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PRÉHISTOIRE

 

 

 

 

 

 

PRÉHISTOIRE


Cet article fait partie du dossier consacré à la préhistoire.
Période de l'histoire humaine qui a précédé l'apparition de l'écriture.
Histoire de la préhistoire

L'existence de l'homme préhistorique et de ses industries a été entrevue, affirmée puis pleinement confirmée grâce à diverses recherches ou découvertes faites séparément par des sciences comme la géologie, la paléontologie, l'ethnologie et l'anthropologie. Science jeune, au carrefour des sciences humaines et des sciences de la nature, la préhistoire ne cesse désormais de faire progresser notre connaissance sur nos plus lointains ancêtres. Cette discipline s'est peu à peu imposée, malgré les interdits et les tabous, religieux notamment. Ainsi, jusqu’au xviiie s., l'idée même d'une pré-histoire, différente de celle écrite dans la Bible notamment, était absolument impensable. Au xviiie s., Linné et Buffon placent au sommet de la hiérarchie des êtres vivants l'homme, qui dès lors n'est plus seulement une créature, mais devient le plus doué des mammifères. Charles Darwin, au xixe s., cherchant le plus proche ancêtre de l'homme trouve le singe. L'idée selon laquelle l'homme appartient au même système évolutif que tous les êtres vivants va devenir prédominante et encourager les premières fouilles visant à découvrir le « pré-homme », le « chaînon manquant » qui ne peut être qu'un singe pensant. À la fin du xxe s., les diverses techniques dont disposent les préhistoriens leur permettent de savoir d'une façon de plus en plus précise comment vivaient les hommes préhistoriques, de reconstituer leurs diverses activités et jusqu'au mode de relations sociales qu'ils entretenaient. La préhistoire atteint là à une véritable « ethnologie préhistorique ».
Des superstitions médiévales aux premiers antiquaires

Depuis le Moyen Âge chrétien jusqu'au xixe s., la Bible – et plus particulièrement la Genèse – sont, en Occident, les fondements de l'histoire de l'homme et servent de base pour évaluer les âges de la Terre. Ainsi, l'Encyclopédie de Diderot et d’Alembert expose encore que le monde a connu plusieurs époques : la Création remonte à 6000 ans avant J.-C. ; 2262 ans plus tard se produisit le Déluge, puis 738 ans après le partage des nations, etc. Cependant, au xixe s., il faudra bien admettre l'existence d'un homme antédiluvien qui fabriquait des outils de pierre. Longtemps d'ailleurs, les silex taillés et les haches polies ont attiré l'attention des hommes. Ainsi, au Moyen Âge et jusqu'au xviiie s., ces vestiges étaient appelés « pierres de foudre », car, selon les croyances populaires, elles étaient issues de l'orage. De la même façon, les silex taillés, et plus particulièrement les pointes de flèches, étaient réputés avoir un pouvoir magique bénéfique et des vertus curatives. Ces pointes étaient connues sous le nom de « glossopètres » (du grec glossâ, langue, et petra, pierre). Longtemps on les confondit, en effet, avec les dents fossiles de certains poissons que les Anciens croyaient être des langues de serpent pétrifiées. C'est l'Italien Michele Mercati qui, dès le xvie s., comprit la confusion, mais son œuvre ne parut qu'au xviiie s.
En 1492, la découverte de l'Amérique provoque un bouleversement complet de la pensée occidentale. La découverte de peuples « primitifs » fabriquant des outils comparables aux glossopètres et aux pierres de foudre va faire naître la curiosité de certains. À partir du xvie s., les premiers passionnés d'antiquités collectionnent les pierres gravées et sculptées, les cabinets de curiosités se multiplient et l'idée de fouiller commence à se faire jour. En 1685, la première fouille est réalisée : celle du dolmen de Cocherel en Normandie.
La découverte de l'homme nouveau

Succession chronologique des hominiens
Puisque le Déluge avait englouti tout ce qui était vivant à la surface de la Terre, le xviiie s. recherche plus particulièrement les hommes ensevelis par la punition divine et c'est, pendant la première moitié du xixe s., la course aux ossements fossiles. Au cours de ces recherches, de nombreux outils en pierre sont mis au jour. Il devient clair, notamment sous l'impulsion de Jacques Boucher de Crèvecœur de Perthes, que ces outils ont été fabriqués par l'homme. On accepte alors peu à peu l'idée que ces témoins de l'activité humaine sont contemporains des animaux d'espèces disparues dont on retrouve aussi les ossements. L'existence de l'homme à une époque géologique antérieure aux temps actuels est ainsi prouvée, bien que certains, comme George Cuvier, l'aient niée jusqu'à l'absurde.

Homme de Cro-Magnon
Il restait à trouver les squelettes de l'homme qui avait façonné ces premiers outils. Le crâne de Neandertal, découvert en 1856 dans la vallée de Neander (Allemagne), avait été considéré comme une pièce pathologique en raison de sa voûte fuyante et de la taille de ses arcades sourcilières. Il est oublié jusqu'en 1864, où l'espèce est officiellement reconnue par Kingen comme distincte de l'homme moderne et baptisée Homo neandertalensis. En France, la mise au jour d'un squelette à peu près complet d'homme de Neandertal aura lieu à la Chapelle-aux-Saints en 1908. À partir des années 1860, les recherches mais aussi les exhumations d'hommes fossiles se succèdent. L'homme de Cro-Magnon est trouvé en 1868. En 1891, c'est la retentissante découverte par le Néerlandais E. Dubois du pithécanthrope (Pithecanthropus erectus), à Java, qui fut alors considéré comme l'« homme-singe », le chaînon manquant de l'évolution.
Depuis un siècle, les nombreuses fouilles ont permis de mieux cerner et de faire reculer dans le temps les origines de l'homme. En 1974, en Afrique orientale, a lieu la découverte du squelette de Lucy, préhomme appartenant à l'espèce Australopithecus afarensis(australopithèque), qui vécut il y a 3,5 millions d'années. À la fin des années 2000, on considère que les espèces les plus vieilles appartenant à la lignée humaine sont Ardipithecus ramidus (4,4 millions d'années), découvert en Éthiopie, Australopithecus anamensis (entre 4,2 et 3,9 millions d'années), découvert au Kenya, et Toumaï, âgé de 7 millions d’années et mis au jour au Tchad
La bataille de l'art


Au début du xxe s., la communauté scientifique a, difficilement, fini par admettre l'ancienneté de l'homme et sa contemporanéité avec les grands mammifères quaternaires disparus. Elle connaît les outils qu'il fabriquait et les animaux qu'il chassait. Cependant, si l'image de l'homme préhistorique n'est plus tout à fait celle d'une brute épaisse et fruste (grâce, notamment, à la découverte de sépultures, preuve d'une certaine croyance en un « au-delà »), on n'ose imaginer que ces hommes, sortis des ténèbres, puissent être des artistes raffinés. Pourtant, la mise au jour la plus ancienne d'un objet préhistorique décoré (grotte du Chauffaud, dans la Vienne) date de 1834, mais l'objet est alors attribué aux Celtes. Les découvertes se multiplient avec les fouilles de l'abri rocheux de La Madeleine, qui révèlent un mobilier très abondant, celles de Gourdan ou d'Arudy dans les Pyrénées. L'art mobilier est peu à peu reconnu et Édouard Lartet en fait la base de sa classification des différentes périodes préhistoriques.

Il n'en va pas de même pour toutes les figures peintes ou gravées sur les parois des grottes. Lorsque le docteur Garrigou révèle, en 1864, les magnifiques peintures de Niaux (Ariège), lorsque Léopold Chiron signale, en 1878, l'existence de gravures dans la grotte Chabot (Gard) et le marquis de Santuola les grandioses peintures du plafond d'Altamira (Espagne), la communauté scientifique reste indifférente et sceptique. En 1895, Émile Rivière décrit les peintures de la Mouthe aux Eyzies ; l'année suivante, François Daleau raconte sa découverte des gravures de Pair-non-Pair (fouillé depuis 1881) ensevelies sous des sédiments préhistoriques. En 1901, l'abbé Henri Breuil participe aux fouilles de Font-de-Gaume et des Combarelles aux Eyzies-de-Tayac. Quelques semaines plus tard, Émile Cartailhac, éminent opposant à l'existence de l'art pariétal paléolithique, se range à l'avis de Breuil et la reconnaissance officielle se fera en 1902 lors du congrès de l'Association française pour l'avancement des sciences (A.F.A.S.).
Vers une ethnologie de la préhistoire

Jusque dans les années 1950, la fouille visait essentiellement à la récolte des objets : outils de silex ou d'os, parure en coquillage, etc. Pour ce faire, des terrassiers réalisaient, à la pelle ou à la pioche, des tranchées profondes dont la terre était ensuite tamisée pour en séparer les objets. Outre la recherche de vestiges matériels, la fouille servait aussi, éventuellement, à établir une stratigraphie pouvant permettre une relative datation de l'occupation des sols. Nombre de gisements, malheureusement parmi les plus importants, furent ainsi abîmés.
À partir de la seconde moitié du xxe s. se produisent un renouvellement des idées et une révolution dans les méthodes de fouille dont l'un des précurseurs est André Leroi-Gourhan. Pour lui, ethnologue et anthropologue, « on ne fait pas plus de préhistoire en ramassant des haches taillées qu'on ne fait de la botanique en cueillant des salades ». Il met l'accent, tout au long de sa vie, sur la nécessité d'une étude globale des gisements, sur la possibilité de connaître les modes de vie des hommes préhistoriques. À partir de 1952, lors des fouilles d'Arcy-sur-Cure, il adopte de nouvelles méthodes de fouille, tentant de prendre en compte tous les vestiges, la moindre esquille osseuse, témoignage du repas de nos ancêtres, ayant la même importance que le foyer, centre physique et social de l'habitat. Ces méthodes seront pleinement exploitées sur le site de Pincevent, fouillé depuis 1964. Le sol où vécurent les hommes du magdalénien, il y a plus de 12 000 ans, est dégagé horizontalement, chaque vestige laissé scrupuleusement en place. Le résultat, lorsqu'une surface suffisante a été dégagée, donne une image très proche de celle que purent avoir les hommes préhistoriques lorsqu'ils quittèrent leur site, à l'automne, avant d'aller rechercher ailleurs leur nourriture pour l'hiver.
À la fin du xxe s., les préhistoriens ont pleinement conscience du fait que la fouille représente une destructuration irréversible des témoins du passé. Aussi procède-t-on avec d'infinies précautions pour relever la position de chaque objet le plus précisément possible dans les trois dimensions. À partir de ce repérage précis des vestiges les plus ténus, les techniques modernes permettent de reconstituer les activités quotidiennes de nos ancêtres : taille du silex, cuisine, travail des peaux, etc., et de plus, d'imaginer ce qu'était non seulement leur mode de vie mais aussi leurs relations sociales. La préhistoire vise ainsi à une véritable ethnologie du passé.
L'homme et l'outil

Introduction

On considère généralement que la première manifestation de l'intelligence humaine fut le premier outil fabriqué. L'homme a peu à peu appris à maîtriser la matière : pierre, os ou bois, pour réaliser ses outils et ses armes. Il a certainement utilisé tout ce qui, dans la nature, pouvait être employé ; mais, s'il est logique de penser que la plupart des matières périssables (bois, cuir, lianes ou tendons d'animaux) ont été utilisées par l'homme préhistorique, le préhistorien, lui, n'en possède aucune trace matérielle. L'industrie osseuse a subi la sélection de la corrosion naturelle et, bien que l'on suppose que le travail de l'os remonte aux premiers âges, c'est dans les gisements du paléolithique supérieur, qui débute il y a environ 35 000 ans, qu'il est attesté. En fait, seule la pierre n'a pas subi les ravages du temps. Elle constitua l'élément de base de l'outillage pour sa dureté, ses propriétés tranchantes, ses possibilités variées de façonnage et son abondance. Si, au début de la préhistoire, les premiers outils étaient rudimentaires et de formes peu variées, ils se diversifièrent et s'adaptèrent de plus en plus finement à leur fonction aux cours des temps. Il existe une différence fondamentale entre les premiers galets grossièrement aménagés par les premiers hominidés, il y a 3 millions d'années, et l'industrie du paléolithique supérieur, qui prouve le prodigieux degré de technicité acquis par nos ancêtres Homo sapiens. Bien que les outils aient été conçus et fabriqués dans un but utilitaire, ils témoignent aussi de la tradition des divers groupes préhistoriques en caractérisant leur culture.
Dates clés de l'évolution des outils préhistoriques

DATES CLÉS DE L'ÉVOLUTION DES OUTILS PRÉHISTORIQUES
2 millions d'années avant J.-C.    Premiers outils attribués aux australopithèques et découverts en Afrique orientale.
1 million d'années avant J.-C.    Apparition des premiers bifaces.
200 000 ans avant J.-C.    Les Acheuléens prédéterminent la forme des produits à débiter : c'est l'invention de la technique Levallois.
35 000 ans avant J.-C.    L'Homo sapiens sapiens développe le débitage laminaire et façonne l'os.
18 000 ans avant J.-C.    Apogée de la taille avec les Solutréens qui utilisent le débitage par pression. Cette même culture invente l'aiguille à chas en os.
9 000 ans avant J.-C.    L'industrie lithique tend à une miniaturisation.
 
Les premiers outils

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Outillage acheuléen
La première « industrie lithique » humaine (premiers essais de transformation de pierres en outils) reconnue comme telle a été découverte en Afrique orientale sur le gisement d'Olduvai, en Tanzanie ; elle est aussi désignée sous le nom anglais de « Pebble culture » et est l'œuvre de Homo habilis, qui vécut il y a environ 2 millions d'années. Cette industrie est surtout représentée par des galets dits « aménagés », qui présentent soit un seul enlèvement sur l'une de leur face (galets appelés choppers), soit un enlèvement sur chacune des deux faces, l'intersection créant ainsi un tranchant (galets appelés chopping-tools). Il s'agit d'outils extrêmement frustes qui devaient servir à broyer. Plus tard, en Europe notamment, à l'acheuléen, il y a plus de 1 million d'années, le biface constitue l'outil le plus fréquemment retrouvé. Outil allongé à l'extrémité pointue ou arrondie, il est obtenu à partir d'un bloc (ou nucléus) qui est, comme le chopping-tool, taillé sur ses deux faces. Mais il est beaucoup plus élaboré et montre une volonté de mise en forme du tranchant, donc de la silhouette de l'objet.

Outils du paléolithique
Au cours du paléolithique inférieur, les outils vont commencer à se diversifier et c'est pendant l'acheuléen moyen que l'on trouve les premiers outils sur éclat, tels que le racloir, éclat retouché sur son long côté, et des outils encochés ou denticulés (grattoirs, burins, etc.). Enfin, vers-200 000 ans, l'industrie lithique va subir une évolution fantastique avec l'apparition de la « technique Levallois ». Il s'agit d'un mode de débitage qui consiste à obtenir un éclat de forme prédéterminée, à partir d'une préparation particulière et élaborée du bloc de matière première (silex le plus souvent). Cette technique permet, à partir d'un rognon de silex (le nucléus), d'obtenir plusieurs éclats ou pointes prédéterminés de forme semblable : il s'agit d'une véritable production en série. Du simple enlèvement dans le but de créer un tranchant sur le chopper, les hommes du paléolithique inférieur ont franchi, grâce à l'invention de la technique Levallois, une étape fondamentale aussi bien pour la pensée humaine (présence d'un schéma opératoire complexe) que pour le perfectionnement technique. En effet, au paléolithique supérieur, le débitage des lames de silex à partir d'un nucléus ne fera que reprendre cette technique.
Forme et fonction

Au cours de la préhistoire, les outils se sont beaucoup diversifiés et les archéologues les retrouvent en grand nombre dans les gisements préhistoriques. Pour attribuer à ces témoins un cadre chronologique précis et en découvrir l'évolution, il a fallu les étudier selon, d'une part, la technique de fabrication et, d'autre part, leurs formes et leurs fonctions. La corrélation de ces éléments a permis de créer une typologie, c'est-à-dire une classification cohérente des différents types d'objets. Depuis Boucher de Perthes, qui, au xixe s., lança les bases d'une classification des outils préhistoriques, les préhistoriens ont reconnu, de façon intuitive, des types aux formes constantes en leur donnant, le plus souvent, soit le nom de leur fonction présumée, soit, par analogie avec des formes actuelles, le nom d'outils contemporains : ainsi les grattoirs, les burins, les perçoirs et autres « bâtons de commandement ». En fait, l'ethnologie a prouvé qu'un même outil pouvait avoir des fonctions variées ou que, à l'inverse, différents outils pouvaient être utilisés pour une même tâche. On sait aujourd'hui, notamment grâce à l'étude des plus infimes traces d'utilisation (microtraces d'utilisation), que, par exemple, les grattoirs ne servaient pas toujours à gratter et que les racloirs ne servaient pas forcément à racler. Ce fait confirme que plusieurs types de fonctions peuvent être attribués à un même outil. Toutefois, la communauté scientifique a conservé les noms de la typologie traditionnelle.
L'étude des microtraces d'utilisation remet effectivement en question les interprétations anciennes. Au moyen de microscopes à fort grossissement, on analyse les stries, les écaillures, les émoussés de l'outil, son utilisation par les hommes préhistoriques ; pour relier ces traces à la fonction de l'outil, on procède à des comparaisons avec des outils reproduits aujourd'hui et utilisés dans les mêmes conditions qu'alors. On a pu ainsi retrouver la manière dont il était utilisé, s'il était emmanché et le matériau qu'il a travaillé.
Les outils en os


Propulseur provenant de BruniquelPropulseur provenant de Bruniquel
Vivant en contact permanent avec les animaux, l'homme a très tôt utilisé leurs ossements. Les australopithèques fracturaient des os longs, produisant ainsi un biseau formant une pointe solide ; le site de Melka Kontouré (Éthiopie) a ainsi livré dans une couche datée de 1 700 000 ans les premiers outils en os portant les traces d'une utilisation humaine. Pendant le paléolithique inférieur et jusqu'à la fin du paléolithique moyen (vers- 35 000 avant J.-C.), la forme de l'outil d'os est restée fortuite, seule la partie active était, parfois, aménagée par percussion. C'est au paléolithique supérieur que l'artisanat de l'os se développe réellement, l'habileté technique permettant même d'atteindre un incomparable esthétisme. Ainsi, des techniques spécifiques ont abouti à une très grande variété d'armes et d'outils, d'objets de parure et d'art. L'industrie de l'os a été utilisée pour fabriquer des armes qui servaient pour la plupart à la chasse des grands mammifères. Ainsi la sagaie, qui est constituée d'une baguette d'os dont une extrémité est appointée, l'autre étant fixée à une hampe en bois. Elle était lancée grâce à un propulseur, qui décuplait sa force par rapport au lancer à la main et en augmentait la précision.
image: http://www.larousse.fr/encyclopedie/data/images/1004043-Brassempouy_t%c3%aate_de_femme_en_ivoire.jpg
Brassempouy, tête de femme en ivoireBrassempouy, tête de femme en ivoire
Pour la pêche sont fabriqués des hameçons, des têtes de harpons avec une ou deux rangées de barbelures. Certains outils sont encore utilisés aujourd'hui, l'aiguille à chas par exemple, inventée par les hommes du solutréen il y a plus de 18 000 ans et dont la forme, même si le matériau a changé, n'a guère varié. Le propulseur est resté en usage jusqu'au xxe s. chez les Inuit et certaines populations océaniennes. Enfin, il existe d'autres outils dont on ne connaît pas encore la fonction : le bâton percé, parfois appelé « bâton de commandement », ou les baguettes demi-rondes par exemple. L'homme travaille également l'ivoire, comme en témoignent les statuettes féminines trouvées à Brassempouy (Landes) et le bois de renne, qu'il façonne en armes de chasse (emmanchement des haches de pierre polie).
La fabrication des outils

Les techniques de fabrication des outils en pierre varient en fonction de la matière première, les roches compactes ne se travaillant pas de la même façon que les roches friables. Elles utilisent deux types d'opération : le débitage et le façonnage. Le débitage est l'action qui consiste à détacher, par percussions successives, des éclats d'un bloc de pierre. L'éclat sera alors utilisé, le bloc initial (appelé nucléus) pouvant être considéré comme un déchet. Le façonnage a pour but de mettre en forme l'éclat débité, ou bien le bloc lui-même, afin de permettre un débitage plus efficace. Au paléolithique, la technique de façonnage la plus répandue est la retouche. Celle-ci consiste à détacher de l'objet de très petits éclats par percussion ou par pression. La percussion directe (la plus courante) utilise un percuteur (galet de pierre pour un percuteur dur ; bois végétal ou animal pour un percuteur tendre) frappant directement l'objet. La percussion indirecte, par écrasement entre percuteur et enclume, produit des retouches verticales ; enfin, la pression permet des retouches très fines, les enlèvements étant alors très longs et étroits. Les hommes du solutréen, qui, il y a 20 000 ans, atteignirent l'apogée des techniques de débitage, utilisaient la retouche par pression pour réaliser les magnifiques « feuilles de laurier ». Ainsi, pour fabriquer un outil comme le grattoir, très utilisé au paléolithique supérieur, il faut commencer par bien choisir le silex, le préparer (enlever le cortex), le mettre en forme et aménager un plan de frappe pour pouvoir débiter aisément puis frapper avec le percuteur afin de détacher une lame ; cette lame est façonnée par des retouches obliques, sur sa partie étroite, qui déterminent le front du grattoir, c'est-à-dire la partie active, l'autre bout pouvant être emmanché.
La fabrication des outils en os requiert des techniques plus variées et l'existence préalable d'outils de pierre. Le matériau est généralement constitué par les bois, l'ivoire ou les os longs des grands mammifères comme le mammouth, le cheval, le bison ou le renne, animal par excellence du paléolithique supérieur. Pour fabriquer des outils tels que la sagaie, le harpon, l'aiguille à chas ou le propulseur, il faut creuser dans la partie compacte d'un bois de renne, à l'aide d'un burin de silex, deux rainures séparées par une distance égale à la largeur de l'outil désiré. Ces rainures sont peu à peu approfondies jusqu'à ce que la partie spongieuse de l'os soit atteinte. La baguette est alors extraite. L'ébauche peut ensuite être transformée soit en sagaie par raclage au moyen d'un silex tranchant, soit en aiguille à chas ; la perforation du chas se pratique soit par pression à partir d'une petite rainure, soit par rotation en utilisant un perçoir de silex.
Les microlithes


Pointes de flèches néolithiques
L'outillage des derniers chasseurs-cueilleurs se caractérise par la fabrication et l'utilisation de très petits outils produits à partir d'éclats ou d'esquilles de silex. Ce sont, la plupart du temps, des armatures de pointes de flèches. De forme géométrique, leur dimension est inférieure à 40 mm et leur épaisseur à 4 mm. Ces microlithes étaient réunis en série sur le tranchant d'un support d'os ou de bois ou étaient utilisés comme pointes sur des armes de jet.
À la fin du paléolithique supérieur, l'homme façonne des outils de plus en plus petits. Si les premiers tailleurs obtenaient 10 cm de tranchant utile avec 1 kg de silex, les hommes de l'acheuléen en obtenaient 40 cm, puis ceux du moustérien (au paléolithique moyen) 2 m, enfin les hommes de la fin du paléolithique supérieur obtinrent de 6 à 20 m. L'homme s'est-il complètement affranchi par rapport aux gisements de matière première, ou s'agit-il d'exploiter au maximum une matière première devenue rare ou difficile à trouver en raison du bouleversement climatique, réchauffement intervenu vers- 9000 et qui eut pour conséquence majeure le retour de la forêt ?
L'apparition de l'agriculture

Introduction

L'apparition de l'agriculture, qui marque le début de la période appelée néolithique, constitue, au même titre que la découverte du feu, une véritable révolution dans l'histoire de l'humanité. Pendant la plus grande partie de son histoire (que nous nommons préhistoire), c'est-à-dire pendant près de quatre millions d'années, l'homme a toujours connu le même mode d'existence. Il vit en petits groupes, nomades ou semi-nomades, et pratique pour assurer sa subsistance la chasse et la cueillette. En quelques millénaires à peine, il abandonne le nomadisme, se sédentarise et se libère de la recherche constante de nourriture grâce à l’agriculture.
L'émergence des premières communautés paysannes, dès le Xe millénaire avant notre ère en Orient et au Moyen-Orient, vers le VIe millénaire avant notre ère en Europe, aura des conséquences irréversibles. Comme les autres espèces animales, l'homme vivait en équilibre avec son milieu. En domestiquant plantes et animaux, il va le modifier en profondeur, l'humaniser, mais aussi y causer des atteintes encore visibles aujourd'hui. (→ environnement.)
L'habitat de l'homme change aussi. Les petits groupes de nomades, qui s'abritaient sous des huttes, des tentes, des abris-sous-roche ou dans des grottes, deviennent sédentaires, et construisent de véritables maisons groupées en villages. L'apparition de l'agriculture modifie également les techniques et l'outillage. Parmi les inventions les plus caractéristiques de cette époque se trouvent la hache de pierre polie, qui sert à l'abattage des arbres, et la poterie, dont les récipients de terre cuite, le plus souvent décorés, ont un usage domestique.
La domestication des animaux et des plantes

La domestication des animaux et des plantes constitue une étape fondamentale dans l'histoire des hommes. On peut parler de domestication lorsqu'il y a une intervention humaine sur une population animale ou végétale afin de la favoriser parce qu'elle représente un intérêt particulier. Il faut distinguer deux processus dans la domestication. L'un est dit primaire lorsqu'il s'effectue sur un groupe d'animaux et de plantes d'origine locale (comme cela s'est probablement produit, en Europe, pour le porc qui est un sanglier domestiqué sur place). L'autre est dit secondaire lorsqu'il s'agit d'acclimater des animaux ou des végétaux déjà domestiqués ailleurs (c'est sans doute le cas du mouton, importé en Europe après avoir été domestiqué au Moyen-Orient). La domestication a pour conséquence presque immédiate une évolution génétique des espèces qui doivent s'adapter à leur nouvel environnement. Ainsi, la culture du blé, à partir d'une espèce sauvage, puis sa sélection ont conduit à un accroissement de la taille et du nombre de grains sur chaque épi, puis à l'apparition d'espèces à rachis solides plus faciles à moissonner. À l'inverse, le bœuf domestique (dont l'ancêtre sauvage est l'aurochs) voit sa taille diminuer tout au long de la période néolithique.
Les berceaux du néolithique

On situe habituellement le berceau de l'agriculture au Moyen-Orient, dans une zone communément appelée le « Croissant fertile », comprenant les territoires actuels de la Syrie, du Liban, d'Israël, de l'Iran et de l'Iraq. Dès le IXe millénaire avant notre ère, des populations sédentaires domestiquent des espèces animales et végétales sauvages locales parmi lesquelles la chèvre et le mouton, l'orge et le blé, qui sont les céréales principales, mais aussi des légumineuses comme les pois, les fèves, les gesses et les lentilles.
D'autres foyers de néolithisation s'individualisent dans le monde. Dans le Baloutchistan pakistanais, des découvertes archéologiques récentes ont mis au jour des couches attribuées au VIIIe millénaire avant notre ère, dans lesquelles les squelettes animaux appartiennent à une faune en voie de domestication (bœuf, chèvre, mouton). Ce sont les débuts de la période préindusienne. Les céréales dominantes sont l'orge et le blé. Les récoltes étaient stockées dans de grandes bâtiments en briques crues, qui servaient de grenier. La poterie n'y apparaît qu'au VIe millénaire avant notre ère. La culture du riz, en Chine, du riz et du millet, dans l'Asie du Sud-Est, est attestée au VIe millénaire avant notre ère. C'est à la même époque que se développe une civilisation pastorale au Sahara (domestication du bœuf).
Le continent américain est tardivement peuplé (vers 40 000 avant J.-C.), et les premiers villages d'agriculteurs n'apparaissent en Amérique centrale qu'au milieu du IIIe millénaire avant notre ère.
La diffusion du néolithique


L'Europe préhistorique
C'est à partir du Croissant fertile, zone de découvertes privilégiée aujourd'hui par les spécialistes, que le néolithique va se diffuser pendant environ deux millénaires, sur le pourtour méditerranéen, par contact et acculturation des derniers chasseurs-cueilleurs. En ce qui concerne l'Europe, atteinte au VIe millénaire avant notre ère, deux axes essentiels ont été mis en évidence : les Balkans et le Danube d'une part, la Méditerranée occidentale d'autre part.
Pour le premier axe, on se fonde sur la découverte d'une céramique de forme ronde-ovale au riche décor peint caractéristique des cultures appelées proto-Sesklo et Sesklo en Grèce, Starčevo en Serbie-et-Monténégro, Karanovo en Bulgarie. Ces cultures forment, en remontant vers le nord-ouest, le courant de diffusion danubien, ou culture à « céramique linéaire occidentale ». Elles parviennent jusqu'au nord de la Pologne, aux Pays-Bas, en Belgique et dans le Bassin parisien. L'élevage, principalement le bœuf et le mouton, représente souvent plus de 90 % des ressources en viande ; blé, orge, petits pois et lin sont également cultivés. Ces populations danubiennes, dites « rubanées » en raison des incisions en forme de ruban qui ornent leurs poteries, défrichent, recherchant presque systématiquement les terres les plus meubles et faciles à travailler que constituent les lœss. Elles habitent dans de longues maisons de bois, de torchis et de chaume qui mesurent de 10 à 40 mètres de longueur, ce qui permet d'abriter jusqu'à 25 personnes, et qui sont regroupées en villages.
En Méditerranée occidentale, l'apparition de l'agriculture se situe entre le VIe et le IVe millénaire avant notre ère. On ignore toujours si les « colons » néolithiques sont venus par terre – traversant la Grèce, l'Italie, le midi de la France – ou par mer – abordant les côtes italiennes, celles de l'Afrique du Nord, de l'Espagne et du sud de la France. Vers – 6000 avant J.-C., en effet, la mer n'est plus un obstacle. L'homme fabrique des embarcations, certes sommaires (on a retrouvé surtout des pirogues dites « monoxyles », c'est-à-dire creusées dans un seul tronc d'arbre), mais qui lui permettent d'effectuer du cabotage. La culture des premières communautés paysannes de Méditerranée occidentale est appelée le cardial, en raison du décor caractéristique de leurs vases, réalisé à l'aide d'un coquillage, le Cardium edule. L'habitat de ces populations est de deux types : soit des sites protégés, fréquentés depuis déjà bien longtemps (grottes et abris-sous-roche), soit des cabanes construites en plein air. Le mouton et la chèvre sont domestiqués, ainsi que les bovidés ; la chasse joue encore un rôle important (petit gibier, mais aussi cerf et sanglier). Les céréales les plus consommées sont là encore le blé et l'orge, mais la cueillette n'est pas totalement absente, noisettes et glands notamment. Au cardial, l'agriculture est pratiquée avec des moyens très rudimentaires tels que les « bâtons à fouir », bâtons appointés qui permettent de creuser des trous ou de briser les mottes de terre ; des faucilles, avec des éléments de silex insérés dans un manche en bois, servent à la récolte des céréales, tandis que des meules en pierre servent à broyer et à moudre les grains.
Mais bien des peuples ignorent encore l'agriculture, tandis que, dès le VIIIe millénaire avant notre ère, la métallurgie du cuivre naît au Proche-Orient.
Les conséquences de l'apparition de l'agriculture

Les conséquences de l'apparition de l'agriculture sont multiples, atteignant tous les domaines de la vie des hommes : économique, social et écologique. Économique d'abord, puisque l'homme, de prédateur devient producteur. Ce changement d'état a été précédé (et non suivi, comme on l’a longtemps cru), par un bouleversement social : l'abandon du nomadisme pour la sédentarité ; les hommes vont donc, peu à peu, habiter des maisons construites pour durer, en pierre ou en bois. Ces maisons sont regroupées en villages. En outre, le temps de travail s'accroît, les soins à apporter aux cultures et au bétail étant beaucoup plus contraignants que ceux nécessaires à la chasse et à la cueillette ; cet accroissement du temps de travail va aussi mener à une spécialisation des tâches et à la naissance du commerce.
Les données de l'archéologie montrent, pour le début du néolithique, que les sociétés devaient être « égalitaires », car il n'a pas été mis au jour, dans les maisons ou les sépultures, d'accumulation de richesses ou des signes distinctifs qui prouvent l'existence d'une hiérarchie. En revanche, la production accrue des biens alimentaires va entraîner un accroissement de la population et engendrer des chefferies. La guerre fait son apparition et les villages se fortifient.
Si l'on peut dire que l'essor de l'agriculture au VIe millénaire avant notre ère est à l'origine de notre système culturel et social, il est aussi souvent pour beaucoup dans l'aspect de notre environnement actuel. Les chasseurs-cueilleurs vivaient en étroite symbiose avec le milieu naturel dont ils dépendaient entièrement, alors que les premiers agriculteurs vont détruire ce milieu pour y installer cultures et pâturages. Au VIIe millénaire avant notre ère, le changement climatique que connaît l'Europe, depuis déjà trois mille ans, a favorisé l'expansion de la forêt, principalement constituée par les chênes. Les premiers agriculteurs armés de leurs haches de pierre polie vont commencer par déboiser de petites parcelles afin d'en cultiver quelques arpents ; les animaux peuvent alors trouver leur nourriture dans le sous-bois. En moins d'un millénaire, cependant, ces terrains se révèlent exigus, s'appauvrissent, et il faut défricher de nouveaux territoires. À cela il faut ajouter, et notamment pour la région méditerranéenne, l'action dévastatrice du mouton et de la chèvre qui broutent les jeunes pousses et sont les acteurs essentiels du déboisement et de l'érosion des sols. Au VIe millénaire avant notre ère, l'apparition de l'agriculture entraîne la dégradation ou la fin des milieux naturels : le paysage est transformé par l'homme.
L'art préhistorique

L'art de l'époque paléolithique

C'est en 1834 qu'est découvert, dans la grotte du Chaffaud (Vienne), le premier témoin d'un art préhistorique : un os gravé. Entre 1860 et 1865, Édouard Lartet découvre en Dordogne et en Ariège d'autres témoignages d'une activité artistique des hommes magdaléniens. L'art préhistorique pariétal ne sera cependant révélé qu'en 1879 par M. de Santuola dans la grotte d'Altamira. Mais son authenticité n'est admise qu'en 1895, après la découverte de gravures et de peintures dans la grotte de la Mouthe.
Le sud-ouest de la France et le nord-ouest de l'Espagne constituent le foyer le plus important de l'art pariétal paléolithique. Cette province franco-cantabrique renferme un grand nombre de grottes ou d'abris ornés parmi lesquels : Pair-non-Pair (Gironde), la Mouthe, les Combarelles, Font de Gaume, le Cap Blanc, Lascaux (Dordogne), Niaux, les Trois Frères (Ariège), Pech-Merle, Cougnac (Lot), Angle-sur-l'Anglin (Vienne), le Castillo et Altamira (Santander, Espagne). La découverte, plus récemment, d'un site près de Marseille (la grotte Cosquer, sous-marine) et d'un autre en Ardèche (la grotte Chauvet) modifie toutefois la géographie des témoignages rupestres.
Les artistes paléolithiques utilisaient des techniques variées : simples tracés digitaux sur support tendre, gravures avec un outil de silex sur surface dure, sculptures en bas relief, modelage d'argile, dessin et peinture mono- et polychrome.
L'art paléolithique comporte également des œuvres mobilières : statuettes, plaquettes et blocs gravés, instruments décorés, dont le contexte archéologique permet une attribution chronologique et culturelle relativement précise. Par analogie stylistique à ces œuvres, dont on connaît l'origine stratigraphique, il est possible de dater les œuvres pariétales.
C'est l’abbé Henri Breuil qui établit, au cours de la première moitié de ce siècle, la première synthèse sur l'art franco-cantabrique et proposa une chronologie comportant deux cycles évolutifs successifs : le cycle « aurignaco-périgordien », débutant par des figurations au trait peint passant, par la suite, aux teintes plates, puis polychromes. Le cycle « solutréo-magdalénien », commençant lui aussi par des figurations linéaires pour passer aux teintes plates, noires le plus souvent, devenant polychromes. Ce cycle s'achève par de fines gravures.
Les nombreuses statuettes féminines dites « Vénus aurignaciennes » sont en fait attribuables au gravettien, ou périgordien. Des blocs de calcaire portant des représentations sexuelles féminines ont été trouvés en association avec des industries aurignaciennes. A. Leroi-Gourhan reprit, après Breuil, l'étude de l'art paléolithique et proposa une chronologie différente. Sur la base d'arguments stylistiques observés dans l'art mobilier, quatre styles peuvent être distingués :
– le style I, ou primitif, correspondant aux gravures grossières de l'aurignacien ;
– le style II, ou archaïque, auquel appartiennent les œuvres gravettiennes. Les figurations, dépourvues de détails, sont réduites à quelques traits simples ;
– le style III, qui constitue une nette amélioration du précédent par un perfectionnement du modelé et l'adjonction de détails anatomiques précis. De nombreuses figurations de la grotte de Lascaux appartiennent à ce style ;
– le style IV, qui correspond à un plus grand réalisme des figurations, dont le modèle est rendu par des hachures ou des variations dans la densité des couleurs.
L'étude des grottes et abris ornés semble indiquer que les artistes paléolithiques avaient un souci de composition esthétique auquel s'ajoutait une trame de liaisons symboliques qui nous échappent en grande partie.
La conservation de ce patrimoine artistique pariétal est des plus délicates. Le milieu souterrain qui, jusqu'à nos jours, a permis la conservation de ces œuvres est très sensible aux perturbations, et l'altération des parois entraîne la disparition des peintures et gravures. Les visites trop fréquentes modifient dans certaines grottes les conditions d'éclairage et de température, la teneur en gaz carbonique et introduisent des bactéries, pollens et spores qui menacent les œuvres pariétales. C'est pourquoi certaines grottes ne sont ouvertes qu'à un nombre limité de visiteurs, voire même interdites au public. C'est le cas de la grotte de Lascaux, dont un fac-similé a été réalisé et est accessible au public depuis 1983.
L'art du néolithique


Les archéologues ont souvent remarqué la disparition presque totale des formes d'art des civilisations paléolithiques et ont parfois pensé qu'avec le néolithique les manifestations artistiques étaient devenues de plus en plus schématiques jusqu'à disparaître. Il n'en est rien : plusieurs foyers de création artistique apparaissent alors, révélant dans la forme une forte inspiration et, dans le fond, l'expression symbolique d'une vision globale de la société nouvelle.
Si les peintures rupestres du Levant espagnol ne sont pas encore bien datées, si certains animaux font encore penser aux représentations paléolithiques, divers caractères semblent spécifiques du néolithique, en particulier les scènes guerrières qui font s'affronter deux bandes d'archers ; celle de la gorge de Gasulla à Castellon ou celle de Morella la Vella sont vraisemblablement du Ve millénaire avant notre ère.
Dans le nord de l'Europe, à la même époque, parmi les vestiges maglemosiens, des armes guerrières en os ou en bois de cervidé, des poignards, des pointes de lance et des haches peuvent être finement décorés de motifs géométriques qui se combinent parfois en évocation anthropomorphe, comme sur la hache provenant d'une tourbière de Jordløse, dans le Sjaelland, au Danemark.
Un autre foyer original de création artistique, du début de l'époque postglaciaire, est celui de Lepenski Vir, en Serbie-et-Monténégro, sur les bords du Danube, au niveau des Portes de Fer. Des sculptures sur pierre représentent des êtres mi-hommes, mi-poissons qui devaient jouer un rôle important dans cette société de chasseurs-pêcheurs déjà sédentarisés.

Une source importante d'inspiration de l'art néolithique est puisée dans l'ambiance de la fertilité agricole telle qu'elle s'exprime, dès le VIIIe millénaire avant notre ère en Syrie-Palestine, par des statuettes en pierre et surtout en terre cuite d'animaux domestiqués et de divinités féminines. L'ensemble iconographique le plus complet et le plus cohérent de la religion néolithique est celui qui a été mis au jour en Anatolie, à Çatal Höyük (vers 6000 avant J.-C.). Il serait hasardeux de généraliser les conclusions tirées sur ce site à propos de la déesse mère associée à des animaux comme le taureau et le léopard. Ce thème caractéristique du Proche-Orient et de la Méditerranée orientale n'est probablement pas à transporter tel quel dans d'autres régions comme la vallée du Danube. Pourtant, l'abondance des statuettes féminines (plus rarement masculines) et zoomorphes (bovidés et ovicapridés surtout, cervidés parfois) dans le néolithique de l'Europe tempérée en général montre l'expression symbolique et probablement religieuse d'une société agricole que certains archéologues n'ont pas hésité à qualifier de matriarcale. Les statuettes féminines sont souvent représentées nues sous des formes plastiques stylisées d'une grande variété : des gravures ou des lignes peintes viennent souvent accentuer l'expression abstraite. Les plus célèbres de ces statuettes viennent de la culture de Tripolie en Ukraine, des cultures de Gumelniţa et de Cucuteni en Bulgarie et Roumanie, de la culture de Vinča en Serbie-et-Monténégro, des cultures de Sesklo (Sésklon) et Dimin (Dhiminion) en Grèce. Les deux figures en terre cuite d'une femme accroupie et d'un homme assis sur un tabouret, la tête entre les mains, provenant d'une sépulture de la culture de Hamangia, fouillée à Cernavodă près de Dobroudja en Roumanie, sont de véritables chefs-d'œuvre du IVe millénaire avant notre ère. Ces statuettes existent en Hongrie, en Tchécoslovaquie, en Allemagne, en France, en Italie, dans la péninsule Ibérique, etc. Elles sont de plus en plus stylisées à mesure que l'on s'avance vers l'ouest : les « yeux » gravés ou peints sur la céramique de Los Millarès au sud de l'Espagne, les idoles en pierre de la région d'Almeria ou celles du Portugal, les quelques statuettes en terre cuite de Fort-Harrouard (Eure-et-Loir) ou encore le petit bloc calcaire sculpté et représentant une « divinité » à Grimes Graves (Grande-Bretagne) témoignent de la large diffusion d'une idéologie aux traits communs. Celle-ci apparaît encore, d'une manière très allusive, dans des sépultures comme les hypogées de la Marne ou les allées couvertes, dans lesquelles on reconnaît parfois la « tête de chouette » associée aux seins et parfois à la représentation d'un collier. L'art décoratif gravé ou piqueté sur des piliers de tombes mégalithiques de Bretagne (Gavrinis) ou d'Irlande (Newgrange) date d'environ 3000 avant J.-C. Les monuments mégalithiques eux-mêmes représentent, depuis le Ve millénaire avant notre ère, en Occident, un aspect religieux original de l'art architectural dont l'équivalent civil, et surtout défensif, se trouve depuis les remparts de Jéricho jusqu'aux camps à fossés de la Saintonge néolithique.
Plus au nord, des civilisations dites « forestières » sculptent l'ambre et le bois de cervidé avec une grande habileté : la statuette anthropomorphe d'Ousviaty et la tête d'élan de Chiguir en Russie révèlent les qualités artistiques de peuples non citadins trop souvent considérés comme « retardés ». Les grands rochers gravés de Suède méridionale ou de Carelie nous racontent des scènes émouvantes de la vie quotidienne, pêche, chasse, cérémonies et même enfantement. Ces figures ont été réalisées à partir de la fin du néolithique et pendant les âges des métaux.
En dehors de l'Europe, pendant cette même époque néolithique, s'épanouissent les premiers arts rupestres du Sahara et une partie de ceux d'Afrique du Sud. L'Égypte n'aura de grand art qu'avec les civilisations prédynastiques. L'Asie connaît une évolution semblable au Proche-Orient, et les statuettes féminines existent jusqu'en Chine. Nous connaissons bien moins l'art contemporain des sociétés vivant alors en Australie et en Amérique, où de grandes cités du monde précolombien vont bientôt être construites.
L'art à l'époque protohistorique

Le métal intervient aussi dans le domaine artistique pour mettre en valeur la classe dirigeante par le biais de la richesse. Les tombes royales d'Our (vers 3000 avant J.-C.) contenaient vaisselles, armes et statuettes en or, en argent et en bronze. Le groupe des tumulus princiers de Maïkop dans le nord du Caucase et les sépultures de Varna en Bulgarie présentent, en des temps assez proches, des vaisselles, des ornements et des parures en or, en argent et en cuivre. En Mésopotamie et en Égypte, l'écriture apparaît alors et de grandes civilisations historiques se développent. À leur pourtour, de nombreux peuples protohistoriques acquièrent leur personnalité pendant les âges du bronze et du fer (→ protohistoire). La Méditerranée a connu des arts protohistoriques de grande qualité : idoles cycladiques en marbre jusqu'aux peintures minoennes de Crète ou de Thêra. C'est encore dans le cadre des palais royaux que l'écriture est apparue (linéaires A et B). En Italie, plusieurs peuples indigènes et bientôt les Étrusques décorent leurs temples de grandes terres cuites historiées et font l'offrande de statuettes en bronze, comme le feront encore les Ibères quelques siècles plus tard. La sculpture sur pierre de Méditerranée occidentale reflète souvent une inspiration orientale transmise par les Phéniciens fixés à Carthage et dans bien d'autres colonies. Quelques enclaves d'art rupestre, comme celle du mont Bégo dans les Alpes-Maritimes, révèlent la tradition de vieilles populations locales.
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StonehengeStonehenge
Au nord, le monde celtique n'a probablement pas encore l'unité décrite par les auteurs antiques au deuxième âge du fer. Pourtant, des thèmes iconographiques sont communs (des oiseaux, des cygnes [ ?] et le disque solaire porté par un bateau ou véhiculé sur un chariot) depuis l'âge du bronze, de la Scandinavie aux Balkans et depuis l'Irlande jusqu'à la Hongrie. Les gravures de Suède méridionale illustrent cette mythologie, de même que certaines pièces célèbres en métal comme le char de Trundholm au Danemark. Des chars en modèle réduit de l'époque de Hallstatt, représentant des scènes de chasse, celui de Strettweg (Autriche) ou celui de Mérida (Espagne) appartiennent aussi à cette ambiance culturelle que l'on peut suivre jusqu'aux grandes sépultures princières à char de la fin du premier âge du fer, celle de Vix (Côte-d'Or) en France et celles de Hochdorf et de Klein-Aspergle en Allemagne du Sud, par exemple. Dans ce monde celtique naissant, les influences méditerranéennes sont perceptibles et expliquent en partie des sculptures sur pierre comme le guerrier de Hirschlanden (Allemagne du Sud). Pourtant, une orfèvrerie originale, un art des situles historiées en tôle de bronze, un style décoratif général dit « celtique », comme celui de Waldalgesheim, se répandent dans toute l'Europe tempérée.
Dans l'Europe de l'Est, des unités culturelles protohistoriques fortes possèdent leur propre expression artistique : les Thraces, les Daces et bientôt les Slaves. Les habitants du Caucase, et surtout ceux de Koban, nous ont laissé de nombreuses statuettes en bronze (cervidés, chiens, carnivores et animaux fantastiques). Les Scythes possèdent un art raffiné, inspiré en partie par l'art grec des colonies de la mer Noire. Les guerriers scythes sont probablement en relation avec les peuplades des steppes sibériennes de la région de Pazyryk, ou, sous des tumulus, des contenus somptueux de tombes ont été découverts avec des soieries, des feutres aux couleurs vives. En Inde, en Chine, au Viêt Nam, la formation d'empires aux arts prestigieux se situe dès le IIe millénaire avant notre ère dans un contexte historique. La découverte des arts protohistoriques d'Afrique, du monde précolombien, de Polynésie, de Micronésie, etc., révèle, d'année en année, l'univers complexe et les héritages millénaires des peuples ayant vécu avant l'écriture.

 

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LE CLIMAT : MÉCANISMES ET VARIABILITÉ

 

 

 

 

 

 

Texte de la 207ème conférence de l'Université de tous les savoirs donnée le 25 juillet 2000.

Le climat


par Robert Sadourny

Qu'est-ce que le climat ?

Comme la météorologie est la science des météores, en particulier du temps qu'il fait ou qu'il va faire, la climatologie est la science du climat, c'est à dire la science des probabilités ou des statistiques sur le temps. On entend trop souvent dire qu'une fête a été gâchée (par exemple) « en raison des mauvaises conditions climatiques », alors qu'il s'agit là, bien sûr, de mauvaises conditions météorologiques : le climat ne change pas quand en quelques jours, on passe du beau temps au mauvais temps !

Quand nous parlons de climat, de quel système physique parlons-nous ? Le système climatique inclut naturellement les basses couches de l'atmosphère où nous vivons, et les couches plus élevées dont le comportement est étroitement lié à celles-ci : principalement la troposphère et dans une moindre mesure, la stratosphère. Ce système inclut aussi les océans et les couches superficielles des terres émergées, qui échangent de l'eau et de la chaleur avec l'atmosphère, et bien sûr, les glaces de terre et de mer. Mais l'étude du climat ne se réduit pas à celle d'un système physique. Le climat interagit très fortement avec la chimie de l'atmosphère et de l'océan, et aussi avec la biosphère, c'est à dire l'ensemble des êtres vivants.

Étudier le climat, c'est non seulement observer continûment, sur l'ensemble du globe et durant de longues périodes, le comportement de l'atmosphère, de l'océan, des glaces et des terres émergées, mais aussi modéliser l'ensemble des mécanismes du système pour simuler son évolution. C'est en comparant le climat simulé au climat observé que nous mesurons notre niveau de compréhension des mécanismes, et donc nos capacités à prédire les évolutions futures. La climatologie s'est développée très rapidement à l'ère des satellites et des calculateurs. Les sondeurs spatiaux placés à bord de satellites à défilement, à orbite quasi-polaire, comme la série météorologique opérationnelle américaine Nimbus, permettent de suivre l'évolution des profils verticaux de la température et de l'humidité sur l'ensemble du globe. Les radiomètres à bande large, comme ERBI, ScaRaB ou CERES nous permettent de suivre les variations spatio-temporelles du bilan d'énergie de la planète. Les satellites géostationnaires comme Météosat observent en permanence les tropiques et les latitudes moyennes de leur position équatoriale à 36 000 km d'altitude. L'altimètre de TOPEX-Poséidon mesure, avec une précision de quelques centimètres, l'altitude du niveau de la mer, qui nous renseigne sur la dynamique des courants.

Quant aux modèles de climat, ce sont bien sûr des modèles pronostiques, qui décrivent une évolution dans le temps à partir d'une situation initiale donnée, comme les modèles de prévision météorologique. Mais ils doivent inclure, en plus de l'atmosphère, des océans et des glaces de mer interactifs, ainsi que les couverts végétaux et l'hydrologie des terres émergées. Ces modèles simulent en particulier le cycle de l'eau dans son ensemble, la formation des divers types de nuages, la formation de glaces de mer ; ils commencent aujourd'hui à inclure une végétation interactive et certains cycles chimiques comme le cycle du carbone et celui de l'ozone stratosphérique. Le coût de calcul est tel que, dans la pratique, la durée d'une simulation dépasse rarement le siècle ; pour des simulations plus longues, il faut user de modèles simplifiés. Le résultat d'une simulation est une évolution, c'est à dire une succession d'états instantanés du système ; l'interprétation climatologique de cette simulation repose ensuite sur l'analyse statistique de cet succession d'états. C'est d'ailleurs bien parce que le climat est un problème statistique que nous pouvons prolonger nos simulations bien au delà de la limite de prévisibilité de l'atmosphère (une douzaine de jours au plus) : on ne s'intéresse plus, comme dans la prévision du temps, aux perturbations individuelles, mais à leurs probabilités d'occurrence. Ces statistiques sont basées, soit sur des moyennes temporelles, soit sur des ensembles de simulations indépendantes. Ces dernières sont relativement faciles à construire. Il suffit par exemple de perturber très légèrement les états initiaux : à cause des instabilités du système, deux solutions initialement très proches deviennent totalement décorrélées dès qu'on atteint la limite de prévisibilité.

Énergie et climat

Le climat est d'abord une affaire d'énergie. L'apport d'énergie vient presque exclusivement du soleil ; il se répartit dans l'espace et dans le temps en fonction du mouvement orbital de la Terre, de la rotation de celle-ci sur elle-même, et des variations dans le temps de la puissance solaire. La façon dont cette énergie solaire incidente traverse l'atmosphère, pénètre à la surface, se transforme en d'autres types d'énergie comme l'énergie latente ou l'énergie potentielle, puis est réémise vers l'espace à travers l'atmosphère sous forme d'énergie infrarouge, dépend de la composition physico-chimique de l'atmosphère, du cycle de l'eau, des propriétés optiques de l'océan, de l'état des surfaces émergées et de leur couvert végétal, et enfin du transport d'énergie d'un endroit à l'autre de la planète par les mouvements de l'atmosphère et de l'océan. L'ensemble du système peut s'interpréter comme une sorte d'énorme machine thermique.

Intéressons-nous d'abord aux valeurs moyennes qui déterminent le climat terrestre. La luminosité solaire actuelle correspond à un flux incident d'énergie solaire d'environ 1368 Wm-2 ; si nous répartissons ce flux sur l'ensemble de la surface terrestre (soit quatre fois la section du cylindre intercepté par la Terre), nous obtenons une valeur moyenne de 342 Wm-2. De ce flux incident, environ 30 %, soit 102 Wm-2, est réfléchi ou rétrodiffusé vers l'espace par les nuages, les aérosols, la neige et les parties les plus réfléchissantes de la surface, notamment les déserts. Restent donc 240 Wm-2 qui sont réellement absorbés par le système : environ 65 par l'atmosphère, le reste, environ 175, servant à chauffer la surface. Le fait que presque les trois quarts de l'énergie solaire absorbée le soit au niveau de la surface entraîne naturellement que la température de l'air décroît quand on s'élève ; mais l'effet de serre accentue très fortement cette décroissance. En effet, la surface chauffée par le rayonnement solaire restitue son énergie à l'espace principalement sous forme de rayonnement infrarouge, dont une partie est absorbée et réémise vers le bas par l'écran des gaz à effet de serre (vapeur d'eau, CO2, méthane, N2O, ozone, halocarbures) ainsi que par les nuages. Cet effet de serre piège ainsi une grande quantité de chaleur dans les basses couches, dont il contribue à élever encore la température. Le rayonnement intercepté par l'effet de serre est de l'ordre de 155 Wm-2 ; cette valeur est une mesure de l'effet de serre total. Une autre mesure possible de l'effet de serre est le réchauffement qu'il entraîne pour la surface : 33°C, calculé comme la différence entre la température moyenne de la surface (288 K), et la température de la Terre vue de l'espace à travers l'atmosphère (255 K).

Les radiomètres à bandes larges comme ScaRaB (CNRS-CNES), qui mesurent le bilan radiatif depuis l'espace, nous renseignent sur les flux nets de rayonnement solaire et infrarouge irradiés par la Terre vers l'espace. Combinées avec les mesures de surface, les données de ces instruments permettent par exemple d'étudier la modulation de l'effet de serre par la température de surface, par la vapeur d'eau (le plus abondant des gaz à effet de serre) et par les nuages. D'après ScaRaB, la contribution des nuages à l'effet de serre global est d'environ 30 Wm-2, alors qu'ils augmentent la réflectivité de la planète de 48 Wm-2 : l'effet radiatif net des nuages va donc dans le sens d'un refroidissement du climat par 18 Wm-2. Bien sûr, il s'agit là d'une valeur moyenne : l'effet radiatif varie selon les types de nuages, et se répartit diversement en fonction des lieux et des saisons.

En moyenne sur le globe et dans le temps, le bilan d'énergie de la planète Terre est à peu près équilibré : la Terre irradie vers l'espace dans l'infrarouge une énergie sensiblement égale à celle qu'elle reçoit du soleil. Mais il est bien évident que cet équilibre ne peut être qu'approché, à cause des oscillations permanentes - diurnes, saisonnière et autres - du système climatique, et aussi, aujourd'hui, de la perturbation faible mais significative due à l'activité planétaire des hommes.

Le rôle de l'atmosphère et de l'océan

Par contre, en un point donné de la Terre, le bilan des échanges d'énergie avec l'espace est loin d'être équilibré. Dans les tropiques, la Terre reçoit plus d'énergie solaire qu'elle n'émet de rayonnement infrarouge ; dans les régions polaires, c'est l'inverse. Les régions d'excédent ou de déficit énergétique sont modulées par les saisons : l'hémisphère d'hiver est partout déficitaire, c'est à dire qu'en tout point, il perd de l'énergie vers l'espace. Certaines régions du globe sont même déficitaires durant toute l'année. C'est le cas des déserts subtropicaux comme le Sahara : l'air au dessus du Sahara étant particulièrement sec et sans nuage, l'effet de serre est minimal, ce qui entraîne une forte perte d'énergie infrarouge (d'où des températures nocturnes très basses) ; en outre, l'absence de végétation se traduit par une forte réflectivité de la surface, qui renvoie vers l'espace 30 à 40 % de l'énergie solaire incidente. La conjugaison de ces deux mécanismes fait de la région saharienne un puits d'énergie qui persiste tout au long de l'année.

La distribution du bilan net, ou flux net d'énergie entre la Terre et l'espace, nous renseigne sur les mouvements de l'atmosphère et de l'océan. En effet, ce sera le rôle de ces deux fluides de transporter l'excès d'énergie reçue ici ou là, vers les régions où le déficit domine. En particulier, l'océan et l'atmosphère vont transporter l'énergie de la bande tropicale vers les moyennes et les hautes latitudes, plus particulièrement du côté de l'hémisphère d'hiver. Intégrés sur un parallèle et sur l'épaisseur de l'atmosphère et de l'océan, ces flux méridiens sont de l'ordre de 5x1015 Watts. L'océan et l'atmosphère prennent une part sensiblement égale à ces transferts.

Comment l'atmosphère et l'océan peuvent-ils transporter l'énergie d'un endroit à l'autre de la planète ?

Un premier mécanisme est le mélange horizontal des masses d'air. Il est surtout efficace dans l'atmosphère, aux latitudes moyennes et pendant l'hiver, là où la température varie très rapidement avec la latitude. L'instabilité de l'écoulement atmosphérique crée des perturbations (basses pressions autour desquelles l'air tourne à peu près horizontalement dans le sens inverse des aiguilles d'une montre) qui brassent l'air chaud et souvent humide venant des subtropiques, avec l'air froid et plutôt sec venant des hautes latitudes. Cet échange se traduit par un flux de chaleur et d'énergie latente (ou vapeur d'eau) allant des subtropiques vers les hautes latitudes. Le brassage par les perturbations n'est efficace pour transporter l'énergie que parce qu'il mélange des masses d'air subtropical très énergétique, avec des masses d'air subpolaire qui le sont beaucoup moins.

Dans la bande tropicale, ce type de transport devient totalement inefficace, car les températures sont horizontalement très uniformes, et il en est de même des niveaux d'énergie. L'énergie sera transportée par des mouvements tridimensionnels, organisés en rouleaux, avec des régions d'ascendance et des régions de subsidence, le fluide allant dans les hautes couches, des régions d'ascendance vers les régions de subsidence, et dans les basses couches, des régions de subsidence vers les régions d'ascendance. Pour comprendre comment des rouleaux verticaux peuvent transporter de l'énergie suivant l'horizontale, il nous faut dire quelques mots de deux propriétés très importantes de l'atmosphère et de l'océan : il s'agit de la stratification et de la stabilité.

L'atmosphère et l'océan sont des fluides presque partout stratifiés en densité, en pression et en température : la densité, la pression et la température varient beaucoup plus vite (par plusieurs ordres de grandeur) suivant la verticale que suivant l'horizontale. L'origine de la stratification en température de l'atmosphère est, on l'a vu, le chauffage par la surface et l'effet de serre ; quant à l'océan, il est aussi chauffé par la surface et la température décroît naturellement quand on s'enfonce. Il va de soi que, partout où ces stratifications sont établies, elle sont stables, c'est-à-dire que le fluide léger est situé au dessus du fluide plus lourd ; les mouvements sont quasi-hydrostatiques. On démontre qu'une stratification est stable si l'énergie croît quand on s'élève.

Puisqu'il en est ainsi, il est clair que dans une circulation en rouleaux, la branche supérieure transporte plus d'énergie des ascendances vers les subsidences, que la branche inférieure n'en transporte des subsidences vers les ascendances. Le bilan net sera donc un transport d'énergie des ascendances vers les subsidences : les régions excédentaires en énergie seront des régions d'ascendance, et les régions déficitaires, des régions de subsidence.

Dans l'atmosphère, les régions excédentaires se trouvent principalement dans les tropiques, là où l'atmosphère reçoit un fort apport d'énergie à la surface : sur les continents, là où le soleil est au zénith, et sur l'océan, là où la surface de l'eau est particulièrement chaude. Cet apport d'énergie à la base a un effet déstabilisateur : les ascendances s'accompagnent de puissants mouvements convectifs (cumulonimbus pouvant atteindre jusqu'à 20 km de hauteur) qui transportent l'énergie vers le haut et restabilisent la stratification. Les masses d'air léger, chaud et humide qui montent dans ces tours convectives se refroidissent, leur humidité se condense et retombe en pluie : le passage du soleil au zénith sur les continents tropicaux correspond ainsi à la saison des pluies ou mousson. C'est donc un air froid et sec qui atteint les hautes couches et se dirige vers les régions déficitaires en énergie comme les déserts, où il redescend vers la surface. Ainsi, la désertification favorise le développement d'une subsidence d'air sec, qui en retour, favorise la désertification. Le contraste entre les régions convectives et humides, et les régions de subsidence où l'air est sec sont particulièrement visibles sur les images du canal vapeur d'eau de Météosat.

Dans l'océan, c'est la déperdition d'énergie à la surface, aux hautes latitudes, qui tend à violer la condition de stabilité et déclenche la convection. Celle-ci se produit surtout dans les mers de Norvège et du Labrador, et, près de l'Antarctique, dans la mer de Weddell, où l'eau lourde, froide et salée plonge et alimente la circulation abyssale.

La vapeur d'eau dans l'atmosphère, le sel dans l'océan sont tous deux des facteurs déstabilisants pour la stratification. Les seules sources de la vapeur d'eau atmosphérique (ou énergie latente) se trouvent à la surface : c'est l'évaporation sur l'océan, les surfaces d'eau ou les sols humides, ou l'évapotranspiration des couverts végétaux. De plus, la pression de vapeur saturante décroît exponentiellement quand la température s'abaisse : un air très froid ne peut absorber que très peu de vapeur d'eau. L'énergie latente est donc confinée dans les tropiques et surtout dans les basses couches de l'atmosphère, ce qui va à l'encontre de la loi de stabilité. C'est la raison pour laquelle la convection tropicale est dominée par la convection humide. Dans l'océan, l'évaporation à la surface alourdit l'eau superficielle en la chargeant en sel. Aux hautes latitudes, la formation de glace de mer est une source additionnelle de sel : le sel expulsé par la glace vient alourdir l'eau de surface, favorisant l'apparition de cheminées convectives, où se forme l'eau profonde.

Dans l'atmosphère tropicale, la circulation en rouleaux peut se schématiser en moyenne zonale sous le nom de cellule de Hadley, qui transporte l'énergie de ce que l'on appelle l'équateur météorologique, vers les subtropiques de l'hémisphère d'hiver. Au delà des subtropiques, c'est le mélange horizontal qui prend le relais pour transporter l'énergie vers les pôles. Il est intéressant de noter que lorsqu'on s'élève, si l'énergie totale et bien sûr l'énergie potentielle croissent, la chaleur sensible et l'énergie latente décroissent. Si donc les rouleaux exportent de l'énergie totale des régions d'ascendance, ils y importent en même temps de l'énergie sensible et latente, favorisant ainsi la convection et le maintien des rouleaux.

L'analogue dans l'océan des circulations en rouleaux dans l'atmosphère est la circulation tridimensionnelle dite thermohaline, parce qu'elle est gouvernée par les variations de flottaison due à la dilatation thermique et à la salinité. L'eau froide et salée qui plonge dans les mers de Norvège et du Labrador s'écoule lentement vers le sud au fond de l'Atlantique, franchit l'équateur et contourne le cap de Bonne Espérance pour rejoindre l'Océan Indien où une partie remonte à la surface ; le reste poursuit sa route vers l'est et remonte à la surface à son tour dans le Pacifique équatorial. Sous l'effet des alizés, ces eaux de surface reprennent ensuite le chemin inverse, et remontent vers le nord de l'Atlantique où elles se refroidissent, se chargent en sel, et ainsi alourdies, plongent à nouveau. Cette circulation de « tapis roulant océanique » est extrêmement lente, puisque la durée du cycle est de l'ordre de 500 ans à 1 000 ans. C'est elle qui réchauffe aujourd'hui le climat européen et en fait, à latitude égale, le plus tempéré du globe.

L'atmosphère et l'océan nous apparaissent ainsi comme les deux acteurs principaux du grand jeu climatique. Le dialogue entre ces deux acteurs joue un rôle central : les vents entraînent les eaux superficielles de l'océan ; en retour le mouvement des masses d'eau transporte de grandes quantités de chaleur qui réchauffent à leur tour l'atmosphère, modifiant ainsi le régime des vents qui vont à leur tour entraîner l'océan. Les interactions de ce type, ou rétroactions, sont monnaie courante dans le système climatique ; elles engendrent les instabilités et les oscillations naturelles qui dominent le comportement du système.

Oscillations internes

Parmi les oscillations liées aux interactions océan-atmosphère, la plus connue est le phénomène portant les noms d'El Niño (pour sa partie océanique) et d'Oscillation Australe (pour sa partie atmosphérique). Pour aborder les mécanismes d'El Niño, il faut indiquer tout d'abord que la rotation terrestre impose une domination des vents alizés (c'est-à-dire des vents d'est) dans les tropiques : c'est l'existence des alizés qui assure que la Terre solide transmet par friction sa rotation à l'atmosphère. L'entraînement des eaux superficielles du Pacifique tropical vers l'ouest par les alizés conduit à une accumulation d'eaux chaudes (plus de 30°C) dans toute la partie ouest, et à des remontées d'eaux froides au voisinage des côtes du Pérou. L'énorme quantité d'énergie ainsi emmagasinée à l'ouest se transmet à l'atmosphère, et entretient au voisinage de l'Indonésie une activité convective intense. Il en résulte, comme nous l'avons vu plus haut, une circulation en rouleau dite circulation de Walker, avec des ascendances sur les eaux chaudes de l'ouest du Pacifique et des subsidences sur les eaux froides de l'est. L'établissement de cette circulation se traduit, dans sa branche basse, par un renforcement des alizés. Nous avons là un exemple de ces rétroactions qui conduisent à des oscillations propres du système. Dans les périodes d'intensification des alizés, le Pacifique oriental est très froid, la convection sur l'Indonésie très intense. Dans les périodes d'affaiblissement des alizés, la masse d'eau chaude superficielle reflue vers l'est, la convection quitte l'Indonésie pour le centre et l'est du Pacifique. Toute la circulation en rouleaux de la bande tropicale s'en trouve modifiée : on observe des sécheresses dramatiques dans certaines régions comme l'Indonésie ou l'Australie, et des pluies diluviennes sur d'autres comme le Pérou. Le schéma le plus simple de cette oscillation est un schéma unidimensionnel, dans lequel les constantes de temps de l'oscillation sont déterminées par la propagation longitudinale d'ondes équatoriales. La réalité est naturellement plus complexe, et met en jeu l'ensemble des interactions entre les circulations tridimensionnelles de l'atmosphère et de l'océan au voisinage du Pacifique équatorial. Ces phénomènes commencent d'ailleurs à être assez bien modélisés pour que l'on aborde le stade des prévisions expérimentales.

El Niño est une oscillation interannuelle, avec une pseudo-période de l'ordre de deux à quatre ans. Il existe aussi dans les tropiques des oscillations intrasaisonnières, dont les périodes sont de l'ordre de quelques décades ; elles sont caractérisées par la propagation d'amas convectifs vers l'est, de l'ouest de l'Océan Indien vers le Pacifique équatorial. Ces oscillations sont elles aussi liées aux interactions océan-atmosphère ; elles interagissent avec la mousson asiatique et avec El Niño, ce qui leur confère une importance particulière pour l'économie et pour la société, dans des régions où la population dépasse aujourd'hui les deux milliards d'individus.

Plus proches de nous, il faut citer l'Oscillation Nord-atlantique, qui se traduit par des modulations d'intensité du contraste entre les basses pressions d'Islande et les hautes pressions des Açores. Elle concerne plus particulièrement les conditions hivernales sur l'Europe, quand ces systèmes de hautes et basses pressions sont particulièrement actifs. Un anticyclone des Açores plus intense que la normale correspond à une ligne des tempêtes atteignant l'Europe du nord : le temps y est alors plus doux et humide, tandis qu'il fait anormalement sec et froid sur l'Europe du sud. C'est l'inverse quand l'anticyclone s'affaiblit : la ligne des tempêtes atteint plutôt l'Europe du sud, y apportant davantage de précipitations.

Une autre oscillation interne, à des échelles de temps beaucoup plus longues, est la possibilité de modulation de la circulation thermohaline, donc du flux de chaleur océanique et de la formation d'eau profonde dans l'Atlantique nord. La densification des eaux du surface dans la mer de Norvège et la mer du Labrador est sensible, par exemple, à l'apport d'eau douce par les précipitations et par les fleuves, ou encore, par la fonte partielle des glaciers ou des calottes glaciaires. Un réchauffement temporaire des moyennes et hautes latitudes boréales, en activant les précipitations et la fonte des glaces, tend normalement à faire baisser la salinité de l'Atlantique nord, donc à affaiblir la circulation thermohaline, ce qui entraîne un refroidissement de l'Atlantique nord et des régions continentales qui le bordent, plus particulièrement l'Europe. Nous avons encore ici la source d'oscillations possibles, qui pourraient intervenir dans un certains nombres de changements climatiques rapides du passé, comme le début de l'épisode du Dryas Récent, brusque récession vers le froid intervenue en quelques décennies au cours de la dernière déglaciation, il y a environ 13 000 ans, ou d'autres épisodes de la dernière glaciation connues sous le nom d'oscillations de Dansgaard-Oeschger. De tels épisodes pourraient se produire de la même manière lors d'un réchauffement climatique dû aux perturbations anthropiques actuelles. La vitesse de ces variations climatiques rapides semble avoir pu atteindre dans le passé des valeurs de l'ordre de 10°C en 50 ans ; c'est là un changement climatique intense à l'échelle d'une vie d'homme.

Oscillations forcées naturelles

Le système climatique nous apparaît donc comme un oscillateur assez complexe. Cet oscillateur a ses modes d'oscillation propres, dont nous venons de donner des exemples ; mais, bien sûr, il réagit aussi aux sollicitations externes.

Nous ne citerons que pour mémoire la dérive des continents qui, à l'échelle de quelques dizaines de millions d'années, change du tout au tout les climats régionaux et modifie même le climat global, par exemple en érigeant des montagnes, ou en limitant, voire en supprimant, la possibilités de formation de calottes glaciaires. Une Terre, par exemple, où les calottes arctiques et antarctiques seraient entièrement occupées par des océans ouverts ne connaîtrait sans doute pas de glaciations, les courants océaniques apportant suffisamment d'énergie jusqu'aux pôles.

À des échelles de temps moins longues, quelques dizaines de milliers d'années, la variabilité climatique a pour source principale les variations lentes de la distribution de l'insolation, due aux irrégularités du mouvement orbital de la Terre. Le mouvement de la Terre autour du soleil est en effet perturbé par l'attraction des autres planètes du système solaire. Il est possible, par des développements en série, de reconstituer ce mouvement de façon très précise sur des périodes de temps de quelques millions d'années. Les variations correspondantes de l'insolation sont entièrement définies par les variations dans le temps de trois paramètres : l' excentricité de l'ellipse, qui module le contraste entre une saison chaude globale où la Terre est proche du soleil, et une saison froide globale où elle est éloignée du soleil ; l' obliquité de l'équateur terrestre sur l'écliptique, qui module le contraste entre l'hémisphère d'été et l'hémisphère d'hiver ; et enfin, la précession, qui définit le déphasage entre la saison chaude globale et l'hiver ou l'été de l'un ou l'autre des deux hémisphères. L'excentricité varie entre 0 (cercle parfait) et 0,07, avec une période d'environ 100 000 ans. L'obliquité varie entre 22° et 25°, avec une période de 41 000 ans. La précession est un phénomène un peu plus compliqué : la précession astronomique est le mouvement de rotation de l'axe des pôles sur le cône de précession dont la période est 26 000 ans, auquel s'ajoute le mouvement de nutation ; mais pour arriver à ce que l'on appelle la précession climatique, c'est à dire à la phase des saisons le long de l'orbite, il faut aussi tenir compte de la rotation de l'orbite elle-même : d'où deux périodes principales de 19 000 ans et 23 000 ans.

Il est aujourd'hui universellement admis que les grandes variations du climat qui ont dominé les deux derniers millions d'années sont dues à ces variations orbitales et aux variations d'insolation qui en découlent. Les phénomènes les plus marquants sont les alternances d'époques glaciaires et interglaciaires, rythmés par la lente accumulation, puis la disparition relativement rapide d'énormes calottes de glace sur l'Amérique du Nord et le nord de l'Europe. Le dernier cycle glaciaire-interglaciaire a duré environ 120 000 ans. L'accumulation de glace sur les pôles est toujours lente, car il faut beaucoup de temps à l'atmosphère pour transporter de la vapeur d'eau en quantité suffisante aux hautes latitudes où l'air est froid et peu porteur d'humidité. Le retour à l'interglaciaire par fonte ou déstabilisation des calottes est beaucoup plus rapide. Nous nous situons aujourd'hui à la fin d'une période interglaciaire qui a débuté il y a environ 10 000 ans. Le dernier maximum glaciaire, c'est à dire l'époque où le climat a été le plus froid et où les calottes glaciaires ont atteint leur extension maximale, s'est produit il y a environ 20 000 ans. À cette époque, le Canada et le nord des États-Unis étaient recouverts par plus de trois kilomètres et demi de glace, et le nord de l'Europe et de la Russie, par plus de deux kilomètres de glace ! La température moyenne du globe était de cinq à six degrés plus basse qu'aujourd'hui, et les pôles étaient plus froids d'environ dix degrés. Juste après le retour à l'interglaciaire, il y a six à dix mille ans, le climat était légèrement plus chaud qu'aujourd'hui : la précession était telle que la Terre était proche du soleil durant l'été boréal (c'est le contraire actuellement) : les étés de l'hémisphère nord étaient donc plus chauds, les moussons africaines et asiatiques étaient plus intenses et pénétraient plus au nord dans les deux continents : le sud de ce qui est aujourd'hui le désert saharien était relativement verdoyant et peuplé d'animaux et de pasteurs, comme le rappellent les fresques du Tassili.

Nous disposons sur les quatre derniers cycles glaciaires-interglaciaires, c'est à dire sur les quatre cent ou cinq cent mille dernières années, de ces véritables archives de l'évolution du climat que sont les calottes glaciaires et les sédiments marins ou lacustres, que l'on explore par carottage, stratigraphie, analyse isotopique et analyse chimique. La teneur des glaces, par exemple, en isotopes lourds de l'oxygène et de l'hydrogène nous renseigne sur l'histoire du cycle de l'eau (marquée lors de l'évaporation par des fractionnements isotopiques), donc sur les températures, les précipitations et le niveau des mers, qui, il y a 20 000 ans, à l'époque des grandes calottes glaciaires, était 120 mètres en dessous du niveau actuel (on allait à pied sec de France en Angleterre, et de l'Asie continentale jusqu'à Java et Bornéo). Les fines bulles d'air prisonnières de la glace nous permettent de retrouver la composition chimique de l'air (en particulier sa teneur en gaz à effet de serre : dioxyde de carbone et méthane) au moment où la glace s'est formée, jusqu'à il y a plusieurs centaines de milliers d'années.

Ce que nous disent ces archives et les modélisations que l'on peut faire de l'évolution du climat sur ces périodes de temps, c'est que le système climatique se comporte comme un amplificateur des impulsions orbitales, grâce aux multiples rétroactions dues par exemple au cycle de l'eau : la formation de calottes glaciaires et l'accroissement du manteau neigeux, en renvoyant davantage d'énergie solaire vers l'espace, intensifient le refroidissement ; ou encore, dues au dioxyde de carbone et au méthane : la teneur de ces gaz dépend de l'activité biologique et diminue lors des baisses d'insolation, avec pour conséquence un affaiblissement de l'effet de serre et donc un refroidissement supplémentaire.

Une autre cause naturelle, externe, de variations climatiques, est l'activité même du soleil. La « dynamo » solaire est modulée par des cycles de 22 ans ; la luminosité varie, elle, suivant des cycles de 11 ans, car elle ne dépend pas du signe du champ magnétique. Les périodes d'activité maximale du soleil se manifestent par la multiplication de taches solaires (surcompensées par des facules ou plages extrêmement brillantes). Nous disposons d'observations quantitatives de l'évolution de l'activité solaire depuis la fondation de l'Observatoire de Paris dans la deuxième moitié du XVIIe siècle (apparition, disparition, nombre de taches, variations du diamètre du soleil qui varie en raison inverse de son activité). Nous savons ainsi que la deuxième moitié du XVIIe siècle a été une période d'activité solaire particulièrement faible, allant jusqu'à une disparition totale des taches durant des périodes de plusieurs années. Aujourd'hui, des radiomètres à cavité, embarqués sur des plate-formes spatiales, mesurent ces variations avec une grande précision en s'affranchissant des perturbations dues à l'absorption par l'atmosphère. Dans un cycle de 11 ans actuel, la luminosité solaire varie d'environ un Watt m-2 (sur une valeur moyenne d'environ 1368 Watts m-2) : ces modulations sont donc très faibles et ne peuvent donner lieu à des effets climatiques importants, d'autant plus que 11 ans est une durée trop brève pour perturber l'inertie thermique de l'océan.

On sait toutefois que l'activité solaire est modulée par des cycles plus longs que le cycle de 11 ans ; le plus court est le cycle de Gleisberg (environ 80 ans). Ces cycles peuvent avoir des influences climatiques plus fortes. Néanmoins, nous ne disposons pas encore de véritables modèles tridimensionnels de la dynamo solaire et nous ne savons pas reconstruire très précisément les variations de la luminosité au cours des derniers siècles. Des modèles simplifiés ont permis d'estimer la baisse de puissance du soleil au XVIIesiècle, époque dite du minimum de Maunder, à environ 0,4 %, ce qui donne une diminution du flux solaire absorbé d'environ un Watt par mètre carré pendant au moins un demi-siècle. Cette époque semble avoir été particulièrement froide, comme en témoignent les canaux gelés des peintures hollandaises, et diverses archives climatiques (notamment la dendroclimatologie qui étudie les variations de la croissance passée des arbres et les relie aux variations de température et de pluviosité). Néanmoins, nous ne sommes pas sûrs que le refroidissement observé, qu'on a appelé assez suggestivement « petit âge glaciaire », ait été un phénomène réellement global ; il pourrait bien s'être en fait limité à l'Europe.

Perturbations anthropiques

Nous nous étendrons peu ici sur les conséquences climatiques de l'effet de serre anthropique, dû à l'injection dans l'atmosphère de produits de la combustion et d'autres activités humaines : celles-ci font l'objet d'un autre exposé dans cette même série. On notera seulement qu'il faut toujours replacer ces effets, avec leurs propres constantes de temps (de quelques décennies à plusieurs siècles) dans le cadre des variations naturelles du climat, auxquelles elles se superposent et avec lesquelles elles peuvent interagir. Par exemple, nous nous dirigeons aujourd'hui naturellement vers une nouvelle glaciation qui devrait se développer progressivement dans les 100 000 ans qui viennent. Certaines études montrent que la modification de cette évolution naturelle par le réchauffement climatique dû aux hommes pourrait perdurer sur plusieurs milliers d'années.

Revenons au présent ou à un avenir plus proche. L'effet de serre n'est pas, et de loin, la seule perturbation d'origine anthropique. Les divers types de combustion, dont les sociétés modernes font un si grand usage, injectent aussi dans l'atmosphère, à doses plus ou moins grandes, des pollutions visibles sous forme d'aérosols, petites particules en suspension dans l'air, à base de carbone suie, de carbone organique, de dioxyde de soufre, etc. Beaucoup de ces particules ont des tailles de l'ordre des longueurs d'onde du rayonnement solaire : elles interceptent une partie de ce rayonnement et l'empêchent d'atteindre la surface, soit en le renvoyant vers l'espace, soit en l'absorbant : dans une atmosphère très polluée, la couche d'aérosols peut être assez dense pour masquer complètement le soleil un jour de beau temps. À l'opposite de l'effet de serre, les aérosols tendent ainsi à refroidir la surface, et donc le climat. Le fait que certains aérosols, les aérosols soufrés, sont hygroscopiques les rend aptes à jouer en plus le rôle de noyaux de condensation : à quantité donnée de vapeur d'eau, la présence d'une grande quantité d'aérosols soufrés multiplie donc le nombre de gouttelettes ; les gouttelettes qui se forment sont plus petites, elles se forment donc en plus grandes quantités et restent en suspension plus longtemps : un même volume de gouttes d'eau offre ainsi une surface réfléchissante plus grande et plus persistante. Cet effet refroidisseur supplémentaire est ce que l'on appelle l'effet indirect des aérosols soufrés.

Contrairement aux gaz à effet de serre, les aérosols ont une durée de vie courte. Ceux dont la durée de vie est la plus longue sont les aérosols stratosphériques naturels, injectés dans la stratosphère par les grandes éruptions volcaniques tropicales comme récemment, El Chichon ou le Pinatubo : ils sédimentent lentement et leur rôle de refroidisseur n'excède pas deux ou trois ans. Les aérosols soulevés par le vent dans les déserts, et les aérosols anthropiques restent pour l'essentiel dans les basses couches et la plus grande partie (notamment les aérosols soufrés) sont lessivés rapidement par les pluies. Leur durée de vie est de l'ordre d'une semaine, leurs panaches ont une extension limitée, contrairement au CO2, par exemple, qui est très bien mélangé dans l'ensemble de l'atmosphère. Néanmoins, ces panaches peuvent affecter notablement les climats régionaux. Pendant l'hiver 1999, la campagne INDOEX a étudié le panache issu de l'Inde et de l'Asie du Sud, qui, poussé par les vents de nord-est, s'étale de décembre à mars sur tout le nord de l'Océan Indien, jusqu'à la ligne des grands systèmes convectifs située vers 5 à 10°S, où la plupart sont lessivés. Le contraste est impressionnant, entre l'atmosphère lourdement polluée au nord de cette ligne convective, et l'atmosphère très pure située au sud. INDOEX a montré que ces pollutions régionales modifiaient fortement le bilan radiatif à la surface, créant des déficits d'énergie à la surface de la mer de l'ordre d'une vingtaine de Watts par mètre carré ; ceci doit entraîner des perturbations notables de l'interaction océan-atmosphère, en particulier des déficits d'évaporation pouvant influencer les précipitations dans des endroits très éloignés. Certaines études ont montré que de même, pendant l'été, la pollution émise sur le sous-continent indien influençait négativement les précipitations de mousson, parce qu'elle limite l'excédent énergétique à la surface qui est le véritable moteur de la saison des pluies. Le problème est évidemment que la pollution, comme l'effet de serre, est directement liée au développement et à l'explosion démographique. Les effets climatiques étudiés par INDOEX ne pourront que croître très fortement dans les décennies à venir, même si des mesures anti-pollution commencent à être mises en Suvre.

Enfin, on ne peut pas parler des perturbations climatiques liées à l'activité humaine sans évoquer, au moins brièvement, l'évolution du climat du Sahel. Les années soixante-dix ont été marquées par une baisse catastrophique des précipitations dans la bande sahélienne. Cette évolution fut vraisemblablement due, en partie à des causes naturelles, en partie à des causes anthropiques.

Les causes naturelles peuvent être rapportées aux interactions océan-atmosphère. On a vu que les précipitations tropicales (la saison des pluies) étaient liées aux branches ascendantes des circulations en rouleaux. Celles-ci se développent au dessus des continents, là où l'énergie solaire reçue est maximale, et, au dessus des océans, là où la température de la mer est particulièrement élevée. On conçoit que ces deux mécanismes puissent interférer, et qu'une anomalie d'eau chaude sur l'océan, en créant de nouvelles ascendances et de nouvelles subsidences, puisse accentuer ou limiter les ascendances continentales. C'est ce qui se produit avec El Niño, qui entraîne des sécheresses sur l'Indonésie, l'Australie, le Mozambique et le Nordeste brésilien, ainsi que des moussons généralement médiocres sur l'Inde. De même, il existe de fortes corrélations entre certaines anomalies de température océanique, et les sécheresses sahéliennes. Ceci dit, la région continentale où les pluies sont les mieux corrélées aux températures de l'océan semble bien être le Nordeste brésilien, qui réagit à la fois, aux oscillations El Niño-La Niña à l'ouest, et aux oscillations nord-sud des températures de l'Atlantique tropical, à l'est. Les modèles de circulation générale de l'atmosphère simulent très bien ce genre de relations.

Mais pour en revenir au Sahel, le comportement des hommes semble aussi avoir joué son rôle. La destruction de la végétation par le surpâturage conduit à une augmentation de la réflectivité de la surface, et donc à une moindre absorption de l'énergie solaire. De là, comme nous l'avons déjà expliqué, un affaiblissement de la saison des pluies, qui renforce la tendance à la désertification : on retrouve ici encore, une de ces rétroactions qui rendent le système climatique si sensible aux perturbations externes. D'une façon beaucoup plus générale, il est clair que le développement de nos civilisations s'est toujours accompagné de déforestation intensive liée aux pratiques agricoles, à la navigation ou à la construction : dans l'antiquité, tout le pourtour de la Méditerranée ; au Moyen Âge, l'Europe ; au siècle dernier, l'Amérique du Nord ; l'Inde aussi au cours des siècles passés ; et aujourd'hui, l'ensemble des forêts équatoriales, de l'Indonésie à l'Amazonie en passant par l'Afrique. L'évolution des climats n'a certes pas été insensible à toutes ces perturbations.

 

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CHINE : LA GRANDE FAMINE

 

Chine : famine cachée, famine oubliée
MANON DURET
24 Juillet 2013

                                               www.lejournalinternational.fr


Entre 1958 et 1961, 36 millions de Chinois sont morts de faim. La famine a décimé les campagnes dans le silence et l’indifférence des cadres du régime communiste, pour une grande part responsables de la catastrophe. Plus de 50 ans après, cette famine si bien cachée est presque oubliée.


La Grande famine en Chine a duré trois ans, de l’été 1958 à 1961. Les chiffres officiels de la catastrophe depuis les années 1980 donnent une estimation de 15 millions de morts. Aujourd’hui les historiens pensent que la famine est responsable de la mort de 30 à 60 millions de personnes. Les écarts de chiffres et la fourchette approximative montrent à quel point on a voulu occulter le passé et pointent du doigt la méconnaissance des faits de la part des historiens encore actuellement.

Un journaliste chinois, Yang Jisheng, a enquêté pendant quinze ans pour rassembler les faits et tenter d’expliquer ce qui a conduit à un désastre d’une telle ampleur. Lorsqu’il avait 19 ans, son père est mort de faim. Il a alors pensé que son village natal était un cas isolé. Devenu journaliste quelques années plus tard, il a réalisé que la famine avait touché les campagnes de toute la Chine, et principalement quatre provinces centrales sans que l’on n’en sache rien au niveau national. Il a alors rassemblé témoignages et archives officielles, dénombrant au moins 36 millions de victimes, mettant en lumière des villages rayés de la carte, des charniers et des histoires atroces. L’œuvre monumentale qu’il a rédigée à la suite de son enquête est désormais traduite, et abrégée, sous le titre Stèles, la grande famine en Chine, 1958-1961. Son ouvrage constitue désormais l’un des livres de référence, encore rares sur la question. L’auteur dit avoir voulu élever des « stèles de papier » à son père et à toutes les victimes de la famine pour qu’on ne les oublie pas et que l’on comprenne les mécanismes de la Chine communiste qui ont mené à la famine.

La question centrale du livre de Yang Jisheng est de savoir comment une famine si importante a pu avoir lieu. Pour lui, « c’est une tragédie sans précédent dans l’histoire de l’humanité que, dans des conditions climatiques normales, en l’absence de guerre et d’épidémie, des dizaines de millions d’hommes soient morts de faim et qu’il y ait eu du cannibalisme à grande échelle ». Car bien que le régime ait longtemps proclamé que la famine avait été une catastrophe naturelle, due à des problèmes climatiques, on sait désormais que le facteur humain est la principale cause de cette famine.


LE « GRAND BOND EN AVANT » ET LE SYSTÈME TOTALITAIRE
À l’origine de la période de famine, il y a une décision politique. Le PCC (Parti Communiste Chinois) au pouvoir depuis 1949 en Chine, dirigé par Mao, décide entre 1956 et 1957 d’accélérer l’évolution de la société vers le modèle communiste. Confiant dans la marche vers l’idéal, et rassuré par les bons chiffres des plans quinquennaux précédents, il décide d’accélérer la collectivisation des terres pour passer d’une économie dite « socialiste », après la réforme agraire juste aboutie, à une économie dite « communiste ». Mao prône une accélération de la production industrielle afin de rattraper au plus vite les grandes puissances occidentales, avec des slogans comme « l’Angleterre en dix ans ! ». Certains membres du parti tentent de s’opposer à cette politique qu’ils jugent « aventuriste » et dangereuse pour la société. On les fait taire en préférant au terme d’« aventurisme » le terme de « grand bond en avant » qui définit une politique sociétale et économique ambitieuse, mais nécessaire selon le Président Mao.

Concrètement cette politique s’est traduite dans les campagnes par une suppression de la propriété privée et la mise en place de ce qu’on a appelé les « communes populaires ». Les communes populaires sont des regroupements de villages à l’échelle du canton voire au-delà qui vont constituer l’unité de base de la production agricole et industrielle et régir la vie des habitants. Toutes les récoltes sont rassemblées, tous les habitants travaillent pour le compte de l’État qui redistribue une partie des produits aux paysans et envoie l’autre dans les villes. On réquisitionne le matériel agricole, les meubles, et même les casseroles pour la production d’acier. La cellule familiale est abolie et on crée des cantines populaires où toute la population doit manger. On veut créer une société nouvelle, moderne, industrielle et communiste.

Ce système aurait pu fonctionner sans un climat de surenchère intimé par le PCC et répercuté par les pouvoirs locaux. L’État en demandait toujours plus et ceux qui avouaient ne pas pouvoir suivre la cadence étaient taxés d’anti-régime, de « droitiers ». Un système totalitaire se caractérise par une organisation hiérarchique ou chacun veut plaire, craint et obéit à son supérieur et fait peser une forte pression sur son subalterne. La toute-puissance du Parti Communiste, organe du pouvoir présent à tous les échelons, de Mao jusqu’aux chefs de districts, a mené à cette situation incontrôlable : les cadres locaux recevaient l’ordre d’augmenter les rendements de blé et de riz. Ils demandaient aux paysans d’en faire plus pour plaire au parti. La récolte ne suivant pas, les cadres locaux donnaient à leurs supérieurs des chiffres faux pour maintenir leur rang. Les dirigeants du Parti avaient donc la sensation que leurs directives étaient suivies et fonctionnaient.

Lorsque la faim a commencé à se faire sentir, rien n’a pu l’endiguer. La population était épuisée par les efforts industriels qu’elle fournissait pour suivre la cadence imposée par le régime. Les paysans devaient quitter leurs champs pour faire de l’acier. Les familles n’avaient plus la possibilité d’être autosuffisantes, la propriété d’un lopin de terre ayant été bannie. Par peur du parti, les cadres empêchèrent toute communication entre les villages affamés et les villes, rendant tout ravitaillement d’urgence impossible. Les directives du Grand Bond en Avant et l’organisation hiérarchique fondée sur l’obéissance et la peur ont donc mené les campagnes à cette catastrophe.


« AVEC AUTANT DE MORTS DE FAIM, L’HISTOIRE RETIENDRA NOS DEUX NOMS, ET LE CANNIBALISME AUSSI SERA DANS LES LIVRES ».
C’est ce que Liu Shaoqi dit à Mao Zedung en 1962, effrayé des conséquences qu’il entrevoyait déjà de la politique dite du « Grand Bond en Avant ». Ainsi les dirigeants connaissaient la tragédie en cours malgré les chiffres erronés qu’ils recevaient. Zhou Xun, universitaire de Hong Kong rapporte même que dès mars 1959 Mao a proclamé : « Répartir les ressources de manière égale ne peut que faire échouer le Grand Bond en Avant. Lorsqu'il n'y a pas assez à manger, les gens meurent de faim. Mieux vaut laisser mourir la moitié des gens, de façon à ce que l'autre moitié puisse manger à sa faim ». L’idéal communiste et industriel valait donc bien que l’on sacrifie la moitié de la population qui comprenait alors 700 millions de Chinois. Malgré les tournées d’inspection de Liu Shaoqi et bien d’autres, Mao et les partisans de la « ligne » ont longtemps refusé de revoir le plan à la baisse. En 1962 seulement, Mao finit par déclarer sous la pression de certains cadres que le Grand Bond en Avant a réussi et peut donc être arrêté.

Force est de constater que la peur de Liu Shaoqi ne s’est pas encore accomplie et si l’Histoire retient Mao, elle a oublié la famine. Cinquante ans après on connaît mal les faits, à peine les causes. En France, on ne sais rien de Liu Shaoqi, l’un des plus hauts dirigeants du PPC qui dirigea officiellement le pays de 1959 à 1968. Le déni des faits est resté longtemps la règle, ce n’est qu’avec l’ouverture de Deng Xiaoping dans les années 1980 que le Parti a reconnu la famine comme une catastrophe « à 70% naturelle ». Laissant aux populations le soin de comprendre ce qu’il en était des 30% restants. L’ampleur de la famine, ses conséquences sur l’économie, la démographie ont été occultées. Les rares travaux des Occidentaux sur le sujet n’ont pu se baser sur aucune preuve solide. Les archives ouvertes un temps sur cette période sombre ont été refermées récemment après plusieurs recherches. Le gouvernement chinois n’est pas encore prêt à dévoiler ce pan de l’Histoire qui met en lumière les dérives du communisme et fragilise le régime. Les facteurs terrifiants de la grande famine font réfléchir sur les dérives totalitaires, au-delà du manque de liberté d’expression, c’est ici la soumission d’un peuple à une idéologie, qui entraine la mort de la population sans remettre en cause le régime. Il est nécessaire et urgent de faire ressortir ces événements de l’oubli, au même titre que l’Holocauste et d’autres tragédies humaines, pour en démonter les mécanismes. Les livres d’Histoire se taisent encore sur l’un des plus grands drames du XXe siècle.



Yang Jisheng, Stèles, la grande famine en Chine, 1958-1961, Paris, Seuil, 2012
Zhou Xan, The Great Famine in China, a Documentary History, Yale University Press, 2012


MANON DURET

Rédactrice pour le Journal International, passionnée d'histoires et de géographie, je suis étudiante en Licence d'Histoire. J'aime écrire sur les pays dont on ne parle pas et sur les épisodes oubliés, une source infinie d'inspiration !

 

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LE CONGO

 

LE  CONGO


État d'Afrique centrale ouvert au sud-ouest sur l'océan Atlantique, le Congo est limité au sud par l'Angola, à l'est par la République démocratique du Congo, au nord par la République centrafricaine, au nord-ouest par le Cameroun et à l'ouest par le Gabon.
Superficie : 342 000 km2
Nombre d'habitants : 4 448 000 (estimation pour 2013)
Nom des habitants : Congolais
Capitale : Brazzaville
Langue : français
Monnaie : franc CFA
Chef de l'État : Denis Sassou-Nguesso
Chef du gouvernement :
Constitution :
Adoption : 25 octobre 2015
Entrée en vigueur : 6 novembre 2015
Pour en savoir plus : institutions du Congo


GÉOGRAPHIE
Chevauchant l'équateur, le pays est en grande partie recouvert par la forêt dense, localement exploitée. Le manioc est la base de l'alimentation. Le pétrole est la principale source d'exportations. Les deux seules grandes ville sont la capitale, Brazzaville, et le port de Pointe-Noire.
1. Le milieu naturel


1.1. Le relief
D'une superficie de 342 000 km2, l'État s'étire du sud-ouest au nord-est sur 1 200 km, à partir d'une façade maritime étroite. Au nord, une partie de la cuvette alluviale du Congo, plate et souvent marécageuse, draine un large éventail de rivières ; sur le pourtour se succèdent des plateaux et des collines gréseuses qui culminent vers 860 m dans le pays Téké, tandis que le socle ancien apparaît dans le bassin de l'Ivindo. Dans le sud, au-delà des collines du Pool, s'ouvre le bassin Niari-Nyanga encadré par le plateau des Cataractes, À l'ouest de Brazzaville, le massif granito-gneissique du Chaillu est cerné par des auréoles de couches sédimentaires dessinant une ample dépression (synclinal Niari-Nyanga). Ces couches forment des plis serrés contre la chaîne du Mayombe, dont les crêtes appalachiennes successives dominent la zone des bas plateaux et des plaines littorales. La côte, tantôt basse et tantôt rocheuse, est en voie de régularisation.


1.2. Le climat
Le Congo reçoit plus de 1 200 mm de pluie par an, sauf dans la vallée du Niari ; mais les précipitations dépassent rarement 1 700 mm. Leur rythme est marqué par l'existence d'une saison sèche, longue de quatre mois dans le Sud (juin-septembre), qui dure encore un mois sous l'équateur et pendant laquelle la température s'abaisse nettement. La « petite saison sèche » de décembre-janvier n'est qu'un ralentissement des pluies. La chaleur moyenne est comprise entre 24 et 26 °C, et les maximums ne sont jamais très élevés. Le fleuve Congo et l'Oubangui servent de frontière avec la République démocratique du Congo ; le Niari Kouilou a un bassin purement congolais. Les régimes hydrologiques sont très variables. Celui du Kouilou (appelé Niari, en amont de Makabana), dont le module est de 960 m3/s, reflète les variations pluviométriques en présentant un étiage marqué et deux périodes de hautes eaux. Celui de l'Oubangui est nettement tropical : une seule crue, très accentuée. Le régime du Congo est rendu très complexe par l'étendue de son bassin : ses variations à Brazzaville sont souvent le reflet de phénomènes qui se sont produits très loin de là.


1.3. La végétation
La forêt, humide, dense, à la végétation étagée, couvre 19 000 000 d'ha répartis entre trois grands blocs : la chaîne du Mayombe, le massif du Chaillu et le nord du pays. Mais, dans la cuvette congolaise, le sol marécageux la rend difficilement exploitable. Les savanes occupent le reste du territoire, déroulant leur tapis de hautes herbes piqueté de millions d'arbres, d'arbustes ou de buissons ; elles sont parcourues chaque année par de vastes incendies. Zones inondées et lacs sont encombrés par des prairies flottantes ou des papyraies. La mangrove est installée dans quelques estuaires.


2. La population et l'économie
Le Congo est un pays peu peuplé, avec une densité moyenne à peine supérieure à 10 habitants par km2. Longtemps, la fécondité y fut inférieure à la moyenne de l'Afrique subsaharienne, ce qui tenait à une stérilité féminine assez importante. Cette spécificité a disparu et le taux de croissance démographique a rejoint la norme africaine, avec, corrélativement, un rajeunissement de la population : avec un âge médian de 16 ans, la population du Congo est aujourd'hui une des plus jeunes du monde, derrière celles du Niger et de l'Ouganda.
La population est très inégalement répartie. Le Sud, où se situent les deux principales villes du pays, regroupe près des trois quarts des habitants. Le taux d'urbanisation est l'un des plus élevés d'Afrique.
Le Congo a hérité de la période coloniale une économie déséquilibrée, la prépondérance des activités de services datant de l'époque où Brazzaville était la capitale de l'A.-É.F. (Afrique-Équatoriale française). La mise en valeur de gisements pétroliers, permettant une extraction annuelle de l'ordre de 12 à 14 millions de tonnes (soit, par habitant, quatre à cinq fois la production du Nigeria), n'a fait qu'accentuer cette tendance, et le Congo est, dès lors, entré dans un système d'économie de rente : le pétrole représente les deux tiers du produit intérieur brut et 80 % du total des exportations. L'agriculture, qui n'a jamais été très dynamique, ne parvient toujours pas à satisfaire les besoins alimentaires de base des villes et le pays doit recourir massivement aux importations. L'exploitation du bois est en régression, la production de potasse interrompue et celle de sucre en constante diminution. Seule la fabrication de boissons et de cigarettes parvient à maintenir une activité relativement soutenue. Quant aux infrastructures, elles n'ont été ni développées, ni même entretenues : l'exploitation du chemin de fer est devenue si incertaine que le Gabon a décidé, en 1991, d'utiliser son propre réseau pour acheminer son minerai de manganèse. La route qui relie Brazzaville à Pointe-Noire, la capitale économique située au bord de l'Atlantique, est toujours en construction.
Bien que quatrième pays producteur d'hydrocarbures en Afrique subsaharienne, le Congo ne bénéficie guère de ses retombées, du fait du montant très élevé de sa dette extérieure (environ 150 % du produit intérieur brut en 2005), qui absorbe à elle seule 60 % des recettes budgétaires. Les importations restent supérieures aux exportations. La part des produits manufacturés dans les exportations est passée de 15 % dans les années 1990 à seulement 2 % aujourd'hui. Aussi le pays recherche-t-il l'aide du Fonds monétaire international dans le cadre de l'initiative de réduction de la dette en faveur des pays pauvres très endettés, tout en essayant de diversifier son économie (exploitation du fer et du magnésium).


HISTOIRE
1. La période précoloniale
1.1. Le royaume téké

Les royaumes de la savane au nord du Congo sont mal connus. Le royaume téké (tyo ou anzique), désigné souvent d'après le nom de son roi, le Makoko, remonterait au xve siècle.
Au siècle suivant, les Portugais l'estimaient plus puissant que le royaume du Kongo. Il s'adjuge rapidement le monopole de la traite en amont du Pool, ce qui engendre une communauté de culture avec les peuples voisins, Boubanguis, Kongos, etc. Un important commerce d'esclaves se pratique sur la côte du Loango, du cap Lopez à l'embouchure du fleuve, et est relayé au xixe siècle par le commerce de l'ivoire. Le roi, guide religieux et maître de la pluie, est reconnu par tous les villages, ainsi que par l'ensemble des chefs, notamment les chefs de terre, mais il n'intervient pas dans leur existence, si bien qu'on a pu considérer la société téké comme de structure segmentaire.
1.2. Le royaume de Loango

Le royaume de Loango, dont la structure est proche de celle du Kongo, est une monarchie de droit divin fortement hiérarchisée. Le reste du pays, occupé par la grande forêt, abrite des Pygmées (Bingas) et subit peu le contrecoup des bouleversements des populations des savanes centrafricaines.
2. La période coloniale
2.1. Pierre Savorgnan de Brazza

Le Congo entre dans la mouvance française par l'intermédiaire de Savorgnan de Brazza, qui l'explore à partir de 1875. La signature du traité Makoko (1880) et sa ratification par le Parlement français en 1882 débouchent sur la création de la colonie en 1886. L'organisation administrative de celle-ci connaît des vicissitudes, sous le nom généralement de Moyen-Congo, avec Brazzaville comme capitale, tantôt groupée avec le Gabon, tantôt avec l'Oubangui-Chari et autres dépendances.
En 1903, le territoire obtient son autonomie administrative et financière. En 1910 est créé le gouvernement général de l'Afrique-Équatoriale française (A-ÉF), dont le siège est à Brazzaville.


2.2. Les vicissitudes de la colonisation
De nombreux abus marquent les débuts de la colonie, notamment en 1904, entraînant le retour de Brazza en 1905 à la tête d'une commission d'enquête. Le pays n'en reste pas moins livré aux grandes compagnies concessionnaires, faute d'investissements publics et privés, et il est particulièrement sous-administré. Un grave soulèvement éclate en 1913 dans la haute Likouala.
La construction du chemin de fer Congo-Océan (1921-1934) est également une lourde épreuve pour les populations, que l'Administration tente de regrouper le long des voies de communication, malgré l'opposition des Kotas notamment. Un mouvement syncrétiste, le matswanisme, du nom de son fondateur, André Matswa (1899-1942), provoque des troubles de 1926 à 1942. Matswa, emprisonné sur l'ordre de Félix Éboué, meurt en 1942.


2.3. Le Congo territoire d'outre-mer
En 1940, le Congo, entraîné par le gouverneur général Éboué, rallie, avec l'ensemble de l'A-ÉF, le camp des Alliés dès l'appel du général de Gaulle. Le développement de Brazzaville s'en trouve accéléré, mais le pays souffre encore davantage en raison de l'effort de guerre qui lui est demandé. Après la conférence de Brazzaville (30 janvier-8 février 1944) et la création de l'Union française (1946), le Congo devient territoire d'outre-mer.


2.4. La République autonome du Congo
En 1945, le premier député congolais, Jean Félix Tchicaya, est élu à l'Assemblée constituante ; leader du pays vili, chef du parti progressiste congolais (PPC), il se rallie au Rassemblement démocratique africain (RDA). Face à lui et au leader socialiste Jacques Opangault (1907-1978), l'abbé Fulbert Youlou, battu aux élections législatives de 1956, crée l'Union démocratique de défense des intérêts africains (UDDIA), section locale du RDA et, appuyé par les Kongos, remporte un succès éclatant aux élections municipales de novembre 1956. Le Congo, qui a voté « oui » au référendum de 1958 à l'appel des trois chefs politiques, devient une République autonome.


2.5. Accession l'indépendance
En janvier 1959 ont lieu à Brazzaville de sanglantes émeutes qui opposent l'UDDIA, appuyée par les Balalis, dirigés contre le PPC, soutenu par les Mbochis ; ces émeutes entraînent l'intervention des troupes françaises. F. Youlou, chef du gouvernement depuis novembre 1958, grand vainqueur des élections de juin 1959, est élu à l'unanimité président de la République en novembre 1959. J. Opangault se rallie alors et devient vice-président du Conseil. Le 15 août 1960, la République du Congo accède à l'indépendance complète.


3. Le Congo-Brazzaville
En mars 1961, l'abbé Youlou est réélu à la tête de l'État. Devant son intention de créer un parti unique, en août 1963, les syndicats proclament la grève générale et une émeute éclate ; il doit alors démissionner.
Une nouvelle Constitution, remplaçant celle de 1961, donne des pouvoirs effectifs au Parlement. Massamba-Débat, à qui a été confié le gouvernement provisoire, devient en décembre président de la République avec Pascal Lissouba, militant marxiste, comme Premier ministre. À partir de 1964, devant l'agitation entretenue par les partisans de F. Youlou, le régime s'oriente nettement à gauche avec l'établissement du Mouvement national de la révolution (MNR) comme parti unique et l'élimination des éléments modérés du gouvernement ; le pays conserve cependant de bons rapports avec les investisseurs étrangers, notamment français. Les liens avec l'URSS, la Chine sont resserrés, et d'étroites relations s'établissent à partir de 1965 avec Cuba.
P. Lissouba démissionne en avril 1966 et est remplacé par le chef du MNR, Ambroise Noumazalay, d'où une nouvelle radicalisation du régime. Une tentative de soulèvement d'officiers, entraînés par le commandant Ngouabi, échoue en juin. En janvier 1968, Massamba-Débat démet Noumazalay de ses fonctions. Mais une crise éclate au cours de l'été 1968. Massamba-Débat, otage des militaires, crée un Conseil national de la révolution (CNR), dirigé par le commandant Marien Ngouabi, puis démissionne. M. Ngouabi devient alors chef de l'État le 1er janvier 1969. Les relations, très tendues avec le Congo-Kinshasa du fait de l'aide longtemps apportée par Brazzaville aux rebelles congolais, sont rompues.
4. La République populaire du Congo (1969-1992)
4.1. Marien Ngouabi (1969-1977)
Le 30 décembre 1969, le congrès constitutif du parti congolais du Travail (PCT), parti unique qui remplace le MNR, adopte une nouvelle Constitution. Le Congo devient une République populaire, tous les pouvoirs émanant, à travers le PCT, du « peuple travailleur ». Marien Ngouabi, président du Comité central du parti, est également président de la République. Il n'y a pas d'assemblée élue. La vie politique continue d'être mouvementée : tentatives de coups d'État, limogeages, fuite de responsables à l'étranger, nouvelle Constitution (juin 1973, qui crée une Assemblée nationale populaire), mise en place d'un « état-major révolutionnaire » (décembre 1975) auquel appartient le commandant Denis Sassou-Nguesso, qui va se révéler être l'homme fort du pays.


4.2. La dictature marxiste de Sassou-Nguesso (1977-1985)
Après l'assassinat de M. Ngouabi, le 18 mars 1977, puis celui du cardinal-archevêque de Brazzaville, l'ancien président Massamba-Débat, accusé d'être à l'origine du meurtre de M. Ngouabi, est jugé sommairement et exécuté le 25 mars. Le général Joachim Yhombi-Opango devient chef de l'État, et D. Sassou-Nguesso, ministre de la Défense, est son second. Au début 1979, ce dernier occupe la présidence après la destitution de J. Yhombi-Opango. Contrairement à ses prédécesseurs, D. Sassou-Nguesso parvient à se maintenir au pouvoir durant de longues années, malgré les difficultés économiques qui s'accumulent et la révolte dans le centre-nord du pays, en 1987.
Si les discours des dirigeants congolais sont vigoureusement révolutionnaires et si des structures de développement publiques comme des fermes d'État sont mises en place, le réalisme l'emporte dans les relations internationales. Le Congo ne quitte pas la zone franc, et l'exploitation pétrolière est confiée à des compagnies européennes (Elf, en particulier). À partir de 1985, D. Sassou-Nguesso admet même le bien-fondé de l'ajustement structurel recommandé par le Fonds monétaire international (FMI).


4.3. Retour au multipartisme
En novembre 1989, le président engage le pays sur la voie du libéralisme économique et assouplit le régime en libérant des prisonniers politiques. Sous la pression des mouvements de revendication qui se multiplient, D. Sassou-Nguesso accepte le multipartisme en décembre 1990, puis autorise les partis d'opposition (février 1991). Une Conférence nationale est organisée par le gouvernement en juin. L'opposition parvient à s'y imposer : la Conférence élit André Milongo, ancien administrateur de la Banque mondiale, au poste de Premier ministre, dont les pouvoirs sont étendus. Après une tentative de renversement du gouvernement de transition en janvier 1992, une sixième Constitution est adoptée par référendum (15 mars), suivie d'élections locales, législatives, sénatoriales, puis présidentielle (août 1992). D. Sassou-Nguesso est battu dès le premier tour, et Pascal Lissouba, leader de l'Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS), est élu.
5. La difficile démocratisation
5.1. Pascal Lissouba (1992-1997) : crises politiques et militaires
Le nouveau président ne sait – ou ne peut – faire face à une situation très dégradée. En moins d'un an, trois Premiers ministres se succèdent, et les élections législatives de mai-juin 1993, rendues nécessaires par la dissolution de l'assemblée cinq mois plus tôt à la suite d'une crise politique grave, sont le point de départ d'une vague de violences à Brazzaville, qui débouchent sur un nouveau « second tour » des législatives. La courte victoire de la « mouvance présidentielle » relance les violences dans l'agglomération de Brazzaville. Commises par des milices partisanes s'opposant à l'armée, celles-ci font plus de 300 morts. Une réconciliation en juillet 1994 est suivie d'un pacte de paix solennel, signé en décembre 1995, qui prévoit le désarmement de toutes les milices. Le pouvoir paraît de plus en plus fragile : sa majorité parlementaire se désagrège et une partie de l'armée se mutine à plusieurs reprises.


5.2. Le Congo déchiré par les guerres civiles (1997-1998)
Alors qu'une élection présidentielle est prévue en juillet 1997, des affrontements armés se produisent début juin dans le centre et le nord de Brazzaville entre l'armée et les « cobras » de D. Sassou-Nguesso. De l'autre côté du fleuve, Laurent-Désiré Kabila vient de conquérir Kinshasa. Malgré les tentatives du président gabonais Omar Bongo et les pressions diplomatiques de la France et des États-Unis, les affrontements dégénèrent en combats à l'arme lourde, qui ravagent Brazzaville et s'étendent au nord du pays. Ils ne s'achèvent que le 15 août, avec l'intervention des troupes angolaises, appelées par D. Sassou-Nguesso.
Ce dernier s'intronise président de la République le 25 octobre et promet d'œuvrer dans le sens de l'unité nationale. Il s'efforce de rassurer l'opinion internationale, met en place un Parlement de transition et organise un Forum de réconciliation nationale. Mais la trêve est de courte durée et, fin 1998, les combats reprennent à la suite d'accrochages survenus en octobre dans la région du Pool près de Brazzaville entre, d'une part, l'armée congolaise soutenue par les cobras et l'armée angolaise et, d'autre part, les « ninjas » de Bernard Kolélas, dernier Premier ministre de l'ex-président Lissouba.


5.3. Vers l'apaisement
Après la conclusion de deux cessez-le-feu fin 1999, D. Sassou-Nguesso appelle à un dialogue national en février 2000, sans toutefois mentionner les exils de P. Lissouba et de B. Kolélas. Une grande réunion destinée à jeter les bases d'une réconciliation nationale est organisée, en mars 2001, en l'absence de ces derniers.
Dans un contexte de reprise de l'activité économique à partir de 2002 et en partie pour satisfaire aux exigences des bailleurs de fonds, le Congo semble chercher la paix. Une série de scrutins a lieu en 2002 qui marquent la fin du régime d'exception instauré à partir de 1997. Ils se déroulent sous le contrôle de l'armée angolaise, dans un pays encore secoué localement par la guerre civile et en l'absence des principaux opposants (dont la majorité vit en exil), ce qui en fait contester la sincérité par les observateurs étrangers.
D. Sassou-Nguesso, dont les pouvoirs sont considérablement renforcés par une nouvelle Constitution, adoptée en 2002, est réélu dès le premier tour la même année (près de 90 % des suffrages) en l'absence de ses principaux concurrents : l'ex-président P. Lissouba, condamné à mort par contumace en décembre 2001, ayant été éliminé de la course et le président de l'Assemblée nationale, André Milongo, ayant préféré se désister.
Quelques signes d'apaisement apparaissent : en 2005, P. Lissouba est amnistié ; B. Kolélas, malgré sa condamnation, rentre au pays et prête allégeance à D. Sassou-Nguesso (il décèdera en novembre 2009).
Les combats entre milices armées et forces gouvernementales se poursuivent dans la région du Pool en 2006 en dépit de l'accord de paix du 17 mars 2003 dont l'application s'avère difficile. La pacification de la région connaît une notable avancée en 2007-2008 avec la transformation du principal mouvement rebelle en parti politique et la relance (juin 2008) par la Banque mondiale d'un programme de désarmement et de réinsertion des rebelles.
Une partie de l'opposition boycotte l'élection présidentielle du 12 juillet 2009, remportée par D. Sassou-Nguesso avec 78,61 % des suffrages. Un mois avant le scrutin, le candidat du principal parti de l'opposition, l'Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS, créée par P. Lissouba), Ange Édouard Pongui (ex-Premier ministre de 1984 à 1989), avait vu, ainsi que trois autres concurrents, sa candidature rejetée par la Cour constitutionnelle. Mathias Dzon, considéré comme le principal adversaire du président, n'a obtenu que 2,30 % des voix. Peu après sa réélection, le chef de l'État forme un nouveau gouvernement et supprime le poste de Premier ministre, jugé par l'opposition en contradiction avec la Constitution.
Le 25 octobre 2015, faisant fi de la mobilisation populaire à l’appel de l’Initiative pour la démocratie au Congo (IDC) et du Front républicain pour le respect de l’ordre constitutionnel et l’alternance démocratique (Frocad), et après avoir ordonné la répression des manifestants (qui entraîne plusieurs morts), D. Sassou-Nguesso fait adopter par référendum une nouvelle Constitution, levant ainsi les obstacles – dont la limite d’âge – à sa candidature (non déclarée) en 2016. Par ailleurs, deux articles lui permettraient également d’échapper à d’éventuelles poursuites.
Présentée comme une modernisation des institutions et une avancée démocratique avec le rétablissement de la fonction de Premier ministre et de la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale, accueillie avec prudence et un certain embarras par la communauté internationale dont la France, cette réforme est dénoncée comme un « subterfuge », alors que le résultat du plébiscite – 94 % de « oui » et un taux de participation de plus de 72 % – est validé par la Cour constitutionnelle. Rejeté par l’opposition, le texte est promulgué le 6 novembre. En mars 2016, D. Sassou-Nguesso est ainsi réélu avec 60 % des suffrages.

 

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