précision pour un nouveau test de détection sur trois types de trisomie, dont la trisomie 21.

TRISOMIE. Un test de l'ADN du fœtus circulant dans le sang de la mère serait plus efficace que les tests standards pour détecter la trisomie 21 ainsi que deux autres anomalies chromosomiques moins fréquentes, indique une étude publiée mercredi 1er avril dans la prestigieuse revue médicale New England Journal of Medicine. Ce travail a porté sur 16.000 femmes dont la grossesse allait de dix à quatorze semaines. Elles étaient âgées de 30 ans en moyenne et environ 25% avaient plus de 35 ans, âge à partir duquel on estime que le risque de trisomie 21 augmente fortement.
Les analyses, effectuées grâce à la faible quantité d'ADN fœtal se trouvant dans le sang maternel, ont permis d'identifier la trisomie 21 chez l'ensemble des 38 fœtus affectés. Les résultats ont été confirmés par des examens du nouveau-né ou prénataux, ainsi que par des analyses génétiques post-natales. Cette vaste étude permet de confirmer des résultats préliminaires publiés en 2014 mais qui n'avaient concerné qu'un peu moins de 1.000 femmes à risque.
Une technique nettement plus efficace, mais partielle
C'est une quantité plus importante d'ADN du fœtus circulant dans le sang de la mère qui constituerait ainsi une possible indication de certaines anomalies chromosomiques, dont la trisomie qui se caractérise par une copie supplémentaire d'un chromosome formant une des 23 paires de chromosomes. Une nouvelle technique qui pourrait bien s'avérer plus fiable et plus précise que les tests standard de dépistage. En effet, ces derniers, appliqués au même groupe de femmes, n'ont détecté la trisomie que chez 30 des 38 fœtus concernés. Et alors que ces tests standards se traduisent par un taux élevé de diagnostics faussement positifs, l'analyse de l'ADN fœtal dans le plasma maternel en a produit nettement moins : neuf, contre 854 pour le dépistage conventionnel.
Outre un taux d'erreur de diagnostic plus élevé, les examens prénataux invasifs comportent des risques. L'amniocentèse, qui consiste à prélever du liquide amniotique, présente notamment un risque de transmission du sida ou de l'hépatite B quand la mère en est porteuse, des risques d'infection, de fausse couche, de naissance prématurée ou encore de mort in utero.
Deux autres anomalies également mieux dépistées
Pour ce qui est des deux autres anomalies génétiques moins fréquentes (trisomie 18 et trisomie 13), le test de l'ADN fœtal à là-aussi montré une bonne efficacité même si celle-ci est moins flagrante. Ainsi, parmi les dix cas de trisomie 18 ou syndrome d'Edwards, l'analyse de l'ADN en a diagnostiqué correctement neuf, tandis que les autres tests en ont identifié huit et ont produit 49 diagnostics faussement positifs. Quant à la trisomie 13, ou syndrome de Patau, le test de l'ADN fœtal a détecté les deux cas et produit un seul faux positif. Les techniques standard en ont identifié un seul et donné 28 diagnostics faussement positifs.
Bien que ces résultats suggèrent la supériorité du test de l'ADN fœtal sur les techniques standard, ces dernières sont les seules à ce stade à pouvoir "détecter le risque d'un ensemble d'autres anomalies du fœtus", qui ne se résument pas aux trois types de trisomie sur lesquels se sont concentrés les chercheurs. Les cas de trisomie 21 ne représentent en effet qu'un peu plus de 50% des aneuploïdies, les troubles résultant d'un nombre anormal de chromosomes, selon les chercheurs.

 

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LES BASES GÉNÉTIQUES DE L'ÉVOLUTION HUMAINE

 

Texte de la 10ème conférence de l'Université de tous les savoirs réalisée le 10 janvier 2000 par André Langaney


Les bases génétiques de l'évolution humaine


Pour parler de l'évolution humaine, il faut d'abord évoquer lévolution des ancêtres des humains actuels, c'est d'abord 3 milliards 800 millions d'années d'histoire de la vie, une histoire pré-humaine à 99'9%. Ceux qui ont constitué lessentiel de notre généalogie n'étaient pas des hommes. Cela a été l'objet d'un grand débat, de lourdes polémiques. En 1619, un prêtre italien, Jules César Vanini a eu la langue arrachée, a été strangulé et brûlé vif, si lon peut dire, sur la place publique à Toulouse, pour avoir proposé, entre autres choses, que les hommes descendaient de singes. Ceci deux siècles avant Darwin à qui lon attribue trop souvent cette idée, et un siècle et demi avant Lamarck, qui lavait écrite huit ans avant la naissance de Charles Darwin. Ces idées, depuis, ont été confirmées dans le cadre d'une théorie énoncée pour la première fois par le même Jean-Baptiste de Monet, chevalier de Lamarck : la théorie de l'évolution des espèces.
Il est possible d'établir une classification des espèces vivantes d'après la structure moléculaire dune enzyme présente dans toutes les cellules de toutes les espèces vivantes : le cytochrome C. Celui-ci a été étudié depuis plus de trente ans chez de très nombreuses espèces. La séquence de la partie active de cette protéine est, à peu de chose près, la même dans les différentes espèces, mais il y a des différences entre les parties non actives de ces séquences, différences d'autant plus grandes que les espèces sont moins parentes dans la classification des espèces. Si tous les cytochromes sont pareils, c'est parce que ce sont des variantes du même gène initial qui ont été héritées à travers la généalogie commune de toutes les espèces. Cela implique donc que toutes ces espèces aient une origine commune. Ce qui a été découvert sur le cytochrome est vrai pour toutes les autres grandes molécules qui assurent les fonctions principales de la vie : reproduction, synthèse des protéines, établissement des structures cellulaires et, pour la plupart des êtres vivants, sexualité.
Une séquence d'ADN a été trouvée chez la mouche du vinaigre, la célèbre drosophile des généticiens, qui code des gènes organisant le corps de cette mouche d'avant en arrière. Cette découverte du groupe de Walter Gehring, à Bâle, montre que, contrairement à ce que tous les biologistes moléculaires avaient cru jusque-là, il peut y avoir parfois, dans un organisme, dans son patrimoine génétique, sur un chromosome, sur une molécule d'ADN, une sorte de plan préétabli de cet organisme.
Dautres gènes organisateurs vont faire que l'animal a un ventre et un dos, quil est segmenté en anneaux, comme l'abdomen de cette mouche du vinaigre ou comme son thorax. Il y en a évidemment dans toutes les espèces qui ont des propriétés semblables. Un groupe américain a retrouvé presque exactement la même séquence de gènes organisateurs avant- arrière et de segmentation chez l'embryon de souris, même si l'avant et larrière y sont plus difficile à définir. Cela signifie qu'un ancêtre commun, déjà organisé d'avant en arrière et segmenté, existe entre la mouche du vinaigre et l'ensemble des vertébrés, jusqu'à l'homme. Nous, humains, avons un corps organisé d'avant en arrière, de haut en bas, et qui est segmenté comme celui de la mouche du vinaigre, sauf que nos segments sont à l'intérieur au lieu d'être extérieur : ce sont nos vertèbres. Les gènes organisateurs font que le plan fondamental des organismes est le même chez les vertébrés et chez les invertébrés. Cela signe donc une incroyable parenté de tous les êtres vivants.
Cette parenté se retrouve au niveau des chromosomes. La comparaison des chromosomes, les supports du matériel génétique, de l'homme et du chimpanzé montre qu'ils sont aussi nombreux et sont très semblables par leurs anneaux colorables, si ce n'est que le grand chromosome 2 humain n'a pas d'équivalent chez le chimpanzé. Le chimpanzé, lui possède deux petits chromosomes qui n'ont pas d'équivalents chez l'homme, à moins de les recoller, auquel cas ils forment un chromosome 2 humain parfait. Il est clair que, soit un ancêtre commun à l'homme et au chimpanzé avait la structure du chimpanzé et les deux chromosomes ont fusionné, soit, à l'inverse, il y avait un chromosome de type humain qui s'est partagé. La comparaison avec d'autres espèces prouve que l'ancêtre commun avait la même structure que le chimpanzé, et que, sur la seule lignée humaine, il y a eu une fusion pour donner ce nouveau chromosome n°2.
Il est vraisemblable qu'un événement comme celui-là ne s'est produit qu'une seule fois. Il a fallu partir d'un petit groupe dans lequel cette anomalie a eu l'occasion de se reproduire. Cela veut dire qu'à certains moments, à chaque fois qu'il s'est passé des choses comme cela, nos ancêtres sont repartis de populations de très petits effectifs, seules capables de "fixer" de telles mutations rares. L'origine des espèces n'est donc certainement pas toujours ce qu'imaginaient Charles Darwin ou Jean Lamarck : de grandes populations mères qui se séparent en deux ou trois grandes populations filles, lesquelles deviennent de plus en plus différentes. Ce dernier cas, cest celui des espèces dites "jumelles" ; cela existe de temps en temps, mais ce n'est pas le cas général. Le cas le plus fréquent, c'est sans doute le bourgeonnement, à partir d'une espèce- mère d'une petite population dans laquelle vont s'établir des différences de structures chromosomiques, lesquelles vont aboutir à l'inter- stérilité entre l'ancienne et la nouvelle espèce. Par exemple, on a pu montrer que, depuis un ancêtre commun qui vivait il y a quatre à sept millions d'années, jusqu'à l'homme d'un côté et jusqu'au chimpanzé de l'autre, il y a eu au moins neuf fois où lon est repartis à partir de peu dindividus porteurs dune nouvelle mutation chromosomique importante, qui se sont reproduits entre eux.
L'histoire des chromosomes de l'ensemble des primates a été décrite par Bernard Dutrillaux, du CNRS. Les cercopithèques de la forêt dAfrique équatoriale ne présentent pas toujours une séparation très claire de leurs espèces deux à deux, mais se croisent parfois entre espèces ou pré-espèces interfécondes, formant une sorte de "patate évolutive", aux limites internes floues et dont les racines correspondant aux espèces qui en sortent. En forêt dAfrique équatoriale, par exemple, il y a une vingtaine d'espèces de petits cercopithèques différentes, adaptées à des environnements légèrement différents, dont les individus, en principe, forment des populations qui se reproduisent entre elles. Mais il arrive des accidents de deux types : d'abord, que tous les membres d'une même espèce n'aient pas la même formule chromosomique; ensuite, que les membres de deux espèces différentes s'hybrident et produisent des hybrides féconds. Dans un cas comme celui-là, il est clair que ces espèces sont récentes et ne sont pas encore bien séparées. On est donc obligé d'admettre que les ancêtres des différentes espèces ont pu échanger de temps en temps un chromosome et quelques gènes pendant un certain temps après le début de leur séparation, ce qui veut dire que celle-ci ne sest pas faite par des "dichotomies", des séparations en deux des généalogies, semblables pour tous les chromosomes et tous les gènes. Avec de tels échanges génétiques après le début de la formation des espèces, deux chromosomes ou deux gènes peuvent avoir des histoires généalogiques différentes au sein dun même groupe despèces proches.
Et ceci s'est produit aussi sur la lignée humaine. Pour un certain nombre de chromosomes, l'homme, le chimpanzé et le gorille sont exactement semblables. Pour d'autres chromosomes, les plus nombreux, l'homme et le chimpanzé sont semblables, le gorille est différent. Pour d'autres, le chimpanzé et le gorille sont semblables, l'homme est différent. Enfin, il y a un tout petit chromosome, le n°15, pour lequel le gorille et l'homme sont semblables et le chimpanzé est différent. D'après le chromosome n°15, vous supposeriez un ancêtre commun à l'homme et au gorille, et puis, avant, un ancêtre qui aurait été commun avec le chimpanzé. Mais si vous prenez le chromosome n°2, par exemple, vous allez avoir l'homme et le chimpanzé d'abord, et puis le gorille qui se rattachera après. Ces deux histoires sont incompatibles, ce qui veut dire que la séparation des espèces ne s'est pas toujours faite deux à deux ou bien trois à trois, comme on le supposait autrefois. Pendant un certain temps et cela complique beaucoup certaines études de génétique entre les espèces -, les ancêtres de plusieurs espèces ont pu être interféconds, et la séparation de ces espèces n'a pas été aussi nette, deux à deux, quon le croit souvent encore.
Lucy, l'australopithèque de l'Afar, est reconstituée en jolie petite pygmée au Muséum dhistoire naturelle de Genève et cest par contre un chimpanzé qui marche debout au Musée de lHomme de San Diego, en Californie ! On na bien sûr aucune information sur sa pilosité, mais, poilue ou pas, elle marchait debout quand elle était à terre. Autrement, du point de vue anatomique, c'était plus un chimpanzé quun humain et elle vivait sans doute à moitié dans les arbres.
Qui étaient les ancêtres communs à l'homme et au chimpanzé ? Ces ancêtres communs sont prouvés par la biologie moléculaire, par la biologie cellulaire, par la théorie de l'évolution, par l'anatomie comparée et datés entre quatre et sept millions d'années avant nous. Tout le monde voudrait que certains australopithèques, nos seuls cousins connus de lépoque, soient les ancêtres de l'homme, mais presque personne ne voudrait que ce soient aussi les ancêtres du chimpanzé. Résultat: en trente ans de paléontologie déconcertante, on a trouvé des quantités d'ancêtres possibles de l'homme et jamais un seul ancêtre du chimpanzé ! Pourtant, il avait bien des ancêtres, ce chimpanzé ! Comme les australopithèques, par la démarche debout, verticale, ressemblaient plus à l'homme, même si, par leur crâne et par le reste, ils ressemblaient plus au chimpanzé, le grand problème, ce n'est pas l'hominisation, qui est un chose simple : inventer l'homme à partir de Lucy, qui marche debout, tout le monde en est capable ! Mais inventer le chimpanzé à partir dun cousin de Lucy, semblait plus difficile. Alors, il faudra y penser car le chimpanzé avait des ancêtres et, en ces temps reculés, on ne connaît que des australopithèques.
Homo habilis, daté de trois à 1,8 millions d'années, est retrouvé associé à des outils depuis 2,5 millions, puis à des restes de dépeçage collectif et à des traces dhabitations probables. Ses outils en pierre taillée le font qualifier dhumain, parce que, si les chimpanzés utilisent des outils et en fabriquent aussi, ils fabriquent plutôt des outils en bois. Quelque temps plus tard, entre 1,8 et 1,6 million dannées, apparaît Homo dit erectus et quelques autres dotés de noms très arbitraires. Déjà, les Homo habilis avaient une station verticale parfaite et ne vivaient plus dans les arbres la moitié de leur vie, comme Lucy et ses semblables. Homo erectus est franchement humain et il est associé à des outils nettement plus sophistiqués. Et puis, particularité nouvelle, il est parfois très grand : le squelette trouvé au bord du lac Turkana était celui dun jeune très grand. S'il avait continué à grandir - il est mort avant d'avoir fini sa croissance -, il aurait atteint une taille de 1,85 ou 1,90 mètre, voire plus, ce qui coupe court à la légende selon laquelle les Homo erectus n'auraient jamais mesuré plus de 1,70 mètre. Ces Homo erectus vont conquérir le monde une première fois. Ils vont se retrouver en Asie du Sud-Est, en Chine, et leurs cousins en Europe. Certains sont restés en Afrique depuis 1,6 millions dannées, mais, jusque vers 500 000 ans avant nous, on en a un peu partout. Il y en a peut-être qui ont continué un peu plus longtemps, mais, à partir de 500 000, on voit un certain nombre de fossiles bizarres, plutôt intermédiaires entre eux et nous. Si lon ne peut pas tenir de grands discours sur ce qui s'est passé dans cette transition, c'est d'abord parce qu'on n'a pas presque pas d'informations, les fossiles de cette période étant rares et, de plus, mal datées pour des raisons techniques.
Depuis 100 000 ans, il y a des hommes modernes, ayant le même squelette que nous, en Palestine et peut-être en Éthiopie et en Afrique du Nord. Non seulement ils nous sont semblables sur le plan anatomique, mais ils enterrent leurs morts dans des tombes, les cadavres sont orientés, on retrouve, dans les sépultures, des pollens de fleurs et des offrandes aux défunts, donc des rites religieux. Mais ce qui est caractéristique, c'est, à nouveau, que lon en retrouve très peu jusqu'à 12 000 ans avant nous, jusqu'à l'invention de l'agriculture. Celle-ci apparaît à différents endroits des cinq continents entre quinze et six ou sept mille ans et les fossiles d'hommes modernes très rares jusque là, deviennent très fréquents dès que leur mode de vie change, grâce à la production de nourriture liée à lagriculture.
Il y a donc eu une grande révolution démographique dans la préhistoire parce que, pendant les neuf dixièmes des 100 000 ans, mille siècles, des humains modernes (une histoire très courte), ils ont été très peu nombreux. Cétait une espèce rare, comme tous les autres grands primates. Les chimpanzés, les gorilles, les orangs-outans, les bonobos, comptaient au plus quelques centaines de milliers d'individus pour tout le continent qui les hébergeait. Les humains, pendant très longtemps, ont sans doute été aussi quelques dizaines de milliers, quelques centaines de milliers au plus, dont la plupart n'ont pas laissé de descendants. Et puis, ils inventent l'agriculture, produisent de la nourriture par leurs jardins et leurs champs, ainsi que par l'élevage. Ils peuvent alors être vingt, trente ou quarante fois plus nombreux sur les mêmes territoires et cest le début d'un grand changement.
Des mesures de la diversité connue du système des groupes sanguins Rhésus ont été réalisées à travers le monde. Il y a, dans ce système génétique, quatre gènes principaux R0, R1, R2, qui donnent des Rhésus positifs et r qui, en double exemplaire, donne le caractère Rhésus négatif. Le classement informatique d'une vingtaine de populations à travers le monde, conduit aux résultats suivant : dabord, les répertoires de gènes sont les mêmes partout, mais les fréquences de ces gènes varient beaucoup dune population à lautre, surtout si elles ont vécu loin lune de lautre. Ensuite, les populations s'enchaînent l'une à l'autre depuis une extrémité où lon observe les populations du Sud et de l'Ouest de l'Afrique, puis de l'Est de l'Afrique, puis de l'Afrique du Nord, puis du monde indo-européen, jusquà lautre extrémité avec celles de l'Asie orientale, de l'Océanie, de l'Amérique et de la Polynésie, mélangées. L'ordinateur a ainsi retrouvé l'ordre géographique d'alignement des populations dans lancien monde et ses prolongements américain et océanien. Il y a donc une logique géographique dans les variations des fréquences génétiques du système Rhésus à travers le monde. Par ailleurs, lordre en question na pratiquement aucun rapport avec laspect physique des populations : des populations de proportions corporelles ou de couleurs de peau très différentes sont génétiquement très proches, et inversement.
Richard Lewontin, célèbre généticien nord-américain, a fait, il y a plus de trente ans, une étude qui portait sur les enzymes humaines, dont la molécule varie souvent dun sujet à un autre. Il s'est demandé quelles étaient les parts de la diversité de ces enzymes qui étaient dues aux variations entre les individus à l'intérieur d'une même population, celle qui était due aux variations entre populations d'un même continent et celle qui était due aux grandes différences intercontinentales, aux "races" géographiques. Le résultat obtenu fut que la variabilité à l'intérieur des populations représentait 86% de la variabilité totale et les autres 6 à 8 % seulement. Les différences interindividuelles étaient donc beaucoup plus importantes que les différences systématiques entre populations soit d'un même continent, soit de continents différents. Cela a été retrouvé depuis pour la plupart des autres caractères génétiques : il y a une énorme variation à l'intérieur des populations et quelques différences systématiques, mais bien peu, entre les populations d'origines différentes.
Pour faire des greffes d'organes, on a énormément de mal à trouver un donneur aléatoire compatible et on ne le trouve pas forcément dans la population du receveur sil ny en a pas parmi ses frères et sSurs. C'est pour cela que les organismes de transplantation internationaux vont parfois chercher un cSur ou un rein à l'autre bout du monde, dans une population qui n'a rien à voir ni physiquement, ni culturellement, ni du point de vue de son histoire. Le classement des populations d'après les variantes du système HLA qui conditionne les greffes dorganes est aussi lié à leur position géographique et même à la forme des continents, dans certains cas. Il ny a qu'un seul facteur qui puisse expliquer cette distribution: ce sont les migrations. Lorsque l'on fait le test statistique de la répartition des fréquences des gènes pour 80% des systèmes génétiques connus en fonction de la distance géographique entre les résidences d'origine des populations, on trouve que cette répartition géographique explique entre la moitié et 75% de la variation des fréquences des gènes.
Tout ceci confirme très clairement la similitude des répertoires de gènes à travers les populations et la variation de leurs fréquences en fonction de leurs possibilité déchanges directs ou indirects de migrants. Lorsque, après linvention de lagriculture au néolithique, les humains sont devenus très nombreux sur tous les continents, ils ont pu établir de grands réseaux de migration. Ils ont échangé assez de conjoints de proche en proche et de migrants de loin en loin pour que l'ensemble des gènes actuels soit réparti en nappes continues à la surface de la planète. Il n'y a donc pas de discontinuité génétique notoire, pas de frontières biologiques entre les populations ou des "races" humaines.
Un arbre du à Estella Poloni représente les différences génétiques observées entre des populations étudiées pour 80 systèmes génétiques répartis sur une vingtaine de chromosomes humains différents. Le résultat est une coïncidence à peu près totale entre les lieux de résidence des populations et cette carte des ressemblances génétiques, à une exception près, les Européens. Ces derniers sortent près du Proche Orient doù ils viennent, et non en Europe, où ils résident. Il faut donc penser la diversité génétique humaine, non pas en termes de populations séparées et de barrières entre ces populations, mais en termes de réseaux de migration. Il est parfaitement clair qu'à l'intérieur d'un réseau de migration, tout le monde n'est pas pareil. A l'intérieur d'une population déjà, tout le monde est différent, puisqu'on y est incompatible pour les greffes d'organes, puisqu'on y est très souvent incompatible pour la transfusion sanguine, alors que les groupes sanguins sont les mêmes partout à travers le monde et puisque quiconque peut être identifié par son physique et ses empreintes digitales ou génétiques.
Depuis 8 000 à 10 000 ans au moins, un réseau génétique s'est établi à travers le monde, de proche en proche. Certaines portions de ce réseau sont très serrées, comme la partie centrale autour de la méditerranée, de lAfrique de lEst et de la péninsule indienne. Dautres, en Amérique, Océanie, Asie du Nord, Afrique de lOuest et du Sud, semblent plus lâches, correspondant à des colonisations moins denses et/ou plus récentes. Presque toutes les variantes des gènes existent dans le monde indo-européen, Nord-Africain, en Afrique de l'Est et dans le monde Indien. Au contraire, à la périphérie, que ce soit en Afrique de l'Ouest ou du Sud, que ce soit en Asie orientale, en Amérique ou en Océanie, les populations ont les gènes les plus fréquents du noyau central, à des fréquences souvent différentes, mais ont perdu un certain nombre de variantes rares. Les variantes rares perdues ne sont pas les mêmes en Afrique, en Océanie, en Asie orientale et en Amérique. Enfin, quelques variantes très rares n'existent qu'en Afrique ou en Océanie ou en Asie ou en Amérique, correspondant à des mutations récentes.
En 100.000 ans, depuis les premiers humains modernes connus, les populations n'ont pas eu le temps d'accumuler de nouveaux gènes à de fortes fréquences. Par contre, à une époque où les humains étaient très peu nombreux, ils ont eu le temps de perdre ici ou là des variantes quand les premiers émigrants sont allés recoloniser l'Afrique, l'Asie orientale, l'Océanie ou l'Amérique, longtemps après les premiers séjours des Homo erectus. Il n'y a aucun doute sur le fait que l'ensemble des humains modernes actuels soient issus d'une seule même souche, peu nombreuse d'Homo erectus. Ensuite, ils ont du recoloniser toute la planète. Vers 64 000 ans, ils sont arrivés en Chine du Sud, vers 50 000 ans, en Australie et en Papouasie-Nouvelle-Guinée, vers 40 000 ans, en Dordogne. Ils ont ensuite recolonisé l'Afrique à partir du Nord-Est, puis, sans doute après un premier passage infructueux il y a plus de 40 000 ans, ils ont colonisé l'Amérique. La Polynésie a été occupée nettement plus tard. Cette histoire est relativement bien connue. Elle s'est faite du temps où nos ancêtres étaient chasseurs-cueilleurs, et peu nombreux. Ce sont sans doute ces chasseurs-cueilleurs peu nombreux qui ont perdu un certain nombre de variantes génétiques du noyau central en émigrant vers leurs nouveaux territoires, tandis que les populations de ce noyau central correspondent sans doute aux descendants les plus directs de la population d'origine.
Certains caractères physiques sont répartis en fonction de la géographie dorigine des peuplements. Les couleurs de la peau, les tailles, les dimensions du corps, le fait qu'on soit plutôt petit et volumineux sous les climats froids, au Groenland, dans l'Himalaya ou dans les Andes, et plutôt grand et mince dans les déserts chauds. Les statures intermédiaire se trouvent dans les plaines tempérées ou dans les savanes tropicales.
Les couleurs moyennes de la peau ont été étudiées chez des populations aborigènes autochtones, aussi bien en Europe qu'ailleurs. Les populations à peau foncée sont originaires de la zone intertropicale, sans la moindre ambiguïté, et, dans les zones tempérées froides Nord, mais aussi Sud, il y a des populations à peau nettement moins foncée. Des explications de l'ordre de la sélection naturelle ont été proposées. Il semble bien quavoir la peau claire dans la zone intertropicale expose à de fortes fréquences de mélanomes, des cancer de la peau mortels. Les populations à peau foncée seraient moins exposées parce que la mélanine protège les noyaux cellulaires de la peau des rayons ultraviolets intensifs. Cela a été constaté, par exemple, entre les Aborigènes australiens et les surfeurs dorigines européenne : ces derniers font beaucoup plus de mélanomes que les Aborigènes. De même, les Chinois de Californie sont quatre fois plus atteints que les Chinois de Chine qui vivent à la même latitude, mais ne se mettent pas au soleil. Et puis, pour les populations qui ont émigré dans les zones tempérées froides, il semble bien que ce soit une question de biosynthèse de la vitamine D qui ait déterminé leurs couleurs moyennes de la peau. Dans les zones peu ensoleillées, la biosynthèse de la vitamine D, dans les conditions de la préhistoire, se faisait essentiellement à travers la peau et sous l'influence du rayonnement ultraviolet. Là, cette fois-ci, il y a peu de ces rayons dans les zones froides et, si on les bloque, en ayant beaucoup de mélanine dans l'épiderme, on a sans doute un risque plus grand de rachitisme par défaut de vitamine D avec une peau foncée quavec une peau claire. C'est sans doute cela qui s'est passé dans la préhistoire et qui expliquerait la répartition des couleurs de peau des populations.
Des arguments concernant lAmérique indienne où, malgré une colonisation récente, on observe cette répartition des pigmentations de la peau selon la latitude font penser que ces changements de couleur peuvent être relativement rapides. De même, des populations qui ont pratiquement le même patrimoine génétique, signant une origine commune récente à 20 000 ou 30 000 ans au plus (par exemple, entre Mélanésiens, Polynésiens et certains habitants de l'Asie du Sud-Est), ont des couleurs de peau totalement différentes, des textures des cheveux totalement différentes, des tailles totalement différentes.
Les populations d'Afrique centrale ont des tailles moyennes ou petites, elles ont les cheveux crépus, elles ont la peau très foncée, comme certains Papous ou Mélanésiens. Mais, si vous regardez les patrimoines génétiques, ils sont très différents entre ces populations physiquement semblables. Les Papous ou les Mélanésiens ont des fréquences génétiques d'Orientaux et sont beaucoup plus proches des Chinois, des Vietnamiens ou des Polynésiens que des Africains. Donc, très clairement, la ressemblance est le fruit du milieu alors que la parenté génétique est le fruit de l'histoire et de la géographie. Les Mélanésiens, les Polynésiens, et les Vietnamiens, malgré leurs différences physiques, sont beaucoup plus proches parents que les Bantous et les Papous qui, pourtant, se ressemblent plus physiquement.
L'analyse de séquences d'ADN mitochondrial chez 119 habitants du Sénégal par Laurent Graven et Laurent Excoffier montre de nombreuses différences. Il y a quelques lettres du code génétique qui sont différentes entre pratiquement chaque paire dindividus étudiés. Pascal Gagneux, à San Diego, a fait des études de la diversité de l'ensemble de notre espèce en comparant une séquence d'ADN chez 811 humains modernes. Il a aussi étudié un certain nombre de chimpanzés, une vingtaine de gorilles, un certain nombre de bonobos. Dans un même élevage de chimpanzés, on retrouve des individus dont les gènes sont séparés depuis plusieurs centaines de milliers d'années. Même chose chez les gorilles ou les orangs-outans.
Chez les humains, par contre, on trouve des séquences toutes différentes mais qui diffèrent par très peu de variations, ce qui signe que l'ancêtre commun à toutes ces séquences est plus proche de nous dans le temps. Des calculs sur un grand nombre de séquences d'ADN, nucléaire cette fois, ont été faits par un Japonais, Takahata. Ils montrent que le type de diversité observée au niveau de l'ADN humain ne peut s'interpréter raisonnablement que si l'effectif minimal de nos ancêtres depuis qu'il existe des humains modernes, a été de lordre de 5 000 reproducteurs. Par des méthodes de simulation extrêmement compliquées, on trouve, dans la variation moléculaire humaine, des traces d'une expansion qui aurait eu lieu entre 60 000 et 80 000 ans avant nous, juste avant la recolonisation de la planète par les humains modernes.
Les humains modernes ont migré à partir d'une population fondatrice qui avait plein de gènes différents. Ensuite, en allant au bout du monde, d'un côté ou de l'autre, telle ou telle population- fille a perdu quelques variantes de ces gènes, généralement des variantes rares. Pourquoi n'a t'on jamais, avec ce mécanisme, deux populations qui ont des gènes complètement différents pour un même système génétique ? Il y a deux explications à cela la première, c'est que les séparations longues entre populations dhumains modernes ont sans doute été peu nombreuses ; la deuxième, c'est que, sil y en a eu au paléolithique, les migrations ultérieures, au moins depuis le néolithique, ont compensé tout cela en redistribuant tous les gènes entre les nouvelles populations, beaucoup plus nombreuses, et à travers les continents.
Ensuite, la préhistoire nous a valu des variations des climats. Il y a 18 000 ans, du fait des glaciations, le niveau des mers était cent vingt mètres plus bas et on passait à pied jusqu'à Bornéo ou jusqu'à Timor ; là, il restait 90 km de mer à traverser pour passer en Nouvelle-Guinée, alors rattachée à lAustralie. Des humains lont fait il y a 50 000 ans, et puis, bien entendu, dautres ont pu le refaire très facilement il y a 18 000 ans où lon savait probablement déjà naviguer. À la même époque, le Sahara était beaucoup plus grand que maintenant. Il allait jusqu'à la côte, en Côte d'Ivoire. Il y a des gens qui ont été coincés en Afrique centrale à cette période, dans des conditions climatiques très particulières, différentes du reste du monde et sans doute très isolés. Ils sont peut-être à l'origine des particularités physiques d'une bonne partie des Africains et de quelques bizarreries de fréquences des gènes au sud du Sahara. A lépoque, on ne pouvait pas habiter en Europe du Nord ou en Amérique du Nord à cause de lextension des calottes glaciaires et des climats trop rigoureux. Les gens ont donc forcément bougé. Les chasseurs préhistoriques de cette période se sont forcément déplacés, ne serait-ce que parce que les faunes et les flores dont ils se nourrissaient se sont déplacées, parfois, de 2 000, 3 000 ou 4 000 kilomètres en latitude. Nos ancêtres chasseurs-cueilleurs qui en dépendaient nont donc pas pu évoluer en restant sur place comme le supposent les tenants des hypothèses dites "multi- régionales" sur lhistoire des peuplements et les partisans dune divergence très ancienne de races humaines que la génétique rejette aujourdhui sans le moindre doute. Des études de génétique montrent des auréoles de fréquence des gènes autour des centres de diffusion de l'agriculture, et ceci sur tous les continents, confirmant les hypothèses de repeuplement, au moins partiel, depuis linvention de lagriculture et/ou de migrations continues à travers les continents depuis.
Les grandes familles de langues africaines ont été classées par Joseph Greenberg, il y a une trentaine d'années. Il y a quatre grandes familles de langues en Afrique: la famille dite afro-asiatique, qui comprend les langues d'Afrique du Nord, d'une partie du Sahara, de l'Afrique de l'Est et aussi les langues parlées dans la péninsule arabe et au Proche-Orient. Le groupe Niger- Congo comprend les langues des Ouest- Africains et des Bantous. La famille Khoisan comprend les langues à clicks parlées en Afrique du Sud et celles de deux populations de Tanzanie. Enfin, un groupe assez particulier est celui des Nilo- Sahariens. On pense qu'il correspond aux descendants directs des anciens occupants du Sahara, pendant la période fertile, il y a une dizaine de milliers d'années. Une étude génétique de ces populations sépare, de manière spectaculaire, ces groupes linguistiques: le groupe Niger- Congo, les Khoisan, les Est- Africains et les Afro-Asiatiques divergent en parallèle par les langues quils parlent et par leurs fréquences génétiques.
La génétique et les langues donnent les mêmes classification de ces populations. Or, la langue que lon parle ne dépend évidemment pas de l'ADN, et l'ADN que l'on porte ne dépend pas de la langue qu'on parle ! Sil y a, comme on lobserve, une forte corrélation entre ces deux phénomènes qui ne sont pas la cause lun de lautre, cest quils ont un "synchroniseur" commun : lhistoire de la dernière recolonisation de l'Afrique. Ce repeuplement de l'Afrique est parti de l'Afrique de l'Est ou de l'Est du Sahara durant une période fertile ancienne, de là où lon avait toute la diversité génétique initiale. Puis, une première émigration, on ne sait pas quand, a emmené les ancêtres des Khoisan, à travers la Tanzanie vers l'Afrique du Sud. D'autres migrations, après, ont sans doute réparti le groupe Nilo-Saharien pendant la dernière phase fertile du Sahara. Enfin le groupe Niger- Congo a été issu du repli vers la forêt guinéenne ou vers le Nigeria et le Cameroun, des populations qui ont fui la zone saharienne, laquelle était en train de se désertifier à nouveau. La suite de l'histoire est très bien connue, avec les corrélations entre l'apparition de la métallurgie et les migrations des Bantous en particulier. On peut donc ainsi unir les informations de la génétique, de la linguistique et de l'archéologie pour mieux comprendre notre histoire ancienne.

 

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