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AIGLE ROYAL

 

 

 

 

 

 

 

aigle royal

Tournoyant très haut dans le ciel, l'aigle royal explore son vaste domaine. Parmi plus de 300 espèces de rapaces diurnes, il est sans doute celui qui incarne le mieux l'oiseau de proie. L'homme, qui l'a longtemps pourchassé, cherche maintenant à préserver ce superbe oiseau au regard fier et à l'envergure impressionnante.
Introduction

Il est plus courant de découvrir des restes de mammifères ou des coquilles de mollusques que des traces fossiles, même fragmentaires, d'oiseaux. Car la structure délicate de leur squelette, leurs os creux et la fragilité de leurs plumes ne permettent pas une bonne fossilisation. Cela explique pourquoi l'étude phylogénétique, c'est-à-dire la détermination des modalités de l'évolution des oiseaux, n'est pas aisée. Toutefois, certains des matériaux fossiles existants ont conduit les paléontologues à établir des affinités entre les rapaces et les cigognes, ibis et hérons (ciconiiformes) et, de façon plus éloignée, avec les pélicans (pélécaniformes).
Les ancêtres primitifs des rapaces font leur apparition entre 63 et 36 millions d'années avant notre ère. En ces temps reculés vivent des rapaces d'une taille impressionnante, parfois inaptes au vol, tel Diatryma, dont l'aspect rappelle celui d'une autruche et qui habite les plaines d'Amérique voici 60 millions d'années. Avec son énorme bec, crochu et acéré, et sa taille (2,10 m), il est sans doute un prédateur redoutable. De l'oligocène au pliocène (de - 36 à - 2 millions d'années), de nombreuses espèces d'oiseaux existant encore voient le jour. Parmi celles-ci des rapaces, et peut-être l'aigle royal, ou du moins une forme voisine de celle que nous connaissons. Résultat d'une longue évolution, l'aigle royal, après avoir traversé avec succès les bouleversements climatiques du pléistocène (de - 2 millions d'années à - 10 000 ans), a été confronté, à notre époque, à des dangers qui l'ont mis en péril.
Présent sur quatre continents, l'aigle royal a longtemps été chassé par l'homme. Il a dû supporter et il subit encore les ravages de l'agriculture intensive et de ses moyens chimiques (dont le DDT, qui s'accumule dans les tissus, provoquant une baisse dramatique de la fécondité) ; ces produits ont causé des dégâts considérables sur les populations de rapaces. De nombreux pays ont adopté une législation interdisant les pesticides les plus nocifs. Ces mesures seront-elles suffisantes pour que l'aigle continue à tracer ses orbes superbes dans le ciel ?
La vie de l'aigle royal

Soudain, tel un projectile, l'aigle fond sur sa proie

Comme tous les rapaces, l'aigle sait économiser ses forces et son énergie. Il ne passe pas plus de temps qu'il nest nécessaire à chasser. Tout d'abord, il attend que les rayons du Soleil aient suffisamment réchauffé le sol ; l'augmentation de la température provoque alors l'apparition de courants d'air chaud ascendants qui lui permettent de s'élever en planant, ailes largement étendues.
L'exploration méthodique du territoire peut commencer. Ayant choisi un secteur propice, l'aigle amorce une descente en spirale, guettant le moindre mouvement qui trahirait une proie, grâce à une acuité visuelle remarquable. En montagne, il profite au mieux des escarpements du relief pour surgir à l'improviste. Dans la taïga, il apparaît brutalement au détour d'une clairière, comptant sur l'effet de surprise, gage du succès. S'il lui arrive de se lancer sur un oiseau en plein vol, il préfère la capture à terre. Il est rare que l'aigle pique directement du haut du ciel, peu fréquent qu'il fonde depuis un arbre après être resté à l'affût.
Quand les aigles chassent en couple, l'un des deux effraye les proies pour que l'autre, prêt à l'attaque à 100 ou 200 m en arrière, profite de la panique que son rabatteur aura su créer. En l'absence d'ascendances thermiques, la prospection se limite à un vol battu plus près du sol.
Un frémissement imperceptible vient de trahir la présence d'un lapin ou d'une marmotte : l'aigle accélère ses battements d'ailes, abaisse sa trajectoire, vole en rase-mottes. La future victime tente une fuite éperdue. Trop tard ! Les pattes puissantes, munies de formidables serres acérées ont frappé en un éclair... L'aigle victorieux trône sur sa proie, ailes écartées, bec ouvert.
Quand il pleut ou quand il neige, la chasse est intermittente ou, même, cesse totalement. Elle s'intensifie, au contraire, durant l'élevage des jeunes. Mais cet accroissement des besoins correspond à la belle saison, lorsque les victimes abondent. L'aigle chasse de préférence les mammifères et les oiseaux. Les mammifères – lapins, lièvres, rats, marmottes, hérissons, sousliks (petits rongeurs des steppes orientales) ou chevreuils – représentent tantôt près de 95 % des proies, tantôt un peu plus de 20 % à peine, selon les saisons ; ces pourcentages varient de près de  80 % à environ 19 % en ce qui concerne les tétraonidés, c'est-à-dire les lagopèdes et les coqs de bruyère. Les proportions de ces gibiers varient également, de façon notable, selon les régions. Les tétraonidés, par exemple, représentent environ 26 % du total des proies en Écosse, et plus de 60 % en Finlande.
L'aigle royal capture parfois des passereaux, des canards, des grues. Mais il ne se contente pas de ces proies vivantes. Dans les massifs montagneux, au printemps, les aigles explorent les couloirs d'avalanches où le dégel dégage les carcasses de chamois ou de bouquetins tués au cours de l'hiver. À ces charognes (38 % du poids de la nourriture en Écosse) s'ajoutent les prises de poissons, de lézards, de vipères ou même de tortues. L'aigle royal enlève ces dernières dans les airs avant de les lâcher au-dessus de rochers où leur carapace se brise.
L'aigle ne peut emporter une victime dont le poids est supérieur au sien, soit 6,350 kg pour les femelles les plus lourdes. L'enlèvement d'enfants ou de moutons appartient donc à la légende.
Plus d'échecs que de réussites
Il est fréquent que les animaux qu'il poursuit le déroutent et, pour ne pas gaspiller ses forces, il abandonne alors sa traque. Sa robustesse lui permet heureusement de jeûner sans danger plusieurs jours de suite.
En temps normal, l'aigle royal consomme, chaque jour, une moyenne de 230 g de nourriture ; soit un total annuel de 84 kg, ce qui correspond à 214 kg de captures.
Un territoire pour la vie

Le choix et l'occupation d'un territoire sont pour l'aigle essentiels. De sa possession dépendent ses ressources alimentaires et la possibilité de se reproduire, l'aigle ne choisissant une compagne, généralement, qu'après avoir trouvé ce territoire.
Des études menées en Europe et aux États-Unis ont montré que l'étendue du territoire varie en fonction de la richesse locale en proies et, dans les zones montagneuses, des sites de nidification disponibles. Elle est ainsi de 43 à 94 km2 en Écosse, de 49 à 153 km2 en Californie, mais de 73 km2 dans l'Idaho, de 172 km2 dans le Montana et de 300 km2 dans les Alpes suisses ; dans les Alpes françaises, elle varie de 225 à 625 km2 (soit 14 fois plus qu'en Écosse).
Un territoire n'est jamais exploité ou défendu en totalité et plusieurs d'entre eux peuvent avoir, à leur périphérie, des zones communes. À l'intérieur du territoire, les aigles ne prospectent de façon systématique qu'un secteur central, appelé territoire de chasse. Celui-ci couvre de 20 à 40 km2, parfois seulement de 10 à 12 km2, ce qui représente environ de un tiers à un cinquième du territoire total. La surface des territoires et le nombre limité d'aigles rendent exceptionnels les rencontres et les affrontements.
La distance entre les aires, ou nids, occupées par deux couples d'aigles royaux est en moyenne de 5 km. Elle dépend de la taille des territoires. Dans les Alpes françaises, elle varie de 3,8 à 25 km. Dans l'Idaho (États-Unis), J.J. Beecham et M.N. Kochert ont noté, pour 56 aires occupées, des distances comprises entre 800 m (exceptionnel) et 16 km.
Les aigles royaux s'unissant souvent pour la vie, sauf accident, un couple d'aigles garde son territoire plusieurs années consécutives. À la mort de l'un des partenaires, le survivant, surtout s'il s'agit du mâle, conserve ses droits de propriété sur le territoire du couple.
Un choix de plusieurs nids sur le territoire
Le couple, une fois établi, construit une ou plusieurs aires, distantes entre elles de quelques mètres à 5 ou 6 km.
Année après année, le couple privilégie une aire ou il alterne celle-ci avec une autre, à moins qu'il n'en réapprovisionne deux ou trois avant le choix définitif de la femelle. C'est elle aussi qui en dirige, tout en y participant, la construction et l'entretien. Les branchages sont ramassés au sol ou brisés sur les arbres. L'aigle fond sur l'arbre et agrippe une branche de ses serres. Sous la charge, la branche cède. Mais elle résiste parfois à ce premier assaut... Le travail de finition consiste à disposer des feuillages frais au sommet du nid. Cette tâche dure 3 ou 4 mois.
À l'origine, l'édifice mesure une quarantaine de centimètres d'épaisseur pour un mètre de diamètre, mais, au fil des années et si le support s'y prête, il atteint deux ou trois mètres de diamètre et de deux à quatre mètres de haut. Les aires sur une corniche rocheuse ne prennent jamais les proportions de celles qui, bâties sur un arbre, s'élèvent, à loisir, dans l'espace. Le record : 5,2 m de hauteur sur 1,3 m de diamètre... Les gros nids pèsent des centaines de kilos.
Les aires qui ne sont pas retenues pour la nidification sont utilisées à d'autres fonctions. Les aigles peuvent y passer la nuit, s'y reposer pendant la journée ou en faire des charniers où la nourriture excédentaire est stockée. La distance la plus importante relevée entre le point de capture d'une proie et l'aire est de 16 km.
Le temps des parades
Le temps des parades

Pour élire une partenaire ou honorer sa compagne, l'aigle la courtise en plein ciel. Ces jeux nuptiaux commencent aux beaux jours de l'hiver quand les ascendances thermiques sont favorables. Le couple s'élève en spirale et vole ailes étendues. Les grandes plumes se frôlent parfois. Soudain, le mâle gagne en altitude avant de piquer sur la femelle, ses ailes à moitié repliées, simulant l'attaque. Sur sa lancée, il reprend de la hauteur et recommence à plusieurs reprises ce manège. La femelle bascule sur le dos et feint de parer de ses serres ce semblant d'assaut. Parfois, elle agrippe, un instant très bref, les serres du mâle. Selon les régions, ces parades spectaculaires cessent en janvier ou se prolongent jusqu'en mars-avril.

Protégés par leurs parents pendant trois mois

La femelle de l'aigle pond de début de mars aux premiers jours d'avril, selon les latitudes. Les œufs, de 130 à 160 g chacun, sont peu nombreux : soit un seul, soit deux (dans un cas sur quatre), exceptionnellement trois ou quatre. Les œufs sont pondus un par un, à trois ou quatre jours d'intervalle.
La femelle, dotée d'une plaque incubatrice, assure l'incubation. Si elle décide de chasser, le mâle peut couvrir les œufs, mais tous ne le font pas.
Lorsque la femelle s'absente, il arrive qu'un grand corbeau détruise les œufs. La femelle peut alors recommencer à pondre. Cette « ponte de remplacement », qui existe aussi chez certains autres oiseaux, n'est pas systématique chez l'aigle. On a observé qu'elle peut aussi intervenir lorsque l'œuf pondu est clair, c'est-à-dire non fécondé.
Chaque œuf a besoin de 43 à 45 jours d'incubation. Pendant cette période, les aigles ne supportent aucun dérangement et n'hésitent pas à abandonner le nid et la ponte s'ils se sentent inquiétés. Après l'éclosion, la femelle couvre ses petits pendant quinze jours. Entre le sixième et le quinzième jour, un duvet fourni se substitue au premier, fin et blanc. Le mâle relaie quelquefois la femelle pour protéger les petits. Lui seul chasse, au début, ensuite sa compagne le seconde. Les deux premiers mois, elle distribue la nourriture à la couvée, en déchiquetant en menus morceaux les chairs des proies qu'elle rapporte au nid. Les aiglons les happent du bec et les ingurgitent en hésitant, tête dodelinant. À mesure qu'ils grandissent, elle leur donne à déglutir des lambeaux de plus en plus volumineux pour qu'ils apprennent à lacérer eux-mêmes les proies.
L'apprentissage de la vie
Le séjour au nid dure de 65 à 81 jours. Durant la dernière phase, les adultes ont un surprenant comportement, en cessant tout nourrissage des petits. Les aiglons, affamés par ce jeûne imposé, subsistent sur leurs réserves de graisse qui, en s'épuisant, les allègent. Ils éprouvent alors la solidité de leurs ailes et les musclent en les exerçant à battre avec vigueur. Après une semaine de privation et d'entraînement, ils sont prêts aux combats de l'existence.
Dans 80 % des cas, l'aîné seul survit. Plus robuste, il maltraite son cadet, le harcèle en le piquant du bec, s'arrange pour être le premier servi lors des becquées et parfois même, le boute hors du nid. Mais, si le plus faible atteint l'âge de huit semaines, les sévices de l'aîné s'arrêtent.
À ce moment, de véritables plumes ont remplacé le deuxième duvet. Ce premier plumage sera progressivement remplacé par le plumage définitif à partir de mars, l'année suivant la naissance.
Une espèce peu féconde, donc fragile
Le succès de la nidification dépend, par ailleurs, des conditions atmosphériques, d'une nourriture abondante, de la tranquillité des oiseaux et d'un environnement de qualité. La fécondité (ponte et éclosion) réelle diminue dès que ces conditions ne sont pas remplies.
Une étude menée en Écosse entre 1964 et 1968 par le zoologiste M.J. Everett montre que le taux de fécondité peut être très inférieur au taux théorique de l'espèce. Lors de cette étude, e taux de réussite de la reproduction sur 155 territoires occupés était de 1,22 jeune par couple pour les 64 couples ayant mené à bien la nidification. Cela équivaut à seulement 0,66 jeune par couple par rapport au nombre total de couples nicheurs, et le taux descend à seulement 0,5 jeune par couple si l'on considère la totalité des territoires occupés pendant la saison de reproduction. Au final, il n'y avait que 77 jeunes à l'envol pour 155 territoires.
Les secrets de la plaque incubatrice
Les secrets de la plaque incubatrice

La plaque incubatrice permet à la femelle de maintenir en permanence l'œuf à la température élevée dont il a besoin pour éclore. Cette zone de la face ventrale se modifie aux approches de la reproduction par des changements successifs. Sous l'action d'hormones, le duvet qui protège la peau tombe peu à peu jusqu'à ce qu'elle soit tout à fait dénudée ; et sa surface s'échauffe grâce à un afflux de sang dans les vaisseaux capillaires qui se sont mis à gonfler. L'équilibre thermique, indispensable à la couvaison, se trouve alors assuré. Les femelles de la plupart des oiseaux possèdent, comme l'aigle, une plaque incubatrice, parfois même plusieurs. En son absence, chaque espèce adopte sa propre méthode de substitution. Les canards s'arrachent le duvet ventral et en garnissent leur nid ; les fous de Bassan couvrent leur œuf de leurs pattes palmées, toujours irriguées en abondance ; quant au manchot empereur, il dépose son œuf sur ses pattes, l'abritant ainsi dans un repli de la peau de son ventre.

L'adolescence des aiglons, le dur apprentissage du vol avant l'exil

Après trois mois passés dans le nid, sous la surveillance attentive de leurs parents, les aiglons découvrent la technique complexe du vol et apprennent à la maîtriser. Aux premiers essais, des accidents se produisent, en particulier à l'atterrissage. Les apprentis calculent mal leur vitesse et culbutent. Ils courent alors se réfugier dans l'aire. Ils répètent ce manège jusqu'aux premiers succès. Ils s'enhardissent et sont bientôt capables d'accompagner leurs parents pour apprendre les secrets de la chasse et les imiter. Le groupe familial peut rester soudé pendant encore trois mois, tant que les petits chassent avec les adultes pour la nourriture. Tolérés parfois jusqu'au printemps qui suit leur naissance, ils sont, par la suite, exclus du territoire parental. Commence alors une longue errance jusqu'à leur maturité sexuelle, vers trois ou quatre ans. Les jeunes immatures tentent rarement de pénétrer dans des territoires occupés ; ils se maintiennent en marge de ceux-ci et sillonnent des régions où l'espèce ne niche pas. Les aiglons des régions nordiques entreprennent alors de longs voyages qui ressemblent à des migrations.
Pour tout savoir sur l'aigle royal

Aigle royal (Aquila chrysaetos)

Aigle royalAigle royal
L'aigle royal est l'archétype du chasseur aérien, avec cette aptitude à maintenir étalées ses longues ailes pour les vols ascensionnels et les glissades planées ou à les refermer à moitié dans les piqués en flèche. Les muscles pectoraux, puissants, règlent des battements d'ailes tantôt amples et lents, tantôt accélérés afin de gagner en vitesse, en phase de chasse active.
Le plumage des jeunes immatures est plus foncé que celui des adultes. Il est en outre caractérisé par trois larges zones blanches frappant chaque aile et la base de la queue. Peu à peu, au fil des mues, ces marques disparaissent et le plumage s'éclaircit, surtout à la tête. Le plumage adulte complet est atteint vers trois ans et demi, mais des traces blanches subsistent parfois plus longtemps jusqu'à l'âge de six ou huit ans.
Les femelles sont en moyenne plus lourdes (20 %) et plus grandes (10 %) que les mâles. Ce dimorphisme sexuel est fréquent chez les rapaces diurnes, et particulièrement net chez les faucons.
Les facultés visuelles justifient l'expression « avoir un regard d'aigle ». Une proie, si petite soit-elle, est repérée sans effort à plusieurs centaines de mètres.
Tous les aigles, enfin, ont reçu en partage un bec et des serres redoutables. Cependant, ils usent de leurs moyens avec discernement. Hors de la saison de reproduction et d'activité intense, ils peuvent se percher, immobiles, plus de dix heures par jour. Modérant leurs besoins, ils supportent, sans inconvénients, un jeûne d'une semaine.
La robustesse de la constitution des aigles royaux et la variété de leur régime alimentaire expliquent que la plupart d'entre eux soient sédentaires. À la mauvaise saison, ils se bornent à compenser la raréfaction du gibier en agrandissant leur territoire de chasse. Mais, au nord de 60° de latitude, leur situation diffère. Les aigles savent, quand il le faut, devenir migrateurs. Ils fuient les hivers trop rudes de ces régions et gagnent, vers le sud, des contrées plus hospitalières. Un sujet bagué en Finlande a été repris en Hongrie ; il avait parcouru 2 100 km.
Les sous-espèces
Il existe 6 sous-espèces d'aigle royal. Elles ne se distinguent les unes des autres que par la taille (5 à 6 cm de marge, par exemple, pour la longueur de l'aile fermée) et un plumage plus ou moins foncé. Il est à l'heure actuelle encore impossible d'évaluer précisément les effectifs de ces sous-espèces à travers le monde.
Aigle royal, Aquila chrysaetos chrysaetos.
Habitat : Eurasie occidentale, sauf l'Espagne. Se rencontre à l'est jusqu'en Sibérie occidentale et dans les monts Altaï.
Aigle royal d'Afrique du Nord, Aquila chrysaetos homeyeri.
Habitat : Espagne, Afrique du Nord jusqu'en Égypte, Asie Mineure jusqu'au Caucase et en Iran.
Aigle royal « d'Asie méridionale », Aquila chrysaetos daphanea.
Habitat : de l'Asie du Turkestan à la Mandchourie, sud-ouest de la Chine, nord de l'Inde, Pakistan.
Aigle royal d'Asie orientale, Aquila chrysaetos kamtschatica.
Habitat : localisé à l'est de la Sibérie occidentale et des monts Altaï.
Aigle royal « japonais », Aquila chrysaetos japonica.
Habitat : Japon et Corée.
Aigle royal « américain », Aquila chrysaetos canadensis.
Habitat : Amérique du Nord.
AIGLE ROYAL
Nom
(genre, espèce) :
Aquila chrysaetos
Famille :
Accipitridés
Ordre :
Falconiformes
Classe :
Oiseaux
Identification :
Rapace de grande taille, excellent planeur. Le plumage s'éclaircit avec l'âge
Longueur :
De 75 à 88 cm
Envergure :
De 1,85 à 2,20 m
Poids :
De 2,840 à 6,665 kg
Répartition :
Europe, Asie, Amérique du Nord, extrême nord-ouest de l'Afrique
Habitat :
Taïga, massifs montagneux
Régime alimentaire :
Carnivore : proies et charognes
Structure sociale :
Monogame
Maturité sexuelle :
À 3 ou 4 ans
Saison de reproduction :
De la fin de l'hiver au printemps
Durée de l'incubation :
De 43 à 45 jours
Nombre de jeunes :
1 ou 2 (jusqu'à 4)
Poids à la naissance :
105 g
Espérance de vie :
Inconnue ; 75 % de pertes avant 4 ans
Longévité :
32 ans dans la nature, 46 ans en captivité
Effectifs, tendances :
estimations : 250 000 individus ; le déclin semble enrayé
Statut, protection :
Intégralement protégé dans certains pays, dont la France
Remarque :
Parfois utilisé en fauconnerie
 
Signes particuliers

Regard perçant
Comme la plupart des rapaces diurnes, l'aigle présente une arcade sourcilière saillante qui lui confère un aspect féroce. Cette particularité anatomique, que l'on retrouve chez d'autres bons voiliers comme les martinets, améliore la vision en diminuant l'éblouissement, et permet une meilleure protection de l'œil lors de la pénétration dans l'air à grande vitesse.
Bec adapté
Plus qu'une arme, le bec est un outil à déchiqueter la chair. La mandibule supérieure est beaucoup plus importante que l'inférieure. Ses bords tranchants et son extrémité acérée et recourbée trahissent une alimentation exclusivement carnivore. Les narines sont protégées par un étui corné jaune nommé « cire ».
Serres d'acier
C'est l'arme de choc de l'aigle. Au bout des pattes puissantes, quatre doigts épais, de couleur jaune, se terminent par un ongle sombre, recourbé et très acéré. Sur leur face inférieure, les doigts sont renforcés de pelotes écailleuses. Manœuvrées par des tendons aussi résistants que des câbles métalliques, les serres se referment sur la proie avec une force incroyable. Long de 6 à 7 cm, l'ongle du pouce, ou « avillon », dépasse les autres. Son rôle est déterminant au moment de tuer le gibier prisonnier des serres : l'avillon, à la façon d'une dague, perce la victime pour atteindre, d'un coup, l'organe vital.
Pattes emplumées
L'aigle royal est de ces rapaces dont les tarses, pris entre le talon et les doigts, sont recouverts de courtes plumes. Cette particularité n'a pas encore d'explication. Il semble que, dans les zones froides, ce manchon de plumes le protège contre la rigueur du climat.
Pelotes écailleuses
Ces protubérances cornées sous les doigts sont jaunes aussi. Elles agissent comme des crampons et permettent à l'aigle d'assurer la prise.
Les autres aigles

Les systématiciens ont rassemblé les rapaces diurnes dans l'ordre des falconiformes, divisé en 3 familles (les accipitridés, les cathartidés et les falconidés). Les aigles, au sens large, appartiennent à celle des accipitridés et sont répartis en plusieurs genres. L'aigle royal fait partie du genre Aquila. Les 11 autres espèces de ce genre possèdent avec lui d'étroites affinités morphologiques. Elles ne diffèrent que par la taille et la coloration, combinaison de bruns plus ou moins clairs et de blanc. À l'exception de l'Amérique du Sud, les aigles du genre Aquila habitent tous les continents. Les milieux fréquentés sont variés, de la taïga aux marges des déserts, en passant par les steppes et la forêt équatoriale. Ces aigles sont tous carnivores. Ils se nourrissent, dans des proportions variables, de proies vivantes et de charognes.
Aigle impérial (Aquila heliaca)
Identification : jusqu'à 92 cm de long ; 1,85 à 2,15 m d'envergure.
Brun avec le sommet de la tête, la nuque et le dessus du cou beige très clair. Marques blanches plus ou moins étendues sur le haut du dos et à l'avant des ailes.
Habitat : zones semi-boisées de basse altitude ; Europe occidentale, Europe centrale et Asie occidentale.
En partie migrateur.
Effectifs : quelques milliers de couples : population européenne comprise entre 1 110 et 1 624 couples.
Aigle ibérique (Aquila adalberti)
Identification : 75 à 84 cm de long ; 1,9 à 2,2 m d'envergure.
Ressemble à l'aigle impérial.
Habitat : zones semi-boisées de basse altitude ; Espagne, Portugal (jadis Maroc, mais l'espèce en a disparu). Partiellement migrateur (France, autrefois Algérie).
Effectifs : environ 250 couples nicheurs ; effectifs en hausse. L'aigle ibérique a frôlé l'extinction dans les années 1960, avec seulement 30 couples survivants.
Aigle ravisseur (Aquila rapax)
Identification : 65 à 72 cm de long ; 1,70 à 1,90 m d'envergure.
Plumage variable. Le corps peut être d'un beige pâle, en contraste net avec l'arrière des ailes et la queue brun sombre.
Habitat : forêts et savanes arborées, en Afrique et en Inde.
Alimentation : se contente souvent de charognes et s'empare parfois des proies capturées par des rapaces plus faibles.
Effectifs : inconnus, mais population totale importante (fourchette : entre 100 000 et 1 000 000 000).
Aigle des steppes (Aquila nipalensis)
Identification : 70 à 80 cm de long ; 1,75 à 2,10 m d'envergure.
Parfois considéré comme une sous-espèce de l'aigle ravisseur. Brun sombre.
Habitat : steppes et semi-déserts d'Europe orientale et d'Asie centrale. Niche à terre. Migrateur.
Effectifs : inconnus, mais population totale importante fourchette : entre 100 000 et 1 000 000 d'individus.
Aigle criard (Aquila clanga)
Identification : 62 à 74 cm de long ; 1,55 à 1,80 m d'envergure.
Brun foncé, avec un croissant blanchâtre à la racine de la queue. Les immatures se reconnaissent à leur plumage tacheté de blanc sur les ailes.
Habitat : forêts, souvent près de l'eau ; Europe orientale, Asie, Afrique du Nord.
Migrateur.
Effectifs : moins de 10 000 individus (dont population de Russie asiatique comprise entre 2 800 et 3 000 couples) ; Europe : au plus 900 couples ; effectifs en diminution.
Aigle pomarin (Aquila pomarina)
Identification : 62 à 74 cm de long ; 1,35 à 1,60 m d'envergure.
Brun un peu plus clair que l'aigle criard dont il se distingue à peine.
Habitat : forêts, parfois marécageuses ; Europe centrale et nord de l'Inde. Migrateur, hivernage en Afrique orientale.
Effectifs : entre 80 000 et 110 000 individus (estimations 2006).
Aigle lancéolé (Aquila hastata)
Identification : en moyenne 65 cm de long.
    Ressemble à l'aigle pomarin (dont on a longtemps pensé qu'il était une sous-espèce). Il est encore mal connu.
Habitat : Hzones boisées, milieux ouverts ; péninsule indienne.
Effectifs : moins de 10 000 individus (estimations) ; en déclin.
Aigle de Wahlberg (Aquila wahlbergi)
Identification : 1,60 à 1,70 m d'envergure.
Brun uni.
Habitat : savanes arborées, Afrique occidentale. Migrateur à l'occasion.
Effectifs : inconnus, mais population totale importante (fourchette : entre 100 000 et 1 000 000 000).
Aigle de Verreaux (Aquila verreauxi)
Identification : 80 à 90 cm de long ; 2,25 à 2,45 m d'envergure.
Brun-noir avec la base du dos blanc pur, plage claire à l'aile.
En envergure l plus grand aigle du genre Aquila.
Habitat : zones montagneuses ; Afrique orientale et méridionale. Évite le voisinage de l'homme. Niche à proximité de rapaces plus grands.
Effectifs : inconnus avec précision ; population globale comprise entre 10 000 et 100 000 individus.
Uraète audacieux (Aquila audax)
Identification : 90 à 110 cm de long ; 1,90 à 2,40 m d'envergure.
Brun-noir.
Habitat : zones ouvertes (prairies ou savanes) arborées ; Australie, Indonésie, Papouasie-Nouvelle-Guinée.
Alimentation : charognes.
Remplace les vautours, absents du continent. S'attaquant aux moutons, il est chassé par les éleveurs. Il est menacé, malgré son rôle utile de « nettoyeur ».
Effectifs : inconnus, mais population totale importante (fourchette : entre 100 000 et 1 000 000).
Aigle de Gurney (Aquila gurneyi)
Identification : 1,80 à 1,90 m d'envergure.
Brun-noir.
Habitat : forêts vierges ; ouest de la Nouvelle-Guinée et archipel des Moluques (Indonésie).
Effectifs : inconnus.
Milieu naturel et écologie

Les aigles du genre Aquila exploitent principalement trois milieux : la forêt, la montagne et les milieux ouverts, savanes ou steppes. Le milieu forestier comprend aussi bien la forêt de caducs en plaine, marécageuse ou non, la forêt de conifères, et même la forêt équatoriale dans le cas de l'aigle de Gurney.
Cette capacité d'adaptation à des milieux aussi divers a permis aux aigles du genre Aquila de se répandre dans de nombreuses parties du monde. L'habitat qu'occupe l'aigle royal dépend des régions qu'il fréquente. En général, il évite les régions humides. Il préfère les secteurs montagneux et, dans la partie orientale de son aire de répartition, la taïga ; mais on le rencontre également dans des habitats de type méditerranéen et dans des zones de steppe ou encore, plus rarement, dans des régions franchement désertiques. Il n'est pas, en principe, un oiseau des cimes puisqu'il s'installe depuis le niveau de la mer jusqu'à 3 000 m. L'altitude n'a donc pas une importance fondamentale. Toutefois, en montagne, il bâtit son nid entre 1 000 et 2 500 m (vers 1 500 m en moyenne).
La présence de l'aigle révèle l'équilibre du milieu naturel
Quel que soit l'habitat considéré, l'aigle intervient de façon déterminante sur l'écologie, à la fois comme prédateur et « superprédateur ». En raison de l'immensité de son territoire et donc de l'abondance locale et de la variété des proies, l'aigle dispose en permanence de réserves alimentaires potentielles qui, dans des conditions normales, lui permettent de subsister et de subvenir à tous les besoins d'une nichée.
On a pu calculer qu'un couple d'aigles n'exploitait annuellement que de 1/14 à 1/129 des richesses offertes par le milieu. Le grand rapace obéit ainsi aux lois naturelles et n'épuise pas les ressources de son habitat. Au contraire, ce dernier conserve un équilibre, car un rapport convenable est maintenu entre les réserves nutritives de base (végétaux, insectes), les proies qui les consomment et les prédateurs qui chassent ces proies.
Comme tous les prédateurs, l'aigle exerce une fonction à la fois sélective et sanitaire.
Il sélectionne : en capturant les animaux affectés d'une tare quelconque, il les élimine, par là même, du cycle reproducteur d'une espèce qu'ils auraient, à terme, affaiblie. Son rôle sanitaire revêt deux aspects : il prévient les épidémies en supprimant des individus malades ou contagieux, et il nettoie les charognes avant qu'elles ne se transforment en foyers d'infection. La présence de l'aigle révèle l'équilibre d'un milieu et en maintient la qualité.
En tant que superprédateur, il limite le nombre des prédateurs ; il évite ainsi un prélèvement trop important des proies situées en bas de la pyramide alimentaire (petits mammifères et oiseaux se nourrissant de plantes ou d'insectes). Son rôle – fondamental – consiste à empêcher un déséquilibre néfaste.
Les autres aigles du genre Aquila jouent également un rôle important dans les milieux qu'ils occupent, chaque espèce s'inscrivant dans la chaîne alimentaire, tant sur les lieux de nidification que dans les zones d'hivernage.
L'aigle pomarin, lors de son séjour estival en Europe, consomme de nombreux petits rongeurs (campagnols, rats, hamsters, spermophiles), qui détruisent le couvert lorsqu'ils existent en trop grand nombre). Au cours de son hivernage en Afrique orientale, il se nourrit surtout de termites ou capture au nid de jeunes Quelea (travailleurs), petits passereaux très prolifiques et ravageurs de récoltes.
Les aigles des steppes se contentent de sousliks pendant la saison de nidification en Eurasie. En Afrique, durant l'hivernage, leur régime diffère selon l'âge des oiseaux. Les adultes chassent seuls et se nourrissent de petits mammifères et de charognes. Les jeunes immatures, en groupes, imitent les aigles pomarins et fondent sur les termites et les jeunes Quelea.
L'aigle de Verreaux est un sédentaire des zones montagneuses d'Afrique orientale et méridionale. Parmi ses proies – des mammifères de taille moyenne – figurent en priorité des hyrax gris (sorte de damans) et des damans des rochers qui ressemblent à de gros cobayes.
L'aigle royal et l'homme

Symbole de gloire et victime de l'homme

L'homme, depuis toujours, s'est comporté vis-à-vis de l'aigle royal d'une manière ambiguë. Dans l'histoire – et ce, dès l'Antiquité –, il l'a honoré comme le symbole guerrier de la puissance, de la gloire. Mais, si les emblèmes exaltent l'oiseau, celui-ci n'en a pas été pour autant sauvé des persécutions ; autrefois victime de la chasse, il l'a été également de certains pesticides utilisés de façon intensive.
L'aigle royal en fauconnerie
Le faucon pèlerin, autre rapace de haut vol, capable de « lier » un oiseau en plein ciel, a toujours été plus recherché en fauconnerie que l'aigle royal qui capture de préférence le gibier à terre.
La fauconnerie occidentale s'est développée à partir du Moyen Âge. Loisir des rois et des seigneurs, c'est en Asie qu'elle trouva son origine avant de gagner l'Europe. Au ive siècle avant J.-C., l'historien grec Ctesias mentionnait déjà l'utilisation d'aigles par des chasseurs au nord de l'Inde.
Aujourd'hui, la plupart des espèces de rapaces diurnes, menacées, sont protégées. Aussi les réglementations autour de la fauconnerie sont-elles très strictes dans la plupart des pays.
En France, quelques fauconniers utilisent encore l'aigle royal pour la chasse aux lapins et aux renards, mais cette pratique est devenue rare. La réglementation française concernant la détention, le transport et l'utilisation de rapaces à des fins cynégétiques, c'est-à-dire pour la chasse au vol, est très stricte. Une carte spéciale est délivrée par le préfet, seul habilité à l'autoriser. Chaque oiseau de fauconnerie est muni d'une bague spéciale d'identification. La plupart des oiseaux utilisés, des faucons et des autours, sont nés en captivité.
La vie d'un aigle en france aujourd'hui
Les aigles royaux sont devenus moins nombreux en France dès le xixe siècle, mais leur déclin a surtout été rapide entre les années 1950 et la fin des années 1970, pendant lesquelles on estime que leurs effectifs ont baissé de 60 à 70 %. En 1972, l'espèce est proche de l'extinction : il ne reste qu'une soixantaine de couples. Depuis 1976, l'aigle royal bénéficie d'une protection intégrale, comme tous les rapaces.
L'interdiction de l'emploi en agriculture des pesticides organochlorés comme le DDT, en 1972, est l'une des mesures essentielles adoptées pour la protection des aigles. Ces substances non dégradables s'accumulent dans les graisses des animaux, tout au long de la chaîne alimentaire. Les superprédateurs, comme l'aigle royal et d'autres rapaces, étant en bout de chaîne, étaient les plus touchés. Leurs œufs devenaient stériles, et, en cas d'intoxication massive, les adultes mouraient.
Les tirs, empoisonnements et dénichages ont aujourd'hui cessé, mais les zones tranquilles sont peu nombreuses. En vol rapide, les oiseaux jeunes ne voient pas toujours les câbles de remontées mécaniques lorsque la luminosité est médiocre, en début ou en fin de journée. Ils se fracturent les ailes dans ces heurts, heureusement assez rares.
L'électrocution est plus fréquente. Elle peut se produire lorsque l'oiseau se pose sur certains pylônes. Il arrive aussi, comme cela s'est produit récemment dans l'Isère, en France, que l'aigle soit foudroyé en passant à proximité d'une ligne à haute ou très haute tension : une « fuite » de courant entraîne un phénomène d'arc électrique qui atteint l'oiseau en plein vol.
Les loisirs « verts », comme l'escalade ou la chasse photographique abusive, provoquent parfois des perturbations dans la vie des aigles, surtout en période de reproduction.
Aujourd'hui, 200 à 250 couples d'aigles royaux vivent en France dans les Alpes, les Pyrénées, le Massif central, en Corse, ainsi que dans les Vosges et le Haut-Rhin.
Ces grands oiseaux, mieux connus grâce aux campagnes d'information et aux études des ornithologues modernes, ne passent plus comme autrefois pour des ravageurs de troupeaux et de gibier, des agresseurs de l'homme et des ravisseurs d'enfants.
Les études dans le monde
Tous les aspects de la vie de l'aigle royal, en matière de biologie, de comportement et de répartition, ont été étudiés en Europe et en Amérique du Nord. Mais les mouvements migratoires, la dispersion des jeunes, les causes et les taux de mortalité, le comportement social, les effectifs de quelques régions restent encore mal connus.
Pour suivre avec exactitude les déplacements et déterminer les limites des territoires des aigles, les chercheurs canadiens et, surtout, américains emploient très fréquemment la technique du radio tracking, ou radiopistage. Le procédé consiste à équiper l'aigle d'un minuscule émetteur en le fixant solidement à une plume de sa queue.
En Europe, les recherches et les études sur les déplacements des aigles n'utilisent pas les émetteurs, mais plutôt des techniques de comptage sur la base d'observations.
Ces dernières années, un programme d'études des déplacements des aigles a été mis en place en Écosse. Pour le réaliser, les ailes des oiseaux ont été munies de plaques en plastique coloré qui permettent de les identifier à distance et de connaître leurs mouvements.
Malgré la masse des données déjà acquises, il subsiste encore quelques zones d'ombre. Les progrès de la technique permettront sans doute enfin de faire toute la lumière.
Symbole de conquête et de puissance
Symbole de conquête et de puissance

Les Perses, les premiers, d'après Xénophon, auraient adopté le roi des rapaces comme emblème et l'auraient représenté en or. Dans la Rome antique, l'aigle, d'abord réservée à la milice, devint, sous le consulat de Marius, l'insigne des légions, et le resta jusqu'à l'époque de l'empereur Constantin, au début du IVe siècle. Au IXe siècle, l'aigle réapparaît en France sur les écus de Charles le Gros. Au XIe siècle, les empereurs germaniques, pour marquer leur filiation avec Rome, frappent d'une aigle leur blason.

L'aigle héraldique figure, depuis, sur de nombreuses armoiries, dont celles de la Pologne et de la Russie. En France, les aigles de la Grande Armée de Napoléon Ier sont restées célèbres.


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EMPIRE INCA

 

 

 

 

 

Empire inca

Cet article fait partie du dossier consacré aux grandes découvertes.
Empire de l'Amérique précolombienne, qui s'étendait depuis le sud de la Colombie jusqu'au río Maule au Chili, et à l'est jusqu'à la forêt amazonienne.
HISTOIRE

Introduction

Les Incas considéraient Ayar Manco, ou Manco Cápac, comme le premier des douze ou treize souverains de leur dynastie ; il aurait régné vers le xiie s. De ce règne jusqu’à celui d’Atahualpa, vaincu en 1532 par le conquistador espagnol Francisco Pizarro, l’Empire inca étendit son pouvoir sur une vaste région de l'Amérique andine. L'une des grandes singularités de cet Empire, né dans la région de Cuzco, dans le Sud du Pérou, fut d'avoir intégré, dans une organisation étatique originale, la multiplicité socioculturelle des populations hétérogènes qui le composaient. Constitué en un peu moins d'un siècle, cet Empire – le Tahuantinsuyu, ou empire des Quatre Quartiers – s'étendait au moment de son apogée, à la fin du xve s., sur un territoire de 950 000 km2. Cuzco était son centre symbolique.
Les Incas n'étaient à l'origine qu'une des nombreuses tribus qui peuplaient le Pérou. Vers l'an 1000 après J.-C., après la chute des empires de Huari et de Tiahuanaco, ces tribus se regroupèrent en confédérations, parfois structurées en royaumes, et se développèrent comme autant de petites puissances régionales, qui s'affrontaient dans des guerres locales et entretenaient un état de conflit quasi permanent dans les Andes centrales. Les Incas s'associèrent à trois peuples voisins pour former la confédération de Cuzco, dont ils prirent le contrôle pour devenir l'une des principales puissances du sud du Pérou.
Un peuple conquérant

Mythes et légendes

Manco Cápac Ier
L'époque qui précède l'expansion de l'Empire est relatée dans les mythes d'origine, qui content la pérégrination des quatre frères Ayar, depuis la « grotte du devenir », Pacari-tampu (Paqarina), jusqu'à Cuzco. Issus du Soleil, Inti, qui va occuper une place prépondérante dans la religion officielle du futur Empire, les quatre frères, chacun à la tête de son clan, se seraient dirigés dans la vallée de Cuzco, fondant un village à chacune de leurs haltes jusqu'au jour où Ayar Manco, après s'être débarrassé de ses frères, resta seul chef de la migration. Au terme de ce voyage, il s'établit dans la vallée de Cuzco, où il fonda l'État inca, dont il devint le premier souverain sous le nom de Manco Cápac. Après lui se succédèrent sept Incas également légendaires – Sinchi Roca, Lloque Yupanqui, Mayta Cápac, Cápac Yupanqui, Inca Roca, Yáhuar Huácac et Viracocha – dont les premiers se contentèrent, pour affirmer leur domination, du pillage résultant d'escarmouches avec les peuples voisins; aucun d'entre eux ne paraît avoir été animé de l'esprit de conquête qui se manifesta, au xive s., sous le règne du septième Inca, Yáhuar Huácac : à cette époque, les Incas imposèrent par les armes leur pouvoir à tous les autres peuples de la vallée de Cuzco.

Mama Ocllo
Cette situation se trouva encore renforcée dès l'accession au pouvoir, au début du xve s., de Viracocha, successeur de Yáhuar Huácac, et dernier des souverains légendaires. Toutefois, sur ses vieux jours, Viracocha ne parvint pas à contenir l'expansion d'un autre peuple de la Cordillère centrale du Pérou, les Chancas ; en 1438, ces derniers, après avoir établi leur domination sur les Quechuas, groupe établi entre les territoires chanca et inca, tentèrent d'envahir la région de Cuzco. Devant cette menace, Viracocha dut abandonner Cuzco et s'enfuir avec son fils Urco.
Extension de l’empire

Mais un autre de ses fils, Cusi Yupanqui, rassembla les troupes incas et parvint à défaire les envahisseurs sous les murs mêmes de la capitale. Cusi Yupanqui s'empara alors du pouvoir, se fit proclamer Inca sous le nom de Pachacútec (« le Réformateur du monde »), envahit le territoire des Chancas avec l'aide de son fils, Túpac Yupanqui, puis, après avoir écrasé les Collas du bassin du Titicaca, transforma l'État inca en l'une des plus grandes puissances andines. Dès lors, de 1438 à 1471, l'Empire n'allait cesser de s'étendre en développant une politique souvent présentée comme l'accomplissement du destin civilisateur des Incas. Certaines conquêtes furent effectuées au prix de guerres sanglantes, d'autres se firent par des alliances obtenues sous la menace ou par la séduction. Les chefs des autres peuples préféraient entrer de leur plein gré dans l'Empire avant d'être vaincus, capturés, tués ou dépossédés du pouvoir par les troupes incas, réputées quasi invincibles.
Vers 1471, après avoir organisé l'État, bâti sa capitale et mené de grandes guerres, Pachacútec céda le pouvoir à son fils Túpac Yupanqui. Le nouvel Inca demeura fidèle à la volonté d'expansion qui avait caractérisé le règne de son père. Au nord, il soumit les Cañars pour étendre sa domination sur la presque totalité de l'actuel Équateur ; le royaume des Chimus tomba entre ses mains et, avec lui, toute la côte jusqu'à Lima ; au sud, malgré la vaillante résistance des guerriers Araucans, Túpac Yupanqui recula les frontières de l'Empire jusqu'au río Maule, en plein territoire chilien.
Chute de l’empire

Huayna Cápac, qui lui succéda en 1493, ne fit que consolider ce vaste empire en réprimant les révoltes qui éclatèrent çà et là. Il mourut en 1527, l'année même où Francisco Pizarro, débarquant pour la première fois à Tumbes, découvrait le royaume des Incas. À sa troisième expédition, quatre ans après, Pizarro trouva le Pérou en proie à une grave crise intérieure : à la mort de Huayna Cápac, une lutte de succession s'était ouverte entre deux de ses fils, Huáscar et Atahualpa. Ce dernier, après avoir vaincu les troupes de Huáscar, venait de prendre le pouvoir. Le 15 novembre 1532, Pizarro et la poignée d'hommes qu'il avait sous ses ordres parvenaient sans encombre à Cajamarca ; dès le lendemain, ils préparèrent la capture d'Atahualpa. L'Inca fut pris dans un guet-apens et fait prisonnier. La défaite de ses armées, sa mise à mort moins d'un an plus tard, le 29 août 1533, en dépit du versement d'une immense rançon, marquèrent l'écroulement définitif de l'Empire inca. Le Pérou devint la vice-royauté de Nouvelle-Castille, et Lima la nouvelle capitale en 1535. Malgré plusieurs tentatives désespérées pour secouer la domination espagnole, la puissance inca ne se relèvera plus : en 1572, le vice-roi, Francisco de Toledo, ordonna la capture et l'exécution de Túpac Amaru, fils du dernier souverain inca.
Une société rigide soumise à l’Inca

L’élite

Au sommet de la pyramide sociopolitique se trouvait le souverain, le Sapa Inca, c'est-à-dire « seul Inca », le fils du Soleil, qui régnait en maître absolu : le pouvoir était centralisé et d'origine divine. Toute une élite dirigeante, formée principalement des lignages des souverains antérieurs, les panaqas impériaux, gravitait autour de l'empereur. Cette noblesse de naissance occupait les plus hautes fonctions administratives, militaires et religieuses. Toutefois, le pouvoir n'était pas réservé à ces seuls dignitaires. En effet, les chefs locaux (curacas) continuaient d'exercer leur autorité, tant qu'ils restaient fidèles au souverain et se soumettaient à la tutelle impériale ; ils n'étaient destitués que s'ils étaient défaits militairement ou s'ils résistaient à la conquête inca.
Le peuple

Tous les sujets adultes valides étaient tenus de fournir à l'État des prestations de travail. Ainsi, divers travaux agricoles, domestiques ou artisanaux, comme le tissage, étaient accomplis au bénéfice de l'État, qui ne percevait, en revanche, ni impôts ni tributs sous forme de biens. Elles formaient l'essentiel des sujets, les hatun-runas, qui continuaient d'appartenir à leurs groupes ethniques et culturels selon des liens et des rapports sociaux bien établis. Ces classes comprenaient les paysans, les agriculteurs et les pasteurs de la côte et des montagnes. Le long de la côte, il existait d'autres classes, notamment celle des artisans, celle des pêcheurs et celle des marins.
Les déclassés

Les yanas faisaient partie d'une caste servile et n'avaient pas une situation déterminée dans la tradition andine : en perdant leur statut d'appartenance à leur groupe d'origine, même si leurs occupations n'étaient ni serviles ni subalternes (ils étaient au service de la noblesse), ils se retrouvaient en marge de l'Empire. Malgré tout, l'empereur les autorisait à conserver quelques biens. Les pinas, qui ne figurent pas dans l'organisation hiérarchique officielle de la société inca, se trouvent au bas de l'échelle sociale : ce sont les prisonniers de guerre, aux fonctions et au statut imprécis.
La place des femmes

Il existait aussi des catégories strictement féminines, qui correspondaient aux mamaconas et aux aqllas, souvent appelées « femmes choisies ». Les femmes de la noblesse étaient désignées pour diverses fonctions du culte, les femmes d'une beauté exceptionnelle étaient choisies pour devenir les épouses secondaires de l'Inca ou des principaux chefs militaires, alors que les autres étaient offertes comme épouses par le souverain à des chefs de rang inférieur. Enfin, certaines femmes remplissaient le rôle de servantes pour la cour impériale, les hauts dignitaires, le clergé et le culte.
Les « ayllu », pièce maîtresse de l’organisation sociale

La domination inca s'appuyait sur la division de l'empire en petites communautés, les ayllu, composées d'un groupe de familles qui se réclamaient d'un ancêtre commun. Les membres des différentes familles d'un ayllu se mariaient généralement entre eux. Ces unions perpétuaient moins un clan qu'un vaste lignage patrilinéaire, dont la cohérence était encore assurée par la possession commune de terres cultivables. S'opposant à l'aspect égalitaire et démocratique de ces communautés, les curacas, établis dans leur fonction par l'Inca, exerçaient en son nom, au sein des ayllu, une autorité qui s'étendait parfois sur plusieurs d'entre elles. La prospérité des ayllu tenait à une intense activité dans les domaines de l'élevage et de l'agriculture. Les travaux agricoles étaient favorisés par une grande variété de microclimats répartis entre les vallées ensoleillées de la côte et les terrasses construites en altitude à flanc de montagnes. Ils se développèrent sur des terres rendues fertiles grâce à un apport massif de guano depuis les côtes et grâce à l'aménagement d'un immense réseau de canaux d'irrigation.
L'extension de l'aire agricole dans un pays comme le Pérou impliqua, de la part des Incas, d'énormes travaux. Or, on sait qu'ils ignoraient aussi bien la roue que l'outillage de fer. On s'interroge sur la disproportion entre le nombre considérable de larges routes, solidement empierrées, et leur utilisation, le lama étant l'unique bête de somme. Si la pomme de terre était la nourriture indigène de base, le maïs constituait l'aliment noble par excellence. Le riz des montagnes (la quinoa), très résistant aux gelées, nourrissait également une grande partie de la population qui, au niveau des terres chaudes, trouvait sa subsistance dans le manioc, les haricots, les fèves, les patates douces, les courges, les tomates et les piments. Sur les hauts plateaux, où l'agriculture se révélait très difficile, les habitants menaient une existence exclusivement pastorale, élevant des troupeaux de lamas et d'alpacas pour la viande et la laine.
Une économie contrôlée par l’Inca

L'Inca faisait exercer un contrôle rigoureux sur l'élevage et les produits de la terre ; ceux-ci étaient distribués après le prélèvement des parts qui revenaient au souverain, aux seigneurs, au dieu-Soleil et aux greniers de l'État, ou tampu, qui constituaient à la fois les stocks d'une intendance militaire et des réserves en cas de famine.
L'Inca imposait également sa loi sur le commerce, qui restait toutefois peu développé. L'or et l'argent ne possédaient de valeur qu'en tant que matériaux réservés à la fabrication des ornements et des objets rituels. Dès qu'il s'agissait de compter, les Incas, qui ignoraient l'écriture et la monnaie, utilisaient le quipu, sorte de cordelette à nœuds dont l'usage était basé sur la numérotation décimale. Le quipu servait en outre à une certaine catégorie de fonctionnaires, les quipu kamayoc, chargés par les gouverneurs de recenser la population.
L'artisanat ne jouait pas un grand rôle dans la vie économique. Les artisans représentaient toutefois un groupe social mieux considéré que les agriculteurs, voués au despotisme de la caste dirigeante.
Une religion omniprésente

Inti

La religion tenait une place prépondérante dans la culture. Le Soleil, Inti, apparaît comme la divinité tutélaire ; le culte qui lui était voué le distinguait des autres puissances divines traditionnellement vénérées dans les Andes en ce qu'il était étendu à tout l'Empire. Pachacámac était l'un des principaux lieux de cérémonie de la côte centrale du Pérou, où des monuments étaient érigés à la gloire du dieu-Soleil. Sa représentation, le punchao, consistait en une statue en or de forme humaine, surmontée d'un disque en or, et conservée à Cuzco dans le Coricancha, le célèbre temple du Soleil, qu'aucun autre édifice religieux inca ne surpassa en force majestueuse. Une importante fête, l'Inti Raymi, fixée au solstice de juin, était dédiée au dieu et constituait l'une des principales dates du calendrier inca.
Le culte rendu à l'Inti, dieu du Soleil et fondateur de la dynastie, tendit bientôt à se confondre avec celui de l'Inca lui-même. La construction de temples ériges en l'honneur d'Inti revêtait un caractère politique en même temps que religieux. Par-delà les pratiques naturistes, fétichistes, animistes des peuples sous domination inca, elle permettait de renforcer l'unité du royaume. Les divinités des peuples soumis, loin d'être en butte à l'hostilité des Incas, ont été intégrées là leur panthéon.
Viracocha

Au sein de la hiérarchie cléricale, le prestige qui s'attachait aux prêtres du culte de l'Inti était inégalable. L'influence croissante de ces religieux sur les affaires de l'État n'est peut-être pas étrangère à la décision de l'inca Pachacutec d'instaurer, parallèlement au culte du Soleil, un autre culte, celui de Viracocha (le Créateur) ; la divinité solaire se trouveant reléguée au rang de simple créature engendrée par l'Être suprême. Les origines de ce « nouveau » dieu se confondent avec les très nombreux mythes amérindiens d'une divinité supérieure (« l'Ancien », le « Vieux du ciel », etc.), génératrice du monde où elle instaure le premier ordre civilisateur.
Viracocha créa d'abord le ciel, et la terre peuplée d'une humanité qui vivait dans les ténèbres. Pour l'expiation d'une faute mystérieuse, il métamorphosa les premiers hommes en statues de pierre. Dans une seconde manifestation, le dieu, sorti du lac Titicaca, inventa le Soleil, la Lumière, la Lune et les Étoiles, sculpta dans le roc les ancêtres du genre humain, assignant à chacun une portion de territoire où il devait se rendre. Son œuvre achevée, l'Être suprême, ayant jeté son manteau à la surface de la mer, s'éloigna en direction du soleil couchant. Les plus graves défectuosités de la nature s'expliquent par la présence d'un personnage maléfique aux côtés du dieu : Taguapica, fils méchant et perpétuel contradicteur de son père, s'est appliqué à détériorer le monde au fur et à mesure que Viracocha le créait.
L'Être suprême relevait d'une théologie qui concernait avant tout le clergé, les seigneurs et l'entourage immédiat de l'inca. Par ailleurs, un culte particulier était rendu à la Lune (Killa), considérée comme sœur et épouse du Soleil, et à des constellations comme les Pléiades, et des phénomènes tels que le tonnerre, l'éclair (Illapa), ou la foudre étaient également des divinités honorées.
Un peuple d’une grande piété

La Terre, Pacha Mama, participait du monde religieux, comme en témoignent les libations et les offrandes à la terre nourricière. Dans de nombreux sites incas, il reste encore les circuits de distribution de l'eau taillés dans la roche, dont la complexité montre le degré d'évolution de la société inca. Enfin, il existait une vénération particulière pour les éléments naturels, étranges ou remarquables. Des rochers ou des grottes, considérés comme sacrés et désignés sous le terme général de huacas, faisaient l'objet d'un culte religieux, de même que certaines montagnes, les apus. De nos jours, ces croyances traditionnelles, mêlées à la religion chrétienne, sont encore vivaces chez les populations andines.
La piété du peuple inca s'exerçait surtout envers une foule d'objets ou de lieux (les huacacs) qui pouvaient devenir sacrés dès qu'un lien apparaissait entre eux et le chef suprême de l'empire (le fait par exemple, que telle maison ait abrité plusieurs jours la personne de l'inca). Les conopas, fétiches individuels de petite taille, se voyaient attribuer un pouvoir protecteur.
Dans le déroulement de la vie quotidienne inca, une grande place était réservée aux fêtes religieuses. Les plus importantes célébraient le retour d'un événement capital : solstice, moisson, récolte, etc. Quelques-unes, dont celle qui accompagnait l'intronisation d'un nouvel inca, impliquaient des sacrifices humains. S'ils ne revêtaient pas l'ampleur atroce des sacrifices aztèques, ils n'en consistaient pas moins à immoler des enfants en bas âge et des jeunes filles. On prélevait un certain nombre d'entre elles parmi les aclla-cuna (femmes choisies), autrement dit les « Vierges du soleil », qui, enlevées dès l'enfance à leur famille, vivaient enfermées dans des couvents ; le plus célèbre, celui de Cuzco, abritait près de quinze cents femmes. Là, sous l'autorité des plus anciennes (les mama-aclla), celles qui ne devenaient pas les concubines de l'inca étaient occupées au tissage des vêtements de cérémonie ou au brassage d'une sorte de bière à base de maïs, la chicha.
Enfin, le pouvoir et la religion étaient étroitement liés. Si l'ethnie se rattachait au dieu-Soleil par son mythe d'origine, les derniers souverains incas finirent par être perçus comme son incarnation sur la Terre, associant ainsi la religion officielle au projet politique de l'Empire. Le respect des morts ainsi que les rites rendus aux souverains défunts étaient très importants. Les momies des empereurs étaient placées dans le Coricancha, auprès de l'image du Soleil. Le lignage de chaque souverain défunt était tenu d'assurer les rites, et, tous les ans en novembre, le jour d'ayarmaca, jour du culte des morts, les momies étaient sorties en procession sur des litières portées à bras dans les rues de la capitale.
Toutefois, les Incas surent ménager les croyances religieuses propres aux groupes culturels intégrés à l'Empire. Ils laissèrent ainsi largement survivre des religions et des cultes aux côtés de la religion officielle impériale.
L'ART INCA

Une architecture exceptionnelle

L'expansion de l'Empire (vers 1438) coïncide avec un remarquable essor de l'architecture. Les vestiges les plus remarquables de la maçonnerie inca proprement dite se trouvent à Cuzco. Les constructions édifiées en pierres colossales – elles présentent des analogies avec l'architecture mycénienne – comptent au nombre des plus remarquables réalisations des Incas. Presque dépourvue d'armements, composée d'appareils divers, comportant des murs généralement inclinés vers l'intérieur, cette architecture est à l'image de ce peuple vigoureux et discipliné. La sobriété des constructions et des édifices s'allie à la virtuosité technique de la taille de la pierre et de la mise en place de blocs, le plus souvent polygonaux, parfaitement ajustés les uns aux autres.
La forteresse de Sacsahuaman constitue le plus bel exemple de la maîtrise des bâtisseurs incas. Un nombre considérable de blocs « cyclopéens », pesant plusieurs tonnes chacun, a été utilisé pour la construction de sa triple enceinte. L'ensemble, où voisinent plusieurs styles, comportait non seulement des tours, mais aussi, à l'intérieur de la forteresse, un temple du Soleil, une résidence pour l'inca entourée de maisons formant une véritable petite ville. Des gradins sont aménagés dans le centre cérémoniel, où prennent place le monarque et sa cour lors de fastueuses cérémonies, véritables feux d'artifices d'or, d'argent, de costumes aux couleurs vives et de plumages éclatants ravis aux oiseaux peuplant les abords de la forêt amazonienne.


Les bâtiments de Cuzco, aussi bien que ceux des cités construites sur les hauts plateaux comme Machu Picchu (découverte en 1912) ou Ollantaytambo, possèdent des portes et des fenêtres dont la forme trapézoïdale est très caractéristique. Tous ces sites impériaux qui servaient, par leur ampleur et leur solidité, la puissance et la stabilité du pouvoir, furent construits par une main-d'œuvre spécialisée aidée par d'innombrables ouvriers temporaires.
Une littérature orale

Le quechua, ou runa-simi, était la langue la plus courante dans l'Empire et fut largement diffusée. Il y avait trois autres langues principales : le puquina, le yunga et l'aymara, sans compter un grand nombre de langues et de dialectes régionaux. Aucune de ces langues vernaculaires n'était écrite, mais des transcriptions postérieures à la conquête espagnole ont permis de recueillir en partie les littératures orales, riches de plusieurs modes d'expression artistique : des poèmes, des chants, des élégies, ainsi que des légendes et des mythes. La musique et la danse complétaient cet ensemble : elles accompagnaient les fêtes religieuses et officielles, les réjouissances populaires, de même que certains moments de la vie quotidienne.
Les arts décoratifs

Il règne une certaine sobriété sur les objets décoratifs incas. Fabriquée sans tour, leur céramique est ornée de motifs géométriques ; un aryballe à anse en étrier est l'une des formes typiques ainsi que le kero de bois, gobelet cylindrique ou légèrement évasé. Ils maîtrisaient parfaitement la métallurgie de l'or, de l'argent, du cuivre et de l'étain, avec lesquels ils réalisaient divers alliages. Mais il ne reste que peu de pièces d’orfèvrerie : les conquistadores pillèrent les trésors faits d'idoles, de bijoux, d'ornements et d'objets somptuaires, qu'ils fondirent pour récupérer les métaux précieux. Production quasi industrielle, le tissage est de belle qualité, mais sa décoration géométrique assez monotone. La sculpture sur pierre se caractérise surtout par de petits objets votifs, les conopas, représentant souvent des lamas et des alpagas. De grands récipients de pierre, qui servaient de bassins rituels, comportent aussi des animaux sculptés. Quelques représentations de serpents se trouvent sculptées, en léger relief, sur certains murs incas. De la sculpture en ronde bosse, exceptionnelle, il ne reste que de très rares effigies humaines, sans doute des empereurs, et quelques sculptures animales. La sculpture sur bois concerne surtout des objets cérémoniels : vases gravés ou peints (qeros), récipients spécifiques employés pour les libations (paqchas).

 

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BURUNDI

 

Burundi
anciennement Urundi


Nom officiel : République du Burundi
Carton de situation - BurundiDrapeau du Burundi

Burundi - Rwanda
État d'Afrique centrale, le Burundi est limité à l'est et au sud par la Tanzanie, au nord par le Rwanda, à l'ouest par la République démocratique du Congo.
Superficie : 28 000 km2
Nombre d'habitants : 10 163 000 (estimation pour 2013)
Nom des habitants : Burundais
Capitale : Bujumbura
Langues : français et kirundi
Monnaie : franc du Burundi
Chef de l'État : Pierre Nkurunziza
Chef du gouvernement : Pierre Nkurunziza
Nature de l'État : république à régime présidentiel
Constitution :
Adoption : 28 février 2005
Entrée en vigueur : 18 mars 2005
Pour en savoir plus : institutions du Burundi


GÉOGRAPHIE

C'est un pays de hauts plateaux, exclusivement agricole, densément peuplé (par les Hutu et les Tutsi).
Le Burundi est situé dans la zone des grands fossés africains, au relief très contrasté. L'altitude y est presque partout supérieure à 1 000 m, expliquant un climat relativement tempéré à une latitude presque équatoriale. À l'ouest du pays s'allonge un fossé d'effondrement, remblayé au nord (plaine de l'Imbo, de 800 à 1 000 m), occupé au sud par le lac Tanganyika (profond de 1 400 m). Ce bassin encaissé est assez chaud et sec : Bujumbura reçoit seulement 840 mm de pluies par an, et la saison sèche dure de mai à septembre. Cette zone basse est dominée par une chaîne qui atteint 2 670 m au mont Heba et sépare les bassins du Congo (dans lequel se déverse le lac Tanganyika par l'intermédiaire de la Lukuga) et du Nil (dont le Burundi possède la source la plus méridionale). Le versant est s'abaisse lentement jusqu'à 1 500 m, en plateaux étages, irréguliers, accidentés par des lignes de crêtes et les vallées des rivières coulant vers le nord-est. Les plateaux s'interrompent au-dessus de régions déprimées, lacustres ou marécageuses : Bugesera au nord-est, Kumoso au sud-est (1 200-1 400 m). Abondantes sur les hauteurs, les précipitations diminuent avec l'altitude et n'atteignent pas 1 100 mm dans la vallée de la Malagarasi. La végétation forestière, qui associe feuillus et conifères, a reculé sous l'action du défrichage et du surpâturage, et ne subsiste que sur les plus hautes terres. L'herbe domine : prairies d'altitude, savanes boisées ; mais on trouve aussi des bambous et surtout des plantations d'eucalyptus.
La densité moyenne de la population, de l'ordre de 300 habitants par km2, y est très élevée. Mais le plateau central, dont le climat tropical, tempéré par l'altitude, permet au moins deux récoltes par an, connaît des densités particulièrement fortes, pouvant dépasser 400 habitants par km2. La population se répartit entre deux groupes, l'un majoritaire, les Hutus, l'autre minoritaire, les Tutsis. Le dynamisme démographique se traduit par une croissance annuelle de 3 % et un indice de fécondité de 4,7 enfants par femme. Le taux d'urbanisation est l'un des plus faibles d'Afrique subsaharienne et concerne à peine 10 % d'une population vivant en habitat dispersé sur les « collines ». Ces aspects démographiques ne sont pas les seuls traits communs aux Burundais : ils parlent la même langue, le kirundi, et sont, à une écrasante majorité (85 %), chrétiens, et plus particulièrement catholiques.
Le pays est pauvre. L'agriculture vivrière domine (manioc, maïs, banane plantain, tubercules, haricots), qu'accompagne un petit élevage de chèvres et de poulets. La pêche dans le lac Tanganyika et dans les lacs intérieurs est active. Les bovins, qui ont joué un rôle historique considérable, sont en régression. Les nécessités de la survie quotidienne, mais aussi l'enclavement du pays font que les cultures d'exportation ne se sont pas développées autant que le permettraient les aptitudes naturelles du pays (le café et le thé du Burundi sont parmi les meilleurs du monde). Le secteur secondaire est représenté par quelques industries de biens de consommation et par des activités « informelles » comme la fabrication de bière et d'alcool de banane ou encore le bâtiment. Ravagée par une guerre civile qui a fait en dix ans plus de 200 000 morts et 15 % de réfugiés hors du pays, l'économie est totalement désorganisée.
HISTOIRE

1. La période précoloniale

Comme au Rwanda voisin, l'histoire du Burundi est marquée par l'existence d'un royaume ancien, préexistant à la période coloniale, et dont les frontières ont été à peu près conservées. Il s'est implanté à partir du xvie siècle ou du xviie siècle sur un territoire peuplé dès le premier millénaire avant J.-C. C'était une monarchie de droit divin, très structurée, peu ouverte sur l'extérieur. Les mwamis (rois) successifs vont élargir le pays par des conquêtes réalisées aux dépens des royaumes voisins et consolider leur pouvoir en s'appuyant sur la caste aristocratique des Baganwas, appartenant souvent à la famille royale. De cette époque date la distinction entre Tutsis, aristocrates éleveurs, et Hutus, agriculteurs. Mais la frontière entre les deux groupes n'est pas étanche : un Hutu acquérant un troupeau devient tutsi.
2. La période coloniale

2.1. La suprématie allemande

Un poste militaire allemand est établi en 1899 à Usumbura (la future Bujumbura) qui va permettre de conquérir un royaume affaibli par des querelles dynastiques et les raids esclavagistes venus de Zanzibar. Le traité de Kiganda, signé le 6 juin 1903 avec le mwami Mwezi Gisabo, consacre la suprématie allemande. Celle-ci est particulièrement brève, puisqu'elle s'effondre en 1916, en pleine Grande Guerre, devant des troupes venues du Congo belge voisin.
2.2. Le Ruanda-Urundi et la création du mythe tutsi

La Société des Nations (SDN) entérine cette situation et mandate la Belgique pour administrer le Ruanda-Urundi, qui va être rattaché au Congo belge en 1925, tout en conservant une certaine autonomie. La colonisation, très dure au début, fait jouer un rôle essentiel aux missions catholiques, qui se sont implantées dans l'ensemble du pays.
L'organisation traditionnelle, maintenue, est affaiblie, et surtout dénaturée. Les Belges favorisent l'aristocratie tutsie, dont on réinvente l'histoire en lui attribuant une origine nilotique plus que discutable. À partir de 1945, la pression de l'ONU conduit le colonisateur à instaurer une certaine démocratisation, qui bénéficie surtout aux Tutsis, dont le principal parti, l'Uprona (Unité pour le progrès national), est fondé par le fils aîné du mwami, le prince Rwagasore.
Le destin du Burundi se sépare alors de celui du Rwanda, où les Hutus s'apprêtent à renverser la monarchie tutsie. La marche vers l'indépendance suit cependant une voie moins mouvementée qu'au Rwanda, malgré l'assassinat, en octobre 1961, du prince Rwagasore, chef du gouvernement. Le royaume du Burundi accède à la souveraineté nationale le 1er juillet 1962.
3. Le Burundi indépendant

3.1. La chute de la royauté

Dans un contexte régional marqué par la violence, le vieux roi Mwambutsa – il règne depuis 1915 – doit faire face à un développement des antagonismes politiques et économiques, qui prennent de plus en plus une forme ethnique. Alors que la Constitution de 1962 en fait un monarque qui règne mais ne gouverne pas (à l'image de la Constitution belge), il s'oppose au gouvernement et à l'Assemblée.
En octobre 1965, une tentative de coup d'État est menée par des officiers hutus, et donne le signal de massacres de Tutsis. La répression ordonnée par le roi est sévère et son image en pâtit. En juillet 1966, Mwambutsa est déposé par son fils, qui prend le nom de Ntaré V. Ce dernier ne reste au pouvoir que cinq mois : il est renversé par le capitaine Michel Micombero le 28 novembre qui proclame la république.
3.2. Les dictatures

Le nouveau chef de l'État, également président du Conseil national de la révolution (CNR), met en place un régime autoritaire, dont les rouages sont placés sous le contrôle des Tutsis et de leur parti, l'Uprona, devenu parti unique. En 1972, l'arrestation puis la mort, dans des conditions obscures, de l'ex-roi Ntaré V contribue à exacerber un climat de violences ethniques qui va durer plus d'un an et faire entre 100 000 et 300 000 morts. Quelque 200 000 Hutus se réfugient en Tanzanie, au Rwanda et au Zaïre.
Michel Micombero est renversé le 1er novembre 1976 par le lieutenant-colonel Jean-Baptiste Bagaza, qui, après avoir tenté de mettre en œuvre une politique de réconciliation nationale, en allégeant notamment les contraintes pesant sur les paysans, s'attaque violemment à la très puissante Église catholique et pratique un pouvoir de plus en plus personnel et policier. Il est à son tour écarté du pouvoir le 3 septembre 1987 par le major Pierre Buyoya, d'origine tutsie.
3.3. Les années Buyoya (1987-1993)

La première décision du nouveau pouvoir est de prendre des mesures d'apaisement dans le conflit avec l'Église, puis, après une nouvelle flambée de violences ethniques en août 1988 (30 000 morts, 60 000 réfugiés), de nommer un Premier ministre et des ministres hutus. Pierre Buyoya acquiert de ce fait une réputation de dirigeant modéré, que vient confirmer, à partir de 1990, son acceptation loyale de nouvelles règles du jeu démocratiques.
La Constitution de 1992 établit la séparation des pouvoirs et restaure le multipartisme. Des élections présidentielles sont organisées le 1er juin 1993 et donnent la victoire à Melchior Ndadaye, candidat du Front pour la démocratie au Burundi (Frodebu), à dominante hutue. P. Buyoya se retire, respectant la décision des urnes.
3.4. La guerre civile (1993-2001)

Son attitude n'est malheureusement pas suivie par la majorité des cadres tutsis qui dirigent l'armée. Une première tentative de coup d'État a lieu dès le début de juillet 1993. Une seconde, lancée le 21 octobre, n'aboutit pas non plus à restaurer le pouvoir tutsi, mais s'accompagne de l'assassinat du président Ndadaye. Une flambée de violences embrase alors le pays, faisant à nouveau des dizaines de milliers de morts et poussant des dizaines de milliers de Burundais sur la route de l'exil. Des responsables politiques hutus, entrés en clandestinité, prennent les armes et fondent en septembre 1994 le Conseil national pour la défense de la démocratie (CNDD) qui, avec sa branche armée les Forces de défense de la démocratie (FDD), est appelé à devenir la principale rébellion burundaise. Celle-ci, cependant est bientôt en proie aux dissensions et aux exclusions qui donneront naissance à deux factions rivales principales : le CNDD présidé par Léonard Nyangoma, l’un de ses fondateurs et chefs historiques, et le CNDD-FDD de Pierre Nkurunziza, qui s’imposera.
Le drame connaît d'autres épisodes. Le nouveau président, Cyprien Ntaryamira (Frodebu), élu en janvier 1994, est tué le 6 avril suivant dans l'attentat qui coûte aussi la vie au président rwandais Habyarimana, dont l'avion est abattu au-dessus de l'aérodrome de Kigali. Son successeur, Sylvestre Ntibantuganya (Hutu et membre du Frodebu), ne parvient pas à affirmer son autorité face aux extrémistes des deux camps ni à ramener le calme dans le pays ; il est renversé le 25 juillet 1996 par les militaires tutsis.
Ces derniers choisissent de porter à la tête de l'État l'ex-président P. Buyoya, dont ils espèrent que la bonne image rassurera l'opinion internationale. Il n'en est rien : les pays de la région (Zaïre [devenu République démocratique du Congo], Kenya, Rwanda, Ouganda, Tanzanie, Éthiopie, Érythrée, Zambie) décrètent un embargo contre le Burundi (il sera assoupli en 1997 et finalement levé en 1999), et l'OUA comme l'ONU condamnent le putsch.
La situation intérieure se radicalise. L'opposition légale boycotte les initiatives du président, et une puissante rébellion armée hutue – en liaison avec les milices rwandaises Interahamwe, responsables du génocide de 1994 – mène d'impitoyables raids dans le pays, entraînant une aggravation de la répression par l'armée et la mise en place, à partir de 1996, par les autorités burundaises d'une politique systématique de regroupement dans des camps, où sont retenus quelque 500 000 paysans hutus arrachés à leur terre dans le but de priver la rébellion de soutien populaire.
Avec le changement de pouvoir survenu à Kinshasa en mai 1997, la rébellion hutue burundaise perd une base arrière dans la province ex-zaïroise du Sud-Kivu, mais elle en trouve une autre en Tanzanie, où 200 000 Hutus se sont réfugiés. Cette alliance suscite de nouvelles tensions entre le Burundi et la Tanzanie, Bujumbura accusant Dar es-Salaam de soutenir la rébellion hutue contre l'armée burundaise. En octobre 1997, des incidents armés éclatent à la frontière burundo-tanzanienne. Le gouvernement tanzanien tente, pour sa part, d'amener le régime du major P. Buyoya à négocier avec les mouvements hutus, qui, en janvier 1998, mènent une attaque meurtrière contre l'aéroport de Bujumbura.
Le 15 juin 1998, des pourparlers de paix interburundais, réunissant le gouvernement, l'opposition hutue et tutsie ainsi que trois mouvements de la rébellion hutue, s'ouvrent à Arusha sous la médiation de l'ex-président tanzanien, Julius Nyerere. Un cessez-le-feu est signé le 21 juin 1998 par 17 factions rebelles. Depuis juin 1999, il est constamment violé dans la région de Bujumbura où sont organisées de nouvelles opérations de regroupement dans des camps : 800 000 paysans hutus, dont 350 000 autour de la capitale, ont été « regroupés ».
3.5. Les accords d'Arusha

Un nouveau cycle de négociations est ouvert à Arusha en février 2000 par l'ancien président sud-africain Nelson Mandela, désigné médiateur à la suite du décès de J. Nyerere survenu en octobre 1999. Treize des dix-neuf parties impliquées signent, le 28 août 2000, un accord de paix et de réconciliation. Toutefois, en l'absence de cessez-le-feu, les branches armées des parties non signataires de l'accord poursuivent les combats.
Il faut attendre le 10 juillet 2001 pour qu'intervienne un nouvel accord sur l'organisation de la période de transition. Celle-ci prévoit deux périodes de dix-huit mois et une alternance au sommet du pouvoir entre un président tutsi et un président hutu à l'issue de la première période. Elle commence officiellement le 1er novembre 2001 sous la direction d'un président tutsi, P. Buyoya, et d'un vice-président hutu, D. Ndayizeye. En vertu de cet accord, un gouvernement de transition et d'union nationale est mis en place : sur 26 ministres, 14 sont issus de partis dominés par les Hutus, 12 de partis dominés par les Tutsis.
Le 3 décembre 2002, un accord de cessez-le-feu est signé entre P. Buyoya et le CNDD-FDD de Pierre Nkurunziza. Les Forces nationales de libération (FNL), deuxième mouvement rebelle hutu, refusent de s'associer à l'accord et poursuivent leur guérilla.
3.6. Première alternance pacifique

En vertu des accords de paix d'Arusha, P. Buyoya cède le 30 avril 2003 le pouvoir au vice-président hutu D. Ndayizeye : ce dernier assume la phase transitoire au cours des 18 mois suivants. Les FNL, restées en marge du processus de paix et identifiant le gouvernement hutu comme leur principal obstacle vers le pouvoir, exigent sa démission et reprennent en juillet leur offensive sur Bujumbura. En revanche, les FDD de P. Nkurunziza signent (novembre 2003) avec le gouvernement un accord de paix « global » qui prévoit leur participation au gouvernement après leur transformation en parti politique et leur intégration dans l'armée régulière ; cette dernière clause est l'une des plus délicates du processus de paix, la direction de l'armée étant à la fois un monopole des Tutsis, une source de prébendes, mais aussi une garantie ultime pour cette ethnie.
Afin de sécuriser cette phase décisive du processus de paix, la Mission des Nations unies au Burundi (MONUB), forte de 5 650 Casques bleus, remplace, en juin 2004, la force de protection africaine qui, grâce au déploiement de ses 2 700 soldats, a permis depuis la fin de l'année 2003, une relative pacification du pays.
Une étape importante du processus de transition est franchie le 6 août 2004 avec la signature d'un accord de partage du pouvoir entre Hutus et Tutsis dans les futures institutions de l'État à la fin de la période de transition prévue le 31 octobre. Cependant, ni l'Uprona, ni les FNL ne signent l'accord, et le massacre de 160 réfugiés banyamulenges (Tutsis rwandophones de la République démocratique du Congo), perpétré le même mois par des FNL avec le soutien de rebelles congolais et d'extrémistes hutus rwandais dans le camp de Gatumba, attise les tensions interethniques et constitue un sérieux revers pour le processus de paix.
En février 2005, les Burundais sont appelés à approuver par référendum une nouvelle Constitution, répartissant plus équitablement le pouvoir entre les deux principales ethnies. Cette consultation entame une série de scrutins destinés à renouveler entièrement les institutions du pays et à mettre un terme définitif à la guerre civile. L'ancienne rébellion hutue, les FDD de P. Nkurunziza, représentée par son aile politique, s'impose dès lors comme l'un des principaux acteurs politiques en obtenant la majorité absolue aux élections communales du 5 juin 2005, avec 62,9 % des voix, contre 20,5 % pour le Frodebu et seulement 5,3 % pour l'Uprona. Le CNDD-FDD, majoritairement hutu, dispose désormais de la majorité absolue dans 11 des 17 provinces du pays. Il remporte également les élections législatives et sénatoriales et sa victoire est couronnée, le 19 août 2005, par l'élection de P. Nkurunziza, à la présidence de la République par le Parlement.
En mars 2007, l'arrestation de Hussein Radjabu, ex-leader du CNDD-FDD, provoque une crise institutionnelle : à la suite de l'entrée en dissidence d'une vingtaine de députés CNDD-FDD, privant le chef de l'État de sa majorité à l'Assemblée nationale, le Frodebu s'en retire également. Menacé de destitution, le président Nkurunziza remanie le 13 juillet le gouvernement, aussitôt contesté par l'Uprona et le Frodebu. Finalement, le 14 novembre est mis en place un nouveau gouvernement d'union nationale, incluant des membres du Frodebu et de l'Uprona. Le Burundi rejoint, avec le Rwanda, la Communauté est-africaine (EAC, qui regroupe l’Ouganda, le Kenya et la Tanzanie) en juin 2007.
L'accord global de cessez-le-feu, signé en septembre 2006, entre le gouvernement burundais et le dernier groupe armé rebelle – le parti pour la libération du peuple hutu-Forces nationales de libération (Palipehutu-FNL) – permet de ramener une paix relative. Après de nombreux blocages, le 4 décembre 2008, le Palipehutu-FNL renonce à son appellation et son chef, Agathon Rwasa, accepte de rassembler ses combattants afin d'entamer leur désarmement et leur démobilisation. En avril 2009, après l'intégration d'une partie de leurs hommes dans l'armée et la police nationale, les FNL ont définitivement renoncé aux armes et se sont transformées en parti politique.
Le 28 juin 2010, le président sortant P. Nkurunziza remporte aisément la première élection présidentielle au suffrage universel direct avec 91,6 % des voix (taux de participation : 77 %). Mais le retrait des six candidats de l'opposition qui contestent la victoire du CNDD-FDD lors des élections communales du 24 mai, entachées selon eux de fraudes massives, rend sa victoire toute relative. La vague de violences qui a fait 12 morts et plus de 70 blessés témoigne de la fragilité de la situation. En juillet, le CNDD-FDD remporte les élections législatives également boycottées par la plupart des partis d’opposition qui tentent par la suite de se fédérer au sein de l’Alliance démocratique pour le changement (ADC-Ikibiri). La situation sociale et politique se détériore au cours des années suivantes malgré la médiation des Nations unies et de l’ONG « Initiatives et Changement » (notamment en 2012) en vue de faciliter le dialogue entre le pouvoir et l’opposition. La dérive autoritaire du régime marquée par des atteintes à la liberté d’expression et à l’indépendance de la justice, s’accompagne ainsi de la reprise sporadique de la violence politique, la politique de restitution des terres aux quelque 550 000 réfugiés rapatriés de Tanzanie tendant par ailleurs à réactiver les oppositions à connotation ethnique.
3.7. Les échéances électorales de 2015 et la montée des tensions

La mise en œuvre consensuelle des accords d’Arusha et la préparation des échéances électorales de 2015 s’avèrent un échec. À partir de la fin avril 2015, la décision du président sortant de se représenter à l’élection présidentielle prévue en juin provoque d’importantes manifestations à l’appel du collectif « Halte au troisième mandat », regroupant, au-delà du clivage ethnique, de très nombreuses associations de la société civile et deux centrales syndicales. Le report des élections législatives et communales est également exigé.
L’opposition politique se joint à la contestation au sein du mouvement Arusha. Celle-ci reste cependant toujours très divisée, affaiblie par les pressions et manœuvres exercées par le pouvoir, ainsi que par les ambitions personnelles.
Certains de ses chefs, comme Léonard Nyangoma (président du CNDD oppositionnel, réfugié en Belgique depuis 2010), sont encore en exil, tandis que les grandes formations sont toujours en proie aux rivalités : malgré une volonté de réunification, le Frodebu est scindé depuis 2008 entre la fraction Sahwanya Frodebu de Léonce Ngendakumana et le Frodebu-Nyakuri de Jean Minani ; au sein de l’Uprona, la nouvelle direction s’oppose à Charles Nditije depuis l’éviction de ce dernier (par le ministère de l’Intérieur) de la présidence du parti en 2014. Il en est de même des FNL, partagées entre une aile officielle reconnue par le pouvoir et celle menée par son chef historique, Agathon Rwasa. Ces deux derniers leaders semblent toutefois prêts à s’allier.
La situation politique se détériore au fil des semaines avec l’accentuation de la dérive autoritaire du président, la menace d’une ethnicisation du conflit entretenue par le cercle présidentiel et de violents affrontements entre forces de sécurité et manifestants qui font plusieurs morts à Bujumbura. Tandis que la Ligue des jeunes du CNDD-FDD (Imbonerakure) est accusée de s’être constituée en milice armée suspectée de commettre des exactions et d’intimider la population, des milliers de Burundais, craignant la renaissance des violences passées, commencent à fuir le pays.
Pendant que les chefs d’États de la région se réunissent le 13 mai en Tanzanie avec P. Nkurunziza pour tenter de trouver une issue à la crise, une tentative de putsch avortée orchestrée par le général Godefroid Niyombare (ex-chef d’état-major, ex-responsable des services de renseignement et ancien allié du président) révèle les fissures au sein du régime et la gravité des dissensions.
À la fin du mois, un nouveau sommet à Dar es Salam se conclut par un appel au dialogue, une exigence réitérée à l’issue d’un sommet de l'UA les 14-15 juin à Johannesburg. Ne voulant rien céder quant au calendrier électoral et la candidature du président sortant, le pouvoir s’engage dans une épreuve de force avec l’opposition dont la plupart des formations boycottent de nouveau les élections législatives, communales (29 juin) et présidentielle (21 juillet) organisées dans des conditions vivement critiquées notamment par l’ONU, l'UE et par la mission d’observation de la Communauté est-africaine.
La réélection de P. Nkurunziza avec 69,41 % des voix, devant A. Rwasa, seul opposant ayant accepté de maintenir sa candidature, est contestée par ce dernier qui accepte cependant de siéger à l'Assemblée dont il est élu vice-président dans l'attente d’une reprise des négociations. Cette décision, considérée par certains comme un ralliement au régime, accentue les divisions au sein de l’opposition qui se réunit pourtant à Addis Abeba pour tenter de se fédérer au sein d’un Conseil national pour le respect de l'accord d'Arusha et la restauration d'un État de droit au Burundi (Rnarec) dont la présidence est confiée à L. Nyangoma.
L’assassinat dans un attentat, le 2 août, du général Adolphe Nshimirimana, chef redouté de la sécurité intérieure et considéré comme le bras droit du président, suivi de celui d’un ancien chef d'état-major de l'armée burundaise, aggrave de plus belle les tensions faisant craindre une reprise de la guerre civile.

 

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LE JAPON - HISTOIRE

 

JAPON : HISTOIRE
1. Préhistoire et protohistoire
1.1. La période Jomon
1.2. La période Yayoi
1.3. La période des tumulus
1.4. Le Kojiki et le Nihon Shoki
2. La période d'Asuka (milieu du vie s.-début du viiie s.)
3. La période de Nara (710-794)
4. La période de Heian (794-1185/1192)
5. La période de Kamakura (1185/1192-1333)
6. La période Ashikaga ou de Muromachi (1333-1582)
7. L'ère des dictateurs (1582-1616)
8. La période d'Edo ou des Tokugawa (1616-1868)
9. L'ère Meiji (1868-1912)
10. Les suites de l'ère Meiji (1912-1927)
11. La montée du militarisme (1927-1937)
12. La seconde guerre sino-japonaise : 1937-1945
12.1. L'entrée en guerre
12.2. L'offensive générale
12.3. La capitulation
Japon : histoire
Meiji Tenno
Multimillénaire, l'histoire du Japon est jalonnée de ruptures. Après l'intrusion plus ou moins brutale de tribus continentales au iiie s. avant notre ère, la naissance, neuf siècles plus tard, d'un État unifié sous l'égide d'un dynastie impériale aux origines obscures, constitue la deuxième rupture. Aux alentours de l'an 1000, cet État s'effondre dans les guerres incessantes que se livrent les clans des Minamoto et des Taira ; à l'État centralisé succède la féodalité. L'affaiblissement du pouvoir shogunal plonge l'empire dans deux siècles d'anarchie sanglante (xve s.-xvie s. et marque la quatrième rupture. Les Tokugawa pacifient le pays et forgent un État centralisé et moderne, dans lequel se constituent de puissantes dynasties marchandes ; le pays est fermé au monde ; cette nouvelle rupture ouvre la période d'Edo (1616-1868), souvent considérée comme la « matrice du Japon moderne ». L'avènement de l'empereur Mutsuhito ouvre l'ère Meiji (1868-1912), caractérisée par un processus de modernisation économique et politique qui transforme un archipel replié sur lui-même en un empire agressif et expansionniste : guerre sino-japonaise (1894-1895), guerre russo-japonaise (1904-1905), annexion de la Corée (1910). Contraint par les Occidentaux à limiter son expansion coloniale (traité de Washington, 1921-1922), atteint par la crise de 1929, alors que la pression démographique devient insoutenable, le Japon connnaît une nouvelle rupture avec la montée du militarisme (1930-1945). Au lendemain de sa défaite en 1945, le Japon impérial entame sa mue en une démocratie officiellement pacifiste et transpose sur le plan économique son énergie et son appétit d'expansion.
1. Préhistoire et protohistoire

La conquête de l'archipel par les JaponaisLa conquête de l'archipel par les Japonais
Les îles du Japon sont peuplées, dès avant le VIIIe millénaire avant notre ère, par des populations provenant probablement du continent nord-asiatique et qui étaient au stade du paléolithique supérieur (ou tout au moins mésolithique). On distingue dans la préhistoire du Japon plusieurs phases, la plus ancienne étant qualifiée de pré-Jomon ou précéramique. Lui succède une culture céramique de type particulier (à impressions de cordes, d'où son nom de Jomon), qui durera jusqu'au iiie s. avant notre ère dans le sud du Japon, mais se continuera parfois jusqu'au xe s. dans le Nord.
1.1. La période Jomon

Cette longue période de « mésolithique attardé », au développement assez lent, est caractérisée par des poteries à fond plat ou pointu, décorées de reliefs sur leurs bords, et par l'utilisation d'un outillage de pierre. Ces objets appartiennent à des populations clairsemées de chasseurs-ramasseurs et de pêcheurs au harpon, demeurant dans des cabanes de bois à demi enterrées, rectangulaires ou rondes. Vers le milieu de la période (Ve-IVe millénaire avant notre ère), les poteries commencent de s'orner de décors fantastiques en relief et de figures anthropomorphes. La pierre polie se substitue progressivement à la pierre taillée, sans toutefois la supplanter complètement. Vers la fin de la période, la poterie se simplifie et apparaissent des mortiers plats en pierre, servant à broyer les graines alimentaires. On peut déjà discerner des éléments de cultes du foyer. Les techniques de chasse et de pêche se perfectionnent et des filets sont utilisés pour attraper le poisson. .
Pour en savoir plus, voir l'article Jomon.
1.2. La période Yayoi

Vers le iiie s. avant J.-C., dans le nord du Kyushu, apparaît un nouveau peuple en provenance du sud de la Chine. Ces Yayoi (du nom d'un quartier de Tokyo où, en 1884, ont été découvertes les premières poteries : yayoishiki) apportent avec eux la technique de la culture du riz. Leur céramique, montée au tour et cuite à une température plus élevée, a des formes inspirées de la poterie des Han et de la Corée. Dans le même temps apparaissent, dans l'extrême nord des îles, des populations venues de Sibérie, apparentées aux Caucasoïdes, les Aïnous, qui se mélangent aux peuples Jomon attardés. Dans le reste des îles, les populations Jomon sont progressivement refoulées dans les montagnes par les néolithiques Yayoi, qui utilisent de nouvelles techniques : métallurgie du fer et du bronze, tissage, tour de potier, etc. Parmi les objets métalliques, on distingue des armes rituelles, des miroirs et des dotaku.

Dotaku

Mot japonais désignant des cloches de bronze sans battant de l'époque Yayoi (IIe siecle av J.C.-IIIe siecle apr. J.-C.), de forme semi-cylindrique et souvent ornées d'un décor en léger relief.

Les paysans Yayoi sont organisés en petites communautés ou chefferies, dont le roi est en même temps le grand prêtre. Ils construisent des maisons d'un type nouveau inspiré de celles, sur pilotis, du sud de la Chine et enterrent leurs morts dans des cistes ou des urnes. De cette époque date probablement la « mongolisation » de la population, une certaine sinisation des mœurs et une organisation religieuse et politique particulière.
Pour en savoir plus, voir l'article Yayoi.
1.3. La période des tumulus


Vers le milieu du iiie s. de notre ère, des groupes de cavaliers-guerriers venus de Corée pénètrent dans le Japon méridional et s'installent en maîtres. Ces familles « aristocratiques » s'imposent facilement aux paysans Yayoi et entrent en lutte contre les populations de « sauvages » réfugiées dans les montagnes et le nord des îles. Ces cavaliers-archers d'origine altaïque, bardés de fer et montés sur de grands chevaux, deviennent les chefs des communautés villageoises et les organisent en « États ». Ils se font inhumer dans des tumulus de très grandes dimensions appelés kofun, sous lesquels sont ménagées des chambres funéraires, dont certaines ont un plan en « entrée de serrure », qui semble particulier au Japon. Autour des tumulus sont rangés des cylindres de terre cuite (haniwa), parfois surmontés de représentations humaines ou animales. Ces guerriers apportent également aux paysans Yayoi de nouvelles croyances (chamanisme sibérien), des mythes et un schéma d'organisation sociale en clans. Ceux-ci, en se groupant, forment des sortes de royaumes qui ne tardent pas à entrer en lutte les uns contre les autres. Il n'y a pas alors de distinction politique entre les îles du Japon et le sud de la Corée : celle-ci ne se fera que plus tard, alors qu'à la suite des luttes internes un groupe de clans arrivera à dominer tous les autres dans les îles.
1.4. Le Kojiki et le Nihon Shoki

Le clan souverain du Yamato (région du sud de Kyoto), une fois sa position solidement établie, va prétendre à l'empire, et son roi (miyatsuko) prendra aussitôt le titre chinois d'empereur (tenno). Assez tardivement (en 712 et 720), les nouveaux empereurs, afin de légitimer leur emprise, font rédiger une « histoire » du Japon, faisant descendre leur lignée de la déesse du Soleil, Amaterasu. Les deux ouvrages ainsi rédigés à la gloire des tenno, le Kojiki et le Nihon Shoki, sont les seules sources (ou à peu près) que nous ayons pour établir une histoire du Japon avant l'arrivée du bouddhisme (venu de Corée vers 538). On y apprend qu'un empereur Jimmu, petit-fils d'Amaterasu, aurait fondé l'empire, que des guerres auraient opposé le Mimana (sud de la Corée) au Yamatai (nord de Kyushu ?), dans lesquelles se seraient illustrés l'« impératrice » Jingu et son fils Ojin. Le sud de Kyushu fut à son tour conquis sur les autochtones. Ces luttes provoquèrent un afflux considérable de Coréens au Japon, qui y apportèrent leurs mythes et croyances, ainsi que de nombreuses techniques nouvelles héritées des Chinois : tissage de la soie, écriture, poterie vernissée, architecture, doctrines confucéenne et taoïque, ainsi que des rudiments de culture chinoise. On date généralement de 538 (introduction officielle du bouddhisme coréen) le début de la période historique du Japon.
Pour en savoir plus, voir les articles bouddhisme, Confucius, confucianisme.
2. La période d'Asuka (milieu du vie s.-début du viiie s.)

538-587 : la royauté étant établie en Yamato, des ambassades commencent de s'échanger avec les cours coréenne et chinoise. Des Japonais vont étudier en Chine et des moines bouddhistes coréens s'installent à la cour, ce qui provoque une guerre civile entre les clans Soga (partisans de l'adoption du bouddhisme et de la civilisation chinoise) et Mononobe (partisans des cultes indigènes, appelés shinto, et de l'isolement politique du Yamato). Les Soga finissent par l'emporter ; ils font élever un temple de type coréen à Asuka, alors résidence temporaire de la cour.
628 : après la mort du prince Shotoku (en 622), neveu de l'impératrice Suiko (593-628), un code de lois en 17 articles est promulgué. Shotoku a fait construire de nombreux temples bouddhiques. Textes chinois, bouddhiques et confucéens, techniques, idées politiques affluent au Japon.
645 : le clan Nakatomi réussit à éliminer celui des Soga, alors tout-puissant, et établit un système de gouvernement calqué sur celui de la Chine des Tang (code de l'ère Taika), un système d'« ères », et préconise une distribution idéale des terres aux paysans, assiette d'un système d'impôts inspiré de celui alors en vigueur en Chine.
663 : défaite des troupes japonaises en Corée ; les liens politiques sont rompus avec le continent, mais de très nombreux Coréens accompagnent les Japonais dans leur retraite et s'établissent dans les îles.
672 : l'empereur Temmu fait appliquer plus strictement le code Taika et entreprend de faire rédiger un code plus complet, celui de l'ère Taiho (701).
3. La période de Nara (710-794)

Six sectes bouddhiques, installées près de Nara et de la cour d'Asuka, imposent leurs conceptions, mais le peuple n'y a point de part.
Petit lexique du Japon féodal
PETIT LEXIQUE DU JAPON FÉODAL

bakufu
Gouvernement militaire.
daimyo
Seigneur local.
fudai
Samouraï vassal dépendant directement de Tokugawa Ieyasu et qui avait combattu à ses côtés à Sekigahara (1600).
hatamoto
Samouraï placé sous la vassalité directe du shogun et non d'un daimyo. Sous les Tokugaya, les hatamoto furent au nombre de 80 000.
kampaku
Titre d'une fonction équivalent à celle de régent. Les Fujiwara, les premiers à l'assumer, exercèrent en fait une véritable dictature du Xe au XIIesiecle
ronin
Samouraï qui, volontairement ou non, quittait le service de son maître et se mettait à parcourir le pays en quête d'aventures.
samouraï
Guerrier placé au service d'un daimyo. Les samouraïs développèrent un idéal d'honneur et de fidèlité exacerbé.
shikken
Lieutenant d'un shogun. La fonction fut créée par les premiers shogun de Kamakura (XIIesiecle). En 1199, cette charge échut à la famille des Hojo, qui la rendirent héréditaire, puis gouvernèrent sous ce titre à la place des shogun de Kamakura.
shogun
1. À l'origine, chef militaire japonais en campagne contre les Aïnous.
2. Dictateur militaire du Japon de 1192 à 1867.
tandai
Titre donné, sous le shogunat de Kamakura (1192-1333), aux gouverneurs militaires de certaines régions, principalement Kyoto et le Kanto.
tozama
Nom donné aux daimyo qui ne se soumirent au shogun Tokugawa Ieyasu qu'après la bataille de Sekigahara (1600) et la chute du château d'Osaka (1615). Ils bénéficiaient d'une plus grande indépendance de fait que les fidèles de Ieyasu, appelés fudai.
710 : achèvement du code de l'ère Taiho, promulguant une nouvelle distribution des terres, précisant les droits et devoirs de chacun et instituant un système militaire et social nouveau.
712 : rédaction officielle du Kojiki. La cour s'établit définitivement à Nara, abandonnant l'habitude de changer de lieu de résidence à la mort de chaque souverain. Les paysans, trop imposés, s'évadent des terres impériales pour se réfugier sur celles des seigneurs ou des monastères, ce qui affaiblit le pouvoir impérial au profit des chefs de clans et des communautés religieuses.
741 : l'empereur Shomu fait construire des temples bouddhiques dans toutes les provinces, afin de prier pour la prospérité, ce qui affaiblit financièrement les chefs de clans obligés de participer à la dépense.
743 : l'empereur permet la possession individuelle des terres nouvellement défrichées ; c'est l'origine des grands domaines féodaux. Épidémie de variole : pour apaiser les divinités, on élève un grand temple, le Todai-ji, à Nara (alors appelée Heijokyo) et on y installe une grande effigie du Bouddha en bronze, en 749.
751 : première anthologie officielle de poèmes, le Kaifuso, rédigée en chinois.
754 : le moine bouddhiste Ganjin arrive de Chine avec des élèves et de nombreux techniciens.
756 : l'impératrice douairière Komyo fonde un musée (le Shosoin), encore intact de nos jours.
770 : à la mort de l'impératrice Shotoku, le moine Dokyo, qui avait usurpé tous les pouvoirs, est chassé, et les ministres refusent désormais de laisser le trône à des femmes.
784 : l'empereur Kammu, afin de se libérer de l'emprise des moines bouddhistes de Nara, fonde une nouvelle capitale à Nagaoka, puis, dix ans plus tard, une autre à Heiankyo (Kyoto), qu'il fait édifier sur le plan en damier de la capitale des Tang, Changan (aujourd'hui Xi’an). Cette nouvelle cité, inaugurée en 794, demeurera la capitale du Japon jusqu'en 1868.
Pour en savoir plus, voir l'article Nara.
4. La période de Heian (794-1185/1192)

800-803 : le général Sakanoue no Tamuramaro refoule vers l'extrême nord les populations Jomon et Aïnous, qui se faisaient menaçantes ; sur les terres ainsi conquises viennent s'installer des colons guerriers qui s'érigent en clans.
805-806 : deux moines bouddhistes japonais reviennent de Chine, Saicho (Dengyo Daishi) et Kukai (Kobo Daishi), et en rapportent de nouvelles doctrines bouddhiques ainsi que des formes d'art nouvelles. Ils fondent de grands monastères. Une nouvelle écriture syllabique est créée pour transcrire les désinences purement japonaises et permettre aux femmes (lesquelles n'ont pas accès à la culture chinoise) d'écrire. Des académies se créent. Les nouvelles doctrines bouddhiques tentent de concilier les croyances autochtones, les concepts confucéens et taoïques avec les doctrines du bouddhisme.
838 : le Japon tente de se libérer de l'emprise culturelle chinoise et cesse d'envoyer des ambassades, bien que les contacts individuels (moines surtout) continuent. Des réformes sont entreprises pour transformer la société et l'organiser sur des bases bouddhiques.
858 : un ministre du clan Fujiwara, ayant épousé la fille de l'empereur Saga, prend le titre de régent (kampaku). Sa famille détiendra en fait les rênes du pouvoir jusqu'au milieu du xiie s.. Les Fujiwara instaurent une ère de paix et de développement culturel qui fera de leur période l'ère « classique » du Japon.
903 : un adversaire politique des Fujiwara, le ministre Sugawara no Michizane, est exilé et meurt à Kyushu. Le peuple le divinisera sous la forme chinoise du « dieu de la Littérature et de la Calligraphie ». Les Fujiwara et les seigneurs des grands domaines (shoen) lèvent des troupes personnelles parmi les clans de colons guerriers du Nord et de l'Est afin de faire la police et de se protéger contre le banditisme. Le Japon se morcelle en un grand nombre de « grandes propriétés », tandis que la cour, oisive, mène une vie luxueuse et pieuse.
940 : un seigneur du clan des Taira se révolte dans l'Est et ose se proclamer empereur. Les Fujiwara envoient contre lui des troupes empruntées à un autre clan guerrier de l'Est, celui des Minamoto. Les clans des Taira et des Minamoto tentent alors de supplanter les Fujiwara, commencent de se livrer à des guerres de conquête afin d'affirmer leur pouvoir, et organisent leurs provinces comme de véritables États.
Vers 1000 : les femmes de la cour écrivent des romans, et la nouvelle secte bouddhique d'Amida, prônant une sorte de piétisme populaire, diffuse le bouddhisme dans le peuple. Dans l'Est, les clans guerriers se fortifient et, à la cour, les intrigues se font de plus en plus nombreuses, visant à éliminer le clan tout-puissant des Fujiwara.
1068 : pour la première fois depuis plus d'un siècle, un empereur accède au pouvoir sans qu'il soit apparenté aux Fujiwara et tente de réaliser des réformes. Pour avoir les mains plus libres, il abdique en 1072 au profit de son fils et forme un gouvernement « parallèle », inaugurant ainsi une coutume qui se prolongera pendant plus d'un siècle. Le clan Fujiwara ne tarde pas à se diviser en factions ennemies. Ces dissensions font le jeu des chefs des clans guerriers, qui bientôt obtiendront de hautes charges à la cour, soutenus par de nombreux petits seigneurs et les grands monastères bouddhiques qui se sentent menacés dans leurs possessions. Le pays se divise de plus en plus, sous l'égide des deux clans les plus puissants militairement, les Minamoto et les Taira. Tour à tour ceux-ci prendront le parti de l'empereur contre les Fujiwara et les remplaceront aux postes clés. Mais les deux clans rivaux ne tardent pas à s'affronter pour la suprématie.
1159-1160 : le chef du clan des Taira, Kiyomori, est dépossédé par les Minamoto, qui déposent l'empereur. Les Taira attaquent et battent les Minamoto dans la ville de Kyoto.
1167 : Taira no Kiyomori devient chancelier de l'Empire, mais sa dureté lui aliène la sympathie de la population, qui se tourne vers les Minamoto.
1180 : des batailles opposent sans cesse les Taira et les Minamoto, à Kyoto et Uji. Les troubles politiques favorisent le banditisme. Des famines s'installent dans le centre et l'est de l'île de Honshu, affaiblissant principalement le clan des Taira. Dès 1183, les Minamoto attaquent ces derniers et, en 1185, détruisent la flotte Taira près de Shimonoseki, à Dan-no-Ura. Le jeune empereur Antoku est noyé dans la bataille. Le chef du clan Minamoto, Yoritomo (1147-1199) et son frère, le général Minamoto no Yoshitsune, éliminent le clan des Taira.
1189 : les Minamoto se retournent alors contre les Fujiwara et conquièrent leurs territoires du nord du Honshu.
Pour en savoir plus, voir les articles confucianisme, taoïsme.
5. La période de Kamakura (1185/1192-1333)

Après avoir confisqué « au nom de l'empereur » les terres de nombreux seigneurs qui lui étaient hostiles, Minamoto no Yoritomo a constitué un gouvernement parallèle à celui de l'empereur, mais sur des bases différentes, instaurant une société quasi féodale fondée sur les relations d'assistance et de fidélité existant entre Yoritomo lui-même, ses vassaux et les vassaux de ceux-ci. Il lève des troupes, libère quelque peu la paysannerie des règles qui la régissaient jusque-là, lui donnant les terres qu'elle cultive, mais lui conférant un statut inférieur à celui des guerriers (samouraïs). Des intendants représentent Yoritomo dans chaque État vassal, et, à partir de 1192, un représentant personnel du shogun, le tandai, est placé auprès de la cour à Kyoto. Yoritomo a imposé un kampaku de son choix à la cour et repris à son compte la politique matrimoniale instaurée par les Fujiwara au ixe s.
1192 : devenu le seigneur le plus puissant du Japon, Yoritomo se fait nommer shogun par l'empereur, qui, à Kyoto, ne possède plus aucune autorité. Yoritomo, ayant établi son bakufu à Kamakura, dicte ses ordres au pays tout entier. Le pays, ruiné, affamé, se rallie à lui. Yoritomo met fin au régime des « empereurs retirés » et règne en maître sur tout le Japon.
1195 : Minamoto no Yoritomo fait une impressionnante démonstration de force à Kyoto, mais les intrigues continuent.
1199 : à la mort de Yoritomo, un seigneur Hojo (apparenté aux Taira) prend la régence (shikken) du bakufu, avec l'aide de sa fille Masako, veuve de Yoritomo. Yoriie, fils de Yoritomo, prend le titre de shogun.
1203 : Yoriie, incapable, abdique au profit de son frère Sanetomo et est assassiné. Hojo Tokimasa est cependant obligé de démissionner de sa charge de shikken en 1205, Masako s'étant opposée à Makiko son épouse. Son fils Hojo Yoshitoki lui succède en tant que shikken.
1219 : Sanetomo ayant été assassiné, l'empereur Go-Toba déclare (en 1221) le bakufu rebelle et tente de reprendre le pouvoir. Hojo Yoshitoki bat les troupes de l'empereur à Uji et l'exile. Les shikken Hojo ont désormais tous les pouvoirs et nomment à leur gré les empereurs.
1222 : le bakufu fait faire un recensement général.
1232 : promulgation d'un nouveau code de lois en 51 articles, le Joei Shikimoku, rédigé en japonais. Il recevra par la suite, en 1243 et 1286, des additions. Ce « code national » restera en vigueur jusqu'en 1868.
1247 : à la suite de la révolte de quelques seigneurs non inféodés au bakufu et après la victoire de ce dernier, leurs domaines sont confisqués. Bien que le shogun soit désormais choisi dans la famille impériale, le véritable pouvoir demeure aux mains des shikken Hojo. Le bakufu s'aristocratise et se stabilise.
1266-1268 : Kubilay Khan, alors empereur de Chine, prétend conquérir le Japon. Le bakufu, alarmé, fait renforcer les défenses du nord de l'île de Kyushu et mobilise tous les samouraïs. En 1271, une autre ambassade chinoise (mongole) est renvoyée.
1274 : attaque du nord de Kyushu par une grande flotte mongole et coréenne (30 000 hommes) qui, inexplicablement, se retire la nuit suivante. La cour offre des prières aux divinités.
1275 : des envoyés du khan demandant la soumission du Japon à la Chine sont exécutés. Le bakufu se dote d'une flotte puissante et fait construire un long mur en pierre le long des côtes du nord de Kyushu.
1281 : deux flottes mongole et coréenne (environ 140 000 hommes) débarquent en deux points de la côte nord de Kyushu. Les Mongols sont sur le point de vaincre, lorsque, le 14 août, un typhon providentiel détruit une partie de la flotte d'invasion et force les guerriers mongols et coréens à se rembarquer en toute hâte ; ceux qui sont restés à terre sont impitoyablement massacrés par les samouraïs.
1294 : mort de Kubilay Khan. Le Japon est provisoirement sauvé de l'envahisseur chinois, mais les shikken préfèrent garder sous les armes les samouraïs afin de prévenir un retour offensif des Mongols. Ces guerriers, une fois démobilisés, se trouvent ruinés. Certains sont alors obligés, en contrevenant à la loi, de vendre des parties de leurs domaines à des marchands, qui, seuls, ont profité de la guerre en fournissant armements et vivres…
1297 : le bakufu renforce les lois interdisant la vente des fiefs. Mais les seigneurs dépossédés n'obéissent déjà plus au gouvernement de Kamakura. L'empereur les soutient dans leur révolte.
1326 : l'empereur Daigo II refuse d'abdiquer comme le lui demande le shikken, et, soutenu par les nobles, désigne son fils comme héritier.
1331 : Daigo II est battu par les troupes du shikken et exilé dans l'île d'Oki.
1333 : grâce à la complicité d'un Minamoto dissident, Ashikaga Takauji, Daigo II s'enfuit, réunit des troupes et rentre à Kyoto. Soulèvement général des seigneurs contre le bakufu. La ville de Kamakura est prise et incendiée. Daigo II restaure le pouvoir impérial.
Pour en savoir plus, voir l'article Mongols.
6. La période Ashikaga ou de Muromachi (1333-1582)

1336 : Ashikaga Takauji , devenu le seigneur le plus puissant du Japon, se retourne contre l'empereur et établit à son tour un bakufu à Kyoto même. En 1338, il se fait nommer shogun par l'empereur qu'il a mis sur le trône. L'empereur légitime se réfugie dans les montagnes du Yamato avec ses partisans, inaugurant la période dite des « deux cours », pendant laquelle la guerre civile va ensanglanter le pays jusqu'en 1392. La lutte sera épisodique mais acharnée. La ville de Kyoto sera prise et reprise quatre fois, et chaque fois détruite. Dans les provinces, les seigneurs, espérant conquérir la suprématie, se battent, plongeant le pays dans la guerre civile.
1383 : bien qu'Ashikaga Takauji soit mort en 1358, la situation demeure la même sous ses successeurs et ceux de Daigo II. L'île de Kyushu reste acquise aux loyalistes, mais, dans le Nord, nombre de seigneurs se sont rendus indépendants.
1392 : reconquête de Kuyshu par les Ashikaga. L'empereur légitime Go-Kameyama accepte d'abdiquer, et la guerre des deux cours se termine. Mais le pays est ensanglanté et la ville de Kyoto presque totalement détruite. Sous l'autorité des shogun Ashikaga, l'organisation administrative a été refondue et le pays divisé en trois grandes régions dirigées par un kanrei (grand délégué) sous l'autorité du shogun.
1400-1401 : le shogun tente de réduire les pirates Wako, qui écumaient les côtes japonaises, coréennes et chinoises et renoue des relations amicales avec la Chine des Ming.
1419 : les Wako de l'île de Tsushima sont détruits par les Coréens.
1428 : révolte des paysans des provinces à la suite d'épidémies et de famines. Ils forment des ligues de défense contre les bandes de samouraïs-brigands.
1456 : le shogun Ashikaga Yoshimasa doit reconnaître les droits de propriété des paysans et réduire leurs dettes.
1457 : grande famine et épidémies. Le gouvernement central ne fait rien. Les grands seigneurs lèvent des barrières d'octroi qui entravent le commerce et aggravent les famines. Les paysans, à bout de ressources, s'engagent comme soldats à pied (ashigaru) dans les rangs des armées seigneuriales, et se livrent au brigandage.
1467-1477 : une nouvelle guerre civile est déclenchée entre les seigneurs au sujet de la succession du shogun Yoshimasa. 160 000 hommes s'affrontent dans la ville de Kyoto, qui est la proie des flammes. Cette guerre civile, dite de l'ère Onin, est une guerre « pour le plaisir » faite par les daimyo pour leur gloire. Elle s'étend jusque dans les provinces, où les guerriers s'affrontent sans savoir pourquoi.
1486 : grande révolte paysanne contre les excès des guerriers. Les paysans demandent le départ des troupes et veulent rentrer en possession de leurs terres.
1489 : le shogun Ashikaga Yoshihisa est assassiné et sa succession fait s'affronter les daimyo. Ceux-ci s'opposent entre eux ou au bakufu de Muromachi, rendant tout gouvernement central impossible. Des comités de paysans, de commerçants, d'artisans se créent afin de constituer des gouvernements locaux. La cour, oisive et ruinée, protégée par l'un ou l'autre des daimyo, se désintéresse de la situation. Le Japon est alors partagé de fait entre une trentaine de grands daimyo et une centaine de plus petits seigneurs qui se combattent sans répit, aidés par des bandes de paysans-guerriers n'observant aucune des lois de la chevalerie des samouraïs.
1542 : des marchands portugais échoués sur la petite île de Tanegashima (sud de Kyushu) importent les premiers mousquets. Très vite l'usage de cette arme nouvelle se répand dans tout le Japon.
1549 : François Xavier commence l'évangélisation du pays. Bateaux portugais, hollandais et espagnols accostent et font du commerce avec les Japonais des côtes.
1568 : un petit seigneur du Nord, Oda Nobunaga (1534-1582), réussit à vaincre tous ses adversaires, entre à Kyoto en vainqueur et se fait nommer shogun, ayant abattu la puissance déclinante des Ashikaga. Il organise à son profit les provinces centrales.
1574 : les sectes religieuses, qui s'étaient armées, représentent désormais une puissance avec laquelle le gouvernement doit compter. La secte Ikko (créée par le moine Shinran) se révolte et soulève les campagnes.
1576 : Oda Nobunaga se fait construire un château sur les bords du lac Biwa, prototype de tous les châteaux japonais, et le fait luxueusement décorer par les meilleurs artistes de son temps. En 1571, il a détruit les monastères rebelles du mont Hiei, près de Kyoto, et fait massacrer leurs moines. En 1574, il a attaqué et mis en fuite le dernier Ashikaga, Yoshiaki. En 1580, il abat la puissance de la secte Ikko et prend son château d'Osaka. Avec l'aide de ses généraux Tokugawa Ieyasu et Toyotomi Hideyoshi, il vient finalement à bout de tous ses adversaires et unifie le centre du Japon sous son autorité.
1582 : Oda Nobunaga, devenu dictateur des provinces centrales, est attaqué par un de ses généraux, et obligé de se suicider. Treize jours après, le félon est attaqué et tué par Toyotomi Hideyoshi, qui prend la succession de son maître.
7. L'ère des dictateurs (1582-1616)

Tokugawa IeyasuTokugawa Ieyasu
1584 : Hideyoshi fait élire le fils d'Oda Nobunaga comme shogun, mais garde le pouvoir. Il continue alors la guerre contre les seigneurs non encore ralliés, surtout ceux de Kyushu, et transfère le siège de son gouvernement à Osaka, où il oblige les grands daimyo à lui construire un immense château. Il fait en même temps démolir ceux des seigneurs rebelles. Il fait établir un recensement général des terres, rend les paysans propriétaires et solidaires de leurs terres et interdit le port des armes aux non-samouraïs. Il établit le principe (d'origine chinoise) de la responsabilité collective et fixe l'impôt entre 40 et 50 % de la récolte. Les daimyo sont classés selon leur revenu annuel en koku (180 litres) de riz. Le plus puissant d'entre eux, Tokugawa Ieyasu, en possède 2 500 000, les moins puissants seulement 10 000.
1585 : Hideyoshi fait frapper sa propre monnaie et favorise le développement des mines d'or et d'argent. Homme le plus riche du Japon, il subventionne la cour impériale, ordonne un grandiose programme de constructions, donne des fêtes splendides et patronne arts et lettres. Il est nommé dajo daijin (Premier ministre) par l'empereur.
1586 : Hideyoshi réunit une immense armée afin de soumettre les grands daimyo encore indépendants (sauf cependant Tokugawa Ieyasu, avec qui il est allié et qui demeure dans son fief du Kanto [région de Tokyo]).
1590 : le dernier des daimyo Hojo est vaincu en son château d'Odawara.
1592 : afin d'occuper ses guerriers, Hideyoshi les lance à la conquête de la Corée. Ses troupes entrent à Séoul. Il décide alors de s'attaquer à la Chine.
1593 : les Chinois étant venus au secours des Coréens, les Japonais perdent Séoul. Un fils naît à Hideyoshi. Le neveu de Hideyoshi, Hidetsugu, nommé son successeur, se révèle débauché et cruel.
1595-1597 : les troupes japonaises en Corée subissent revers sur revers. Hideyoshi, qui montre des signes d'aliénation mentale, contraint son neveu au suicide. En 1596, il nomme son fils (âgé de trois ans) kampaku. L'amiral coréen Li Sunshin, qui a inventé un bateau cuirassé, détruit la flotte japonaise. Hideyoshi réorganise alors sa flotte et envoie en 1597 100 000 hommes en renfort en Corée pour soutenir l'armée commandée par Konishi Yukinaga.
1598 : les Sino-Coréens refoulent les armées japonaises. Mort de Hideyoshi. Konishi traite avec les Chinois et abandonne la Corée. Tokugawa Ieyasu se pose en protecteur du jeune Hideyori, mais se voit confronté aux ambitions des autres seigneurs.
1600 : affrontement général entre les troupes fidèles à Tokugawa Ieyasu et les autres daimyo. À Sekigahara, Tokugawa Ieyasu est vainqueur. Il fait exécuter les principaux chefs des armées adverses (parmi lesquels Konishi) et prend le pouvoir.
1601 : Ieyasu confisque les mines d'or, fait battre monnaie et oblige les villes à lui céder leurs privilèges.

1603 : Tokugawa Ieyasu établit son bakufu au centre de ses domaines, à Edo (aujourd'hui Tokyo), et s'y fait construire un château. Il monopolise le commerce de la soie et acquiert une fortune considérable. Il s'adjoint des hommes habiles : le confucéen Hayashi Razan (1583-1657), le navigateur anglais William Adams, dit Anjin (qui s'était échoué sur les côtes du Japon et que Ieyasu avait pris à son service afin qu'il créât une marine moderne), des marchands influents… Il divise ses vassaux en trois classes : les fudai, dépendant directement de lui et qui avaient combattu à ses côtés à Sekigahara, les hatamoto ou vassaux mineurs, dépendant aussi directement de lui, enfin les tozama ou « daimyo extérieurs », très surveillés et obligés de venir vivre à Edo pendant une partie de l'année. Le code de réglementation instauré par Hideyoshi est strictement appliqué.
1614-1615 : les seigneurs mécontents se regroupent autour d'Hideyori dans le château d'Osaka. Deux sièges permettent à Tokugawa Ieyasu d'abattre les rebelles. La forteresse est rasée et Hideyori contraint au suicide, ainsi que les principaux chefs des rebelles.
1616 : Ieyasu, blessé au cours du siège d'Osaka, meurt. Son fils, Tokugawa Hidetada, déjà intronisé shogun depuis 1605, lui succède. L'œuvre de Ieyasu a été immense et durable : il a unifié le pays et donné à celui-ci un gouvernement stable ; il a renoué des relations amicales avec la Chine des Qing, amélioré sa flotte de commerce et noué de fructueuses relations avec les pays du Sud-Est asiatique, et même l'Europe. Ayant tout d'abord favorablement accueilli les prêtres étrangers, il s'est vite aperçu de la collusion de ceux-ci avec les puissances militaires d'Europe, et il a interdit prosélytisme et construction d'églises, sans toutefois recourir à la persécution, comme l'avait fait Hideyoshi sur la fin de sa vie.
8. La période d'Edo ou des Tokugawa (1616-1868)

1623-1624 : après avoir consolidé la position du bakufu, Hidetada laisse sa charge de shogun à son fils Iemitsu. Mais celui-ci renforce les interdits relatifs aux étrangers déjà promulgués par son père en 1616 : tous les ports japonais sont fermés aux navires européens, sauf ceux de Hirado et Nagasaki. Cependant, l'activité missionnaire reprenant dans l'île de Kyushu, Iemitsu recourt à la persécution, dès 1622. En 1624, les marchands portugais quittent le pays et les Anglais ferment leur comptoir à Hirado.
1637 : grande rébellion chrétienne et paysanne à Shimabara. Le bakufu réagit violemment, massacre les chrétiens de Shimabara et interdit aux navires portugais et espagnols d'aborder au Japon.
1639 : le pays est fermé aux étrangers, sauf aux Chinois et aux Hollandais, qui ont permission de rallier une partie du port de Nagasaki, Dejima (Deshima). Les bateaux japonais doivent être munis d'une autorisation spéciale pour aller en Chine, aux îles Ryukyu, en Corée ou dans le Sud-Est asiatique. Création de grandes routes (Tokaido). Le christianisme est pourchassé.
1651 : mort de Tokugawa Iemitsu. Tentative de coup d'État avortée. De nombreux hatamoto, appauvris, vivent de brigandage.
1657 : un incendie catastrophique détruit la ville d'Edo, faisant plus de 100 000 morts. La capitale est reconstruite sur un plan nouveau. Troubles chez les tozama, qui sont rapidement remis à la raison.
1680 : sous le shogun Tokugawa Tsunayoshi, la classe de marchands commence à prendre une très grande importance. Les daimyo sont parfois obligés de leur emprunter de quoi subvenir à leurs fastueuses dépenses.
1703 : incident de la « vengeance des 47 ronin » (samouraïs ayant quitté le service de leur maître et parcourant le pays en quête d'aventures) : le shogun les condamne à se suicider, mais cet événement va défrayer la chronique et inspirer d'innombrables récits et pièces de théâtre.
1709 : Arai Hakuseki, conseiller confucéen du shogun Ienobu, complète la « Règle des maisons guerrières » instaurée par Tokugawa Ieyasu et adoucit la justice pénale. Les villes connaissent une grande prospérité et la classe des chonin (citadins) se développe.
1716 : plusieurs années de disette ont fait monter les prix et la situation économique est précaire. Le shogun Yoshimune tente des réformes agraires, fait irriguer de nouvelles terres et interdit les dépenses excessives.
1735 : Yoshimune fixe le prix du riz, mais les paysans, accablés par les impôts, se révoltent.
1764, 1765, 1773 : nouvelles et sanglantes révoltes paysannes.
1787 : le conseiller du shogun Ienari, pour rétablir la situation, chasse les fonctionnaires corrompus, assainit les finances et tente de repeupler les campagnes.
1792 : apparition de bateaux russes sur les côtes d'Hokkaido. La prospérité est revenue et les citadins jouissent d'une vie facile baptisée ukiyo (« monde flottant »).
1804 : l'amiral russe N. P. Rezanov mouille dans le port de Nagasaki et y reste pendant six mois. Il ne reçoit pas l'autorisation de se rendre à Edo.
1808 : un navire anglais menace de bombarder Nagasaki si on lui refuse l'approvisionnement en eau et en vivres.
1825 : le shogun Ienari ordonne de détruire tout navire étranger mouillant dans un port japonais.
1832-1836 : série de famines suivies de révoltes paysannes.
1844 : le gouvernement hollandais demande au bakufu de cesser sa politique d'isolement.
1845-1846 : un navire anglais est bien accueilli à Nagasaki ; deux navires de guerre américains mouillent en rade d'Edo, mais ne peuvent entreprendre de pourparlers avec le bakufu.
1853 : l'Américain Matthew Calbraith Perry vient avec quatre bateaux de guerre apporter une lettre du président des États-Unis et annonce son intention de revenir l'année suivante chercher la réponse. Le pays se divise en anti-Occidentaux et pro-Occidentaux.
1854 : retour de l'amiral Perry. Le bakufu, effrayé, consent à ouvrir deux ports, Shimoda et Hakodate, et à recevoir un consul américain. Il doit signer des accords semblables avec la Grande-Bretagne, la Russie et la Hollande.
1856 : arrivée du consul américain Harris, qui est reçu en 1857 par le shogun Iesada.
1858 : une partie du pays se soulève, indignée des accords signés par le shogun avec les « barbares ».
1860 : li Naosuke, conseiller du shogun et partisan de l'ouverture du Japon, est assassiné. Le shogun demande conseil à l'empereur, aux côtés duquel se rangent les ennemis du bakufu.
1862-1863 : après l'assassinat d'un Anglais, la flotte britannique bombarde le port de Kagoshima.
1863 : un bateau américain ayant été attaqué par les canons du port de Shimonoseki, une escadre internationale prend la ville et oblige le daimyo du Choshu à payer une forte indemnité.
1864 : les partisans de l'empereur se révoltent à Kyoto et battent les troupes envoyées par le bakufu. Le shogun Yoshinobu offre sa démission à l'empereur en 1867. Un gouvernement provisoire est mis en place. Les partisans des Tokugawa tentent de résister, mais un soulèvement populaire abat leur résistance. Mutsuhito monte sur le trône et assume le pouvoir.
1868 : Mutsuhito transfère son gouvernement à Edo, rebaptisée en Tokyo. Une ère nouvelle commence, appelée Meiji ou « Époque éclairée ».
9. L'ère Meiji (1868-1912)


Le Japon, 1868-1939Meiji Tenno
1868-1874 : l'empereur Mutsuhito procède à de profonds remaniements. Le pays est divisé administrativement en arrondissements, le peuple est organisé en nouvelles classes, enfin le droit au sabre est refusé aux samouraïs. La loi donne la propriété des terres aux paysans (1868), rétablit la liberté d'achat et de vente de celles-ci (1871), ainsi que la liberté du commerce intérieur et extérieur (1872-1873). L'impôt foncier est réformé (1872), des universités sont créées et le gouvernement est modernisé.
1874-1877 : Saigo Takamori et Eto Shimpei groupent les mécontents et se révoltent. L'armée impériale (créée en 1871) mettra trois ans à réduire les rebelles.
1885 : Mutsuhito supprime le Conseil impérial des Taira et institue un cabinet parlementaire de style occidental présidé par Ito Hirobumi.


1889 : le 11 février, l'empereur promulgue une Constitution, mais les partisans de l'ancien régime sont encore nombreux et les assassinats politiques se succèdent. La Constitution donne des pouvoirs étendus à l'empereur, crée deux chambres législatives (diète), la Chambre des pairs, aux membres désignés par l'empereur, et la Chambre des représentants élus. Cette dernière assemblée sera réorganisée en 1900 et 1902. La justice est refondue sur des modèles français et allemands. L'armée et la marine sont modernisées, le service militaire obligatoire institué. De nombreuses lois accélèrent le processus d'occidentalisation du Japon. Des lignes de chemin de fer sont inaugurées entre les plus grandes villes, à partir de 1870. La population japonaise augmente rapidement.
1894 : à la suite d'un différend au sujet de la Corée, les forces japonaises débarquent en Chine. Elles l'emportent sur mer comme sur terre. Les Japonais envahissent Formose (Taïwan). La Chine signe le traité de Shimonoseki en 1895, qui consacre la victoire du Japon et, malgré la diplomatie occidentale, l'influence prépondérante de celui-ci en Corée.
1902 : le Japon, après avoir aidé les puissances occidentales contre la révolte des Boxeurs en Chine en 1900, conclut une alliance militaire avec l'Angleterre, alliance destinée à contenir les visées russes sur la Corée. Le tsar Nicolas II envoie 100 000 hommes en Mandchourie.
1904 : le Japon attaque la marine russe basée à Port-Arthur et débarque une armée en Corée et dans le Liaodong.
1905 : après d'âpres combats, le général russe Stoessel, qui commande Port-Arthur, est obligé de capituler. Les troupes japonaises avancent en Mandchourie. La flotte russe de la Baltique, envoyée en renfort, est détruite dans le détroit de Tsushima par les forces de l'amiral Togo. La Russie est obligée de concéder le droit de s'installer en Mandchourie et en Corée aux Japonais, et leur cède la moitié sud de l'île de Sakhaline. Ito Hirobumi est nommé résident en Corée et commence de « japoniser » ce pays. Au Japon même, où l'économie a fait un bond en avant énorme grâce aux deux guerres victorieuses, le jeu des partis s'installe au gouvernement, faisant alterner au pouvoir libéraux et conservateurs. Militaristes et libéraux s'affrontent, mais, en 1911, les militaristes finiront par l'emporter sur le cabinet temporisateur de Saionji.
Pour en savoir plus, voir les articles bataille de Tsushima, guerres sino-japonaises, guerre russo-japonaise.
10. Les suites de l'ère Meiji (1912-1927)

1912 : mort de Mutsuhito, désormais appelé Meiji tenno. Son fils, Yoshibito, âgé de 33 ans, accède au trône. Sous son règne, le jeu des partis continue. Katsura Taro (1847-1913) tentera d'imposer un pouvoir autoritaire. À sa mort, c'est l'amiral Yamamoto qui est chargé de former le nouveau gouvernement.
1914 : le Japon entre en guerre contre l'Allemagne et soutient les Alliés, de manière à avoir les mains libres en Chine.
1915 : le Japon envoie au dictateur chinois Yuan Shikai un ultimatum en 21 points. La Chine est obligée de céder, et la caste militaire triomphe.
1917 : le gouvernement provisoire russe ne reconnaît pas les accords passés avec le tsar. La Chine entre en guerre aux côtés des Alliés, ce qui met le Japon dans une situation délicate.
1918 : les Japonais pénètrent en Sibérie soviétique et s'opposent aux « rouges ». À la conférence de la paix de Versailles, le Japon obtient toutes les possessions allemandes du Pacifique au nord de l'équateur.
1919 : mort de l'ancien empereur de Corée. Les nationalistes coréens conduits par Syngman Rhee (Lee Sung-man) réclament le départ des Japonais et la liberté. La révolte est noyée dans le sang par les militaires japonais. Au Japon, les libéraux reprennent le pouvoir en alternance avec les militaristes.
1923 : un terrible tremblement de terre détruit entièrement Tokyo et Yokohama. L'empereur, de santé chancelante, a déjà nommé son fils, Hirohito régent depuis deux ans. La loi martiale est proclamée. Mouvement de retour aux traditions et à la xénophobie.
1926 : mort de l'empereur Yoshihito, dont le nom devient Taisho tenno. Son fils Hirohito lui succède et nomme son règne « ère Showa » (« La Paix lumineuse »).
11. La montée du militarisme (1927-1937)


En signant les traités de Washington (1921-1922), qui entérinaient le statu quo entre les grandes puissances en Asie et dans le Pacifique et gelaient les armements navals pour dix ans, les politiciens japonais renonçaient à l'expansion coloniale. L'armée avait vu diminuer son influence de même que son budget. Mais, à la fin de l'ère Taisho, le Japon rentre dans une période de tourmente : corruption politique, poussée des « partis prolétariens », misère et violences rurales provoquées par la concentration des terres. En 1927, les militaires proposent comme solution de reprendre l'expansion coloniale (« mémoire Tanaka »). La crise de 1929 les convainc de passer à l'action. En novembre 1930, ils abattent le Premier ministre Hamaguchi, qui vient d'accepter la prolongation du gel des armements navals (traité de Londres). En septembre 1931, l'armée force la main du gouvernement en occupant la Mandchourie, en violation du système de Washington. Comme le monde des affaires refuse de souscrire un emprunt de défense nationale, le directeur général de Mitsui est assassiné en mars 1932 ; en mai, c'est le Premier ministre Inukai. Terrorisées, les élites civiles abandonnent de facto le pouvoir aux militaires ; la Constitution n'est pas violée. La Diète siège, et les élections se déroulent normalement. Mais l'empereur ne désigne plus que des Premiers ministres soumis aux militaires, qui forment des cabinets extraparlementaires que la Diète n'ose pas renverser. La question qui suscite de vives controverses est de savoir si l'empereur Hirohito est alors le complice actif des militaires ou leur otage.
Les militaires imposent au Japon une organisation de type totalitaire : fusion « volontaire » de tous les partis politiques dans l'Association pour le service du trône (1940), organisation corporatiste de l'économie, encadrement de la population par les 1 120 000 tonarigumi (groupes de voisinage), endoctrinement et répression de toute dissidence par la police secrète Kempeïtaï. L'idéologie repose sur le kokutai et sa vision d'une nation organique, pure, homogène et supérieure – mais sans la volonté systématique d'éliminer les races dites « inférieures » qu'on trouve dans le nazisme. La propagande puise pêle-mêle dans la mythologie shinto, l'éthique samouraï et le confucianisme.
L'empereur est placé au centre de tout. La survie du kokutai est indissociable de celle de sa lignée divine. La nation n'agit que par lui (il légitime le pouvoir exercé en son nom) et pour lui (tous ses sujets lui doivent dévouement jusqu'à la mort). Le tennosei (système impérial) est ainsi le principe actif du totalitarisme japonais. Mais, en même temps, son existence préserve, au cœur même du système, un espace sur lequel l'emprise totalitaire ne s'exerce pas, puisqu'un ordre impérial ne peut pas être contesté. Hirohito, quelle que soit son implication dans les agissements de l'armée, l'utilise pour protéger une « faction de la paix », qui s'organise au palais à partir de 1942, et, tout à la fin, pour mettre un terme à la guerre.
Comme les nazis à leurs débuts, les militaires dénoncent aussi le caractère « antinational » des grands groupes capitalistes (les zaibatsu). Mais, malgré les velléités de l'armée de promouvoir de nouveaux groupes (Nissan, Hitachi), les quatre grands zaibatsu ne feront qu'accroître leur emprise sur l'économie pendant la guerre.
12. La seconde guerre sino-japonaise : 1937-1945

12.1. L'entrée en guerre

Dès 1932, les Japonais ont fait de la Mandchourie l'État fantoche du Mandchoukouo, que la SDN et la Chine refusent de reconnaître. Le Japon quitte alors la SDN, et ses troupes entrent en Chine du Nord (1933). L'armée est divisée sur la stratégie à adopter ; une opération sur Shanghai tourne court (1934). Le 6 février 1936, les généraux proches du palais (faction du Contrôle) éliminent les jeunes officiers extrémistes de la faction de la Voie Impériale. La cohésion de l'armée et ses liens avec les élites civiles sont renforcés. Le 7 juillet 1937, l'offensive générale est lancée contre la Chine.
12.2. L'offensive générale


Bombardement de Pearl HarborFranklin Delano Roosevelt, déclaration de guerre contre le Japon
C'est le début d'une fuite en avant. Les Japonais s'emparent des régions côtières et établissent à Nankin un gouvernement chinois à leur dévotion. Ils mènent une guerre de terreur (massacre d'au moins 200 000 civils à Nankin, en 1937). Mais Jiang Jieshi (Tchang Kaï-chek) résiste dans l'intérieur du pays avec l'aide des communistes de Mao Zedong. Les Occidentaux, alarmés par la poussée japonaise vers leurs colonies, l'approvisionnent par la route de Birmanie. Les Japonais s'enlisent, mais la guerre en Europe et la défaite de la France (juin 1940) leur permettent d'envisager d'attaquer Jiang Jieshi par le sud. Ils se rapprochent de l'Axe (pacte tripartite de septembre 1940) et, sous la menace, obtiennent le droit de passer par l'Indochine française et d'en utiliser les ressources (riz, caoutchouc). Les États-Unis s'interposent alors et prennent des sanctions : gel des avoirs japonais, embargo sur le fer et le pétrole. Le Japon se prémunit contre une guerre sur deux fronts en signant un pacte de neutralité avec l'URSS (avril 1941). Le prince Konoe, Premier ministre, tente d'obtenir que Washington reconnaisse les acquis japonais. En octobre 1941, il est remplacé par le commandant en chef de l'armée, le général Tojo Hideki. Le 7 décembre, l'aéronavale japonaise détruit une partie de la flotte américaine du Pacifique à Pearl Harbor.
Pour en savoir plus, voir l'article Seconde Guerre mondiale.
12.3. La capitulation

Après cette victoire, le Japon compte sur sa supériorité aéronavale pour s'emparer de l'Asie du Sud-Est et de ses matières premières, couper la route de Birmanie et s'établir dans les archipels au milieu du Pacifique afin de pouvoir ensuite discuter en position de force. Mais, après six mois de succès, durant lesquelles ses forces parviennent jusqu'aux portes de l'Inde et de l'Australie, il est mis en échec sur mer (îles Midway, juin 1942) et sur terre, à Guadalcanal.
En 1943, les Américains contre-attaquent. La prise de Saipan (juillet 1944) leur permet de bombarder l'archipel qu'ils coupent de l'Asie du Sud-Est en reprenant les Philippines (octobre). Le 1er avril 1945, ils débarquent en terre japonaise, à Okinawa, et prennent l'île au terme de furieux combats (49 000 soldats américains, 110 000 soldats et 150 000 civils japonais tués), marqués par l'utilisation massive des kamikazes.

Harry Truman, Hiroshima, le 6 août 1945Harry Truman, Hiroshima, le 6 août 1945
Le Japon est à bout de forces. Tojo a quitté le gouvernement après la perte de Saipan. Tokyo essaye de négocier une reddition sans occupation ni représailles. Il faut la bombe atomique (Hiroshima, 6 août ; Nagasaki, 9 août) et l'entrée en guerre de l'URSS (8 août) pour que l'empereur impose la capitulation aux ultras et l'annonce à la nation (15 août). Le 30 août, le général Douglas MacArthur atterrit à la tête des unités d'occupation. Hirohito, que les Américains ont préféré maintenir en place, tirera lui-même un trait sur l'idéologie militariste en dénonçant à la radio « l'idée erronée selon laquelle l'empereur est divin et le peuple japonais supérieur aux autres » (1er janvier 1946).
Deux millions de soldats et près de 700 000 civils ont péri. Les grandes villes (sauf Kyoto) sont presque anéanties. La production industrielle est à 10 % de son niveau de 1940. Six millions de soldats et de colons sont rapatriés en désordre. Le pays est à reconstruire.

 

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