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CUBA - HISTOIRE

 

Cuba : histoire

1. La domination espagnole

Découverte en 1492 par Christophe Colomb, Cuba est conquise entre 1511 et 1513 par Diego Velázquez. Ici comme ailleurs, la conquête produit un effondrement rapide de la population indienne. Jusqu'en 1540 environ, l'île sert de base d'opérations pour la conquête du continent américain, fournissant aussi bien des hommes (Herńan Cortés part de Cuba, en 1519, pour son expédition au Mexique) que l'équipement et le ravitaillement (farine et bétail). À cette époque, l'importance de Cuba est surtout stratégique : La Havane, escale pour les flottes espagnoles et port fortifié, contrôle le détroit de la Floride et l'entrée de la mer des Antilles.
L'économie de plantation se développe très tôt. Le tabac, dont l'Espagne se réserve le monopole, et les plantes tinctoriales sont les premières productions. La canne à sucre, apparue vers 1548 autour de Santiago, se répand au xviie s. et triomphe au xviiie siècle ; mais, pendant les deux premiers siècles de la présence espagnole, l'élevage reste l'activité dominante de l'île. L'occupation momentanée de La Havane par les Anglais (1762-1763) accélère cependant le mouvement de modernisation administrative : les Cubains reçoivent alors la liberté de commerce avec l'Espagne.
De 1791 à 1804, la guerre d'indépendance de la colonie française de Saint-Domingue provoque la ruine de ce qui était la plus riche colonie sucrière esclavagiste du monde américain. Cuba prend alors la place de Saint-Domingue comme premier producteur de sucre au monde. Au même moment, la culture du café est introduite par les immigrants français fuyant la révolution de Saint-Domingue.
L'accroissement du nombre d'esclaves noirs et la crainte des révoltes expliquent la fidélité de l'élite créole à l'Espagne, lors des guerres d'indépendance de l'Amérique latine. Malgré des soulèvements noirs (province d'Oriente en 1812), des conspirations créoles et des tentatives américaines pour racheter l'île, la présence espagnole ne sera pas sérieusement mise en cause avant 1868. Le soulèvement, cette année-là, de Carlos Manuel de Céspedes, qui libère alors ses esclaves, marque le début de la « guerre de Dix Ans » (1868-1878). L'insurrection, puissante dans les provinces d'Oriente et Camagüey, n'arrive pas à s'étendre à l'ouest du pays et à la ville de La Havane. Par la paix de Zanjón, Cuba obtient finalement une certaine autonomie et, en 1880, l'esclavage y est aboli. Cependant, les troubles continuent et, en 1895, à la faveur d'une crise sucrière, le poète José Martí et les généraux rebelles Máximo Gómez et Antonio Maceo se soulèvent de nouveau et proclament la république. La répression brutale du général espagnol Weyler indigne les Américains, qui contrôlent déjà le marché du sucre cubain. L'explosion du cuirassé Maine (février 1898), en rade de La Havane, provoque une guerre entre l'Espagne et les États-Unis. Battue, l'Espagne renonce à sa colonie, lors de la signature du traité de Paris (10 décembre 1898). Mais les insurgés cubains sont tenus à l'écart des négociations, l'île étant soumise à un gouvernement militaire américain.
Pour en savoir plus, voir les articles Antilles, canne à sucre, histoire de l'Espagne, La Havane, José Martí.
2. La tutelle américaine

En 1901, le général américain Wood organise l'élection par les Cubains d'une assemblée constituante, qui adopte, sitôt élue, une Constitution de type présidentiel. Mais le Congrès américain impose l'amendement Platt, aux termes duquel Cuba doit soumettre tout accord diplomatique et militaire à l'autorisation de Washington. Les États-Unis imposent, en outre, un droit d'intervention en cas de troubles et la cession de deux bases navales ; en échange, les produits cubains – le sucre, en particulier – bénéficient de privilèges douaniers aux États-Unis. Les Américains évacuent l'île en 1902, et le gouvernement se constitue sous la présidence de Tomás Estrada Palma. En 1906, les incidents provoqués par la réélection du président Palma et le soulèvement des libéraux de José Miguel Gómez amènent une nouvelle occupation américaine, qui dure jusqu'en 1912. Les États-Unis interviennent de nouveau en 1917, lors de l'insurrection de Gómez contre le président Mario García Menocal (1917-1919). Pendant cette période, les liens unissant l'économie cubaine à celle des États-Unis se resserrent, en particulier grâce à la loi du 17 novembre 1914, qui institue la parité entre le peso et le dollar. L'île est alors soumise à la quasi-monoculture de la canne à sucre.
Après la Première Guerre mondiale, la dépression économique provoque des troubles sociaux accompagnés d'un vif ressentiment à l'égard des États-Unis, confirmé par l'élection contestée d'Alfredo Zayas, en 1921. Puis le pays est soumis à la dictature du général Gerardo Machado (1925-1933). La crise de 1929, qui touche durement l'économie sucrière et accroît le mécontentement, se termine par la chute du gouvernement, en partie renversé par l'armée cubaine et le sergent Fulgencio Batista. Mais, devant la persistance du sentiment anti-américain, les États-Unis renoncent à leur droit d'intervention à Cuba dès 1934.
3. L'ère Batista

Devenu général, Fulgencio Batista domine, à partir de 1933, la vie politique de Cuba. Soutenu par les États-Unis, il s'oppose au libéral Ramón Grau San Martín, assure l'élection des présidents Carlos Mendieta (1934) et Miguel Mariano Gómez (1936) puis, de 1940 à 1944, détient le pouvoir à titre personnel. En 1944, à la faveur d'élections libres, Grau San Martín devient président ; mais son successeur, en 1948, Carlos Prío Socarrás, se discrédite aux yeux de tous. Fulgencio Batista reprend alors le pouvoir (10 mars 1952), bien accueilli par les syndicats et les communistes, qui ont déjà collaboré avec lui en 1940. Cependant, l'arbitraire et la corruption poussent l'opposition intellectuelle et paysanne hors des partis traditionnels : une première rébellion armée, qui s'est attaquée à la caserne de la Moncada, à Santiago de Cuba (26 juillet 1953), est réprimée brutalement, et son promoteur, Fidel Castro Ruz, emprisonné ; amnistié, ce dernier se réfugie au Mexique.

Che Guevara, « Objetivos de la lucha revolucionaria »
Fulgencio Batista est ensuite réélu en 1954. Cependant, le 2 décembre 1956, Fidel Castro débarque avec 80 partisans dans la province de l'Oriente, mais seule une poignée d'hommes, dont Che Guevara, réussit avec lui à prendre le maquis dans la sierra Maestra où, pendant deux ans, ils tiennent tête au gouvernement. La résistance urbaine, organisée par d'autres mouvements, se développe également, la guérilla rurale de Castro s'étendant dans les provinces orientales. Les États-Unis hésitent sur la politique à suivre. En mars 1958, ils suspendent l'envoi d'armes à Batista. Malgré l'échec d'une grève générale en avril, les insurgés brisent en juin la dernière grande offensive du gouvernement et lancent, à Noël 1958, une contre-offensive générale qui aboutit, en janvier 1959, au départ de Batista et à la proclamation d'Urrutia comme président (5 janvier 1960) par Fidel Castro. Une semaine plus tard, les États-Unis reconnaissent le nouveau régime.
4. Le régime castriste

4.1. La défense de la révolution

Fidel Castro
Bénéficiant d'un soutien populaire très favorable, le nouveau régime entreprend immédiatement des changements radicaux. Sur le plan institutionnel, une « loi fondamentale » remplace la Constitution de 1940. Créé le 16 octobre 1959, le ministère des Forces armées révolutionnaires (MINFAR) – l'organisation d'avant-garde la plus sûre du régime – est placé sous le commandement de Raúl Castro Ruz, frère cadet de Fidel. La volonté de rupture avec le passé se prolonge par le lancement, la même année, d'une vaste réforme agraire (suivie d'une seconde en 1963) et la nationalisation des entreprises industrielles et commerciales du pays. Cette nouvelle politique mettant en péril les intérêts américains dans l'île, les États-Unis décrètent, le 10 octobre 1960, l'embargo total sur les importations et exportations cubaines.

Fidel Castro, 1960
En avril 1961, 2 000 contre-révolutionnaires cubains, entraînés par la CIA, débarquent dans la baie des Cochons (Playa Girón), dans le sud de l'île, mais les assaillants sont rapidement écrasés par les forces castristes. L'orientation communiste du régime s'accélère alors, aboutissant, en décembre 1961, à la proclamation par Fidel Castro du caractère socialiste de la révolution. Les États-Unis obtiennent l'exclusion de Cuba de l'Organisation des États américains (OEA) en janvier 1962, et complètent ensuite leur arsenal répressif en imposant à l'île révolutionnaire un blocus économique et commercial.
L'Union soviétique profite alors de la confrontation entre Cuba et les États-Unis pour s'introduire dans la région des Caraïbes, longtemps domaine réservé de l'influence américaine : une aide massive en armes, matériel, conseillers et techniciens est fournie à Cuba, ce qui ne fait que conforter les Américains dans leur politique agressive.

John Fitzgerald Kennedy, le 22 octobre 1962John Fitzgerald Kennedy, le 22 octobre 1962
En 1962, le monde apprend que des missiles soviétiques ont été disposés sur le territoire cubain et pointés vers les États-Unis ; cette découverte provoque une crise internationale majeure (crise de Cuba). Les États-Unis, menaçant de déclencher une guerre, procèdent au blocus naval de l'île. La conflagration mondiale est évitée par Nikita Khrouchtchev, qui, démonstration faite de la puissance soviétique, accepte de démanteler les rampes de missiles.
Pour en savoir plus, voir l'article crise de Cuba.
4.2. L'institutionnalisation du régime

Le régime castriste consolide son pouvoir exclusif avec la création, le 1er octobre 1965, du parti communiste cubain (PCC), dont Fidel Castro est le secrétaire général. Issu des FAR, le PCC est exempt de toute lutte d'influence avec elles et constitue le second pilier du pouvoir. Poursuivant son intégration dans le monde communiste, Cuba obtient du « grand frère » soviétique qu'il s'engage à acheter chaque année, bien au-dessus du cours mondial, la moitié de la production de sucre cubaine. L'intégration économique de Cuba, qui intègre le Comecon en 1972, aux pays d'Europe de l'Est s'opère de plus en plus par le biais de commissions bilatérales, Fidel Castro se réservant les domaines de la réforme agraire et de la santé. Cependant, le principe général du Comecon étant fondé sur la spécialisation régionale ou nationale de la production, la politique économique ne fait que renforcer la dépendance de Cuba vis-à-vis de la production sucrière. Les progrès réalisés par le régime en matière d'éducation et de santé sont une grande réussite et, forte de son expertise, Cuba dispensera, à partir de 1963, une aide médicale gratuite dans de très nombreux pays d'Afrique, d'Amérique latine et d'Asie. Le premier congrès du PCC, en décembre 1975, puis l'adoption d'une Constitution socialiste, en février 1976, complètent l'organisation institutionnelle du régime, dont la radicalisation se poursuit. Déjà, dans les années 1960, des mesures d'encadrement social et politique avaient accompagné le durcissement du régime (en 1968, nationalisation du commerce privé ; en 1969, livret de travail obligatoire ; en 1971, lois antiparesse, centres de rééducation pour les absentéistes et les « éléments antisociaux », entraînement militaire obligatoire dans les écoles, etc.). Après la première vague d'émigration, consécutive à l'arrivée au pouvoir des révolutionnaires, 125 000 Cubains sont autorisés à partir pour la Floride (1980).
Malgré les pressions américaines, qui, à partir de 1987, pointent les manquements aux droits de l'homme, malgré l'activité des dissidents et les appels au pluralisme politique dans l'île, Cuba ne s'éloigne pas de la voie communiste tracée par Fidel Castro. Le vaste renouvellement qui a lieu à l'occasion du IIIe Congrès du PCC, en février 1986, où de nombreux vétérans sont écartés au profit de femmes, de jeunes et de Noirs, ne modifie pas la ligne du régime. Pourtant, en juin 1989, un procès retentissant ébranle les dirigeants du régime. Le général Arnaldo Ochoa, plusieurs officiers de haut rang ainsi que plusieurs ministres, dont le ministre de l'Intérieur, sont condamnés pour trafic de drogue, corruption et connivence avec une organisation criminelle colombienne, le cartel de Medellín. La secousse est forte, mais Fidel Castro la retourne à son profit et l'utilise pour fustiger la bureaucratie et appeler à son remplacement.
4.3. Les « missions » de Cuba en Afrique, dans la Caraïbe et en Amérique latine

À partir de 1961, plusieurs pays africains (Guinée, Congo-Brazzaville, Angola, Tanzanie, Somalie) ont recours à des instructeurs cubains pour assurer l'entraînement de leurs guérillos sur place ou à Cuba. L'île intervient militairement en 1976 en Angola et apporte, en 1977, une aide militaire massive au gouvernement éthiopien marxiste de Mengistu Hailé Mariam. L'ouverture à La Havane, le 3 septembre 1979, du sixième sommet des non-alignés est pour Castro un incontestable succès personnel. À partir de 1969, Cuba met en sourdine l'expansion de la révolution en Amérique latine. Cette décision, qui rompt avec le guevarisme originel de la révolution cubaine, permet le rétablissement des relations diplomatiques avec plusieurs pays hispano-américains. Cependant, Cuba continue d'apporter un soutien actif aux gouvernemenst caribéens et sud-américains qui s'engagent dans la voie socialiste (Guyana, Nicaragua, Grenade) ainsi qu'à la guérilla du Salvador, ce qui provoque une forte tension avec les États-Unis de Ronald Reagan.
Pour en savoir plus, voir les articles non-alignement, tiers-monde.
L'hostilité américaine permet à Fidel Castro de consolider son régime et de mobiliser le pays, en le préparant à une agression nord-américaine imminente, menace régulièrement brandie par la suite. En 1983, l'état d'alerte national est proclamé après l'invasion de l'île de la Grenade par l'armée américaine, où cette dernière met fin à l'expérience socialiste qui s'y était développée avec l'aide cubaine. La page du soutien actif aux révolutions d'Amérique latine et aux régimes communistes d'Afrique paraît alors définitivement tournée : après avoir mis un terme en 1989 à sa présence militaire en Éthiopie, Cuba procède en 1989-1990 au retrait de ses troupes d'Angola, consacrant ainsi son désengagement du continent africain. Par ailleurs, à la suite du départ des sandinistes, elle interrompt son aide au Nicaragua.
4.4. La fin de l'ère soviétique et l'isolement du régime

La visite de Mikhaïl Gorbatchev, en avril 1989, marque un tournant dans les relations soviéto-cubaines – Fidel Castro condamnant la politique d'ouverture et de transparence prônée par ce dernier. Le démantèlement de l'Union soviétique, le départ de ses troupes installées sur l'île et la fin des subsides provoquent une grave crise économique. Dès 1989, les services de police et de sécurité du ministère de l'Intérieur (MININT) sont placés sous le contrôle des FAR, qui sont également chargées d'administrer les secteurs clés de l'économie. En novembre 1990, le régime déclare l'entrée du pays en « période spéciale » et décrète le rationnement de tous les produits. Malgré la gravité de la situation économique et sociale, le gouvernement castriste durcit sa ligne politique. La dégradation qui s'ensuit pousse la population à des actes de désespoir : en juillet 1990, une cinquantaine de Cubains ayant trouvé refuge dans des ambassades étrangères à La Havane, la police cubaine pénètre dans l'enceinte de l'ambassade d'Espagne, provoquant ainsi une crise diplomatique aiguë entre les deux pays. En 1991, plusieurs milliers de Cubains franchissent, au péril de leur vie, le bras de mer qui sépare La Havane des îles Keys.
Cherchant à faire tomber le régime, les États-Unis durcissent leur embargo contre Cuba (qualifié par ce dernier de « blocus américain »). La loi Torricelli d'octobre 1992 rend illégal, pour un représentant étranger d'une compagnie américaine, le fait de commercer avec Cuba. Lorsqu'en 1994 des émeutes éclatent à La Havane, des milliers de Cubains tentent alors de gagner les côtes de Floride sur des radeaux de fortune : les États-Unis suspendent le droit à l'entrée automatique des Cubains sur leur territoire. En 1996, l'approbation de la loi Helms-Burton autorise l'administration américaine à poursuivre et à sanctionner des entreprises étrangères commerçant avec Cuba.
La visite du pape Jean-Paul II, en janvier 1998, est l'occasion d'une éphémère détente intérieure et internationale : plusieurs prisonniers politiques sont libérés (février) ; les États-Unis annoncent l'allégement de leurs sanctions ; les liaisons aériennes directes sont rétablies, les remesas, transferts de fonds en provenance des émigrés cubains, sont autorisés (droits bientôt étendus à tout résident américain, quelle que soit son origine), ce qui permet à de nombreuses familles de survivre.
Quant aux relations entre Cuba et les États-Unis, leur complexité est une nouvelle fois illustrée par la bataille juridique et médiatique de grande ampleur engagée autour d'Elián González, ce jeune garçon cubain secouru au large des côtes de Floride après le naufrage d'une embarcation de réfugiés (novembre 1999). Recueilli par des membres de sa famille installés à Miami, celui-ci est réclamé par son père soutenu par le régime castriste, qui en fait un symbole national. La justice américaine tranche en faveur de ce dernier, qui ramène son fils à Cuba (juin 2000). Dans les jours qui suivent, la Chambre des représentants adopte un texte autorisant désormais la vente de produits alimentaires et de médicaments à Cuba sous certaines conditions.
Au lendemain de l'élection de George Walker Bush à la présidence des États-Unis, l'administration américaine exerce une pression accrue sur l'île afin d'y hâter la fin du régime de F. Castro. Dans cette optique, Washington augmente son aide financière aux organisations anticastristes. En novembre 2001 cependant, après le passage dévastateur du cyclone Michelle, les États-Unis offrent une aide humanitaire à Cuba, essentiellement en produits humanitaires. Dans le contexte de la guerre contre le terrorisme décrétée par les États-Unis au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, Cuba figure désormais sur la liste des États fomentant le terrorisme. Cette décision fait l'objet de critiques de la part de l'ancien président Jimmy Carter, qui, effectuant en mai 2002 une visite historique dans l'île communiste, appelle en faveur de la levée de l'embargo et apporte son soutien au projet Varela, une pétition initiée par des membres de la dissidence réclamant un référendum sur les libertés civiles.

Hugo Chávez et Fidel CastroHugo Chávez et Fidel Castro
Cuba cherche à rompre son isolement en renforçant ses relations diplomatiques et économiques avec ses voisins des Caraïbes ou d'Amérique du Sud. En 2002, la visite du président mexicain Vicente Fox contribue à renouer des liens largement distendus depuis le vote par le Mexique d'une résolution contre Cuba. Le Venezuela d'Hugo Chávez constitue, à bien des égards, le plus fidèle allié de Cuba. Les deux pays ont développé des relations privilégiées, concrétisées par nombre d'accords économiques et de projets conjoints. Ainsi, Caracas fournit un tiers des besoins en hydrocarbures de l'île ; en échange, Cuba déploie des milliers de médecins, de professeurs et d'entraîneurs sportifs au Venezuela. Tous les deux hostiles au projet de Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), lancé par Bill Clinton en 1994 et qu'ils dénoncent comme un projet néolibéral et néocolonial, Hugo Chávez et Fidel Castro lui opposent l'Alternative bolivarienne pour les Amériques (ALBA), un projet alternatif d'intégration de la Patagonie aux Caraïbes. Cuba reprend également le dialogue avec l'Union européenne qui ouvre un bureau à La Havane ; les deux parties discutent de l'adhésion de l'île aux conventions de Lomé. Par ailleurs, l'Assemblée générale de l'ONU vote à nouveau, cette fois presque à l'unanimité (à l'exception des États-Unis, d'Israël et des îles Marshall), pour la levée de l'embargo américain.
Sur le plan intérieur, le régime castriste n'annonce cependant aucune inflexion de sa ligne politique traditionnelle. Au printemps 2003, Cuba lance une nouvelle campagne de répression : 75 dissidents (dont le journaliste et poète Raúl Ribero, libéré, pour raisons de santé, en décembre 2004), accusés d'être des « mercenaires » au service des États-Unis, sont condamnés à de très lourdes peines de prison au cours de procès expéditifs ; 3 personnes ayant détourné un ferry pour se rendre aux États-Unis sont exécutées. Depuis, condamné par la Cour européenne des droits de l'homme (avril 2004) et sanctionné par l'Union européenne, le régime cubain n'a de cesse de souffler le chaud et le froid, procédant alternativement à quelques libérations et à de nouvelles arrestations et cherchant à atténuer la pression de l'Europe en la divisant. En juin 2003, les membres fraîchement élus de l'Assemblée nationale de Cuba approuvent l'inscription dans la Constitution du pays d'un amendement prévoyant l'impossibilité d'une remise en cause du système socialiste. En juin 2004, les États-Unis annoncent des restrictions limitant la fréquence des venues sur l'île des Cubains exilés aux États-Unis ; les autorités cubaines répliquent par le retrait de la devise américaine (introduite en 1993).
En 2005, F. Castro – conforté par une coopération de plus en plus étroite avec le Venezuela de Hugo Chávez, par une série de succès de la gauche latino-américaine tout au long de 2004 et par l'imminence d'autres basculements à gauche en 2005 – se convainc de la nécessité de refermer l'étroite ouverture économique et civile consentie à contre-cœur lors des années 1990. Ainsi est lancée l'opération de « rationalisation de l'économie », se traduisant essentiellement par la reprise de contrôle par l'État d'activités (microcommerce, services) qui lui avaient échappé. En avril 2006, F. Castro signe avec les présidents vénézuélien, H. Chávez, et bolivien, Evo Morales, un Traité commercial des peuples (TCP), conçu comme une alternative aux accords de libre-échange signés avec les États-Unis par la Colombie et le Pérou.
5. Cuba à l'heure de la transition

Castro (Raul)
Le 31 juillet 2006, F. Castro, malade, annonce la délégation provisoire de ses fonctions à la tête de l'État à son frère Raúl, son successeur officiellement désigné depuis 2001. Afin de pérenniser la survie de la révolution, le secrétariat du Comité central du PCC, qui avait été supprimé en 1991, mais qui restait le seul « digne héritier » de F. Castro selon les propres mots de son frère, est restauré, laissant présager une nouvelle direction collégiale à la tête du pays.
Durant les mois qui suivent, dans ses quelques rares apparitions et déclarations publiques, le nouveau chef transitoire de l'État réaffirme chaque fois la continuité du régime tout en donnant quelques timides signes d'ouverture, appelant ainsi les dirigeants à « écouter » la population et à faire preuve davantage « d'autocritique ».
Le 26 juillet 2007, dans un discours intitulé « Travailler avec un sens critique et créateur sans sclérose ni schématisme », R. Castro reconnaît la nécessité de « changements structurels et conceptuels » afin d'augmenter la productivité industrielle et agricole ainsi que les très bas salaires, tendant par ailleurs « un rameau d'olivier » aux successeurs de G. W. Bush.
Le 28 décembre, devant l'Assemblée nationale du pouvoir populaire (ANPP), il admet le poids des « prohibitions excessives » et annonce que le gouvernement continuera à faire en sorte « que la terre et les ressources soient détenues par ceux capables de produire avec efficacité ».
Après avoir ainsi préparé la succession officielle, R. Castro est élu à l'unanimité par les députés de l'ANPP à la présidence du Conseil de l'État le 24 février 2008. Depuis, le changement dans la continuité semble s'imposer. Malgré les appels à la démocratisation, la nomination d'une personnalité très orthodoxe comme numéro 2 du régime, José Ramón Machado Ventura, est interprétée plutôt comme un signe de durcissement, adressé notamment aux États-Unis. Dans cette phase de transition, les réformes économiques semblent toutefois inévitables.
5.1. Vers la fin de l'isolement

Bien accueillie par la communauté internationale, l'accession au pouvoir de R. Castro est suivie tout d'abord d'une nette amélioration des relations entre Cuba et l'Union européenne. En juin 2008, les sanctions imposées en 2003 par les Vingt-Sept sont officiellement levées et la coopération avec l'UE reprend à partir du mois d'octobre.
Ouvertement soutenu par la plupart des pays latino-américains, notamment lors du premier sommet des pays d'Amérique latine et des Caraïbes sur l'intégration et le développement (CALC, Cumbre de América Latina y el Caribe) réuni au Brésil en décembre 2008, Cuba peut aussi compter sur les nouvelles orientations de la politique étrangère des États-Unis depuis l'élection de Barack Obama à la Maison-Blanche. En février 2009, un rapport présenté par le républicain Richard G. Lugar de la Commission des Affaires étrangères du Sénat, constate d'emblée « l'inefficacité » de la politique américaine en vigueur depuis 47 ans alors que « Cuba a cessé d'être une menace pour les États-Unis ».
Si la suppression de l'embargo est pour le moment écartée, l'assouplissement de certaines restrictions – dans les secteurs de l'agriculture, de la santé et des énergies renouvelables notamment – ainsi qu'une meilleure coordination dans la lutte contre le trafic de drogue et l'émigration clandestine y sont ainsi préconisés, en vue de l'instauration progressive d'un climat de confiance entre les deux pays. Dans un premier temps, les restrictions sur les voyages et les transferts d'argent des Cubano-Américains vers leur pays d'origine sont ainsi levées avant la réouverture des discussions sur l'immigration et l'envoi direct de courrier. En juin 2009, l'exclusion de Cuba de l'Organisation des États américains (OEA), décidée en 1962 à la demande des États-Unis, est annulée et si Cuba écarte son éventuelle réintégration, cette mesure, adoptée par consensus, est hautement symbolique et constitue une nouvelle étape vers la fin de son isolement.
5.2. La question des droits de l'homme

En février 2010, la mort du dissident Orlando Zapata des suites d'une grève de la faim observée pour protester contre ses conditions de détention, suscite de nouveau l'attention de la communauté internationale sur le sort des prisonniers politiques à Cuba. Cinq opposants, dont quatre détenus, faisant partie des 75 personnes arrêtées en mars 2003 et dont la plupart sont toujours en prison, cessent à leur tour de s'alimenter en signe de protestation. Outre ces 75 dissidents du « printemps de Cuba », plus de 200 prisonniers politiques seraient toujours détenus dans les geôles cubaines. R. Castro dit « regretter » ce décès qui intervient alors que les relations avec Washington se sont tendues depuis l'arrestation en décembre 2009 d'un citoyen américain, accusé d'espionnage. Si des protestations s'élèvent en Europe et aux États-Unis, et si l'Église catholique cubaine appelle le gouvernement à créer des « conditions de dialogue », les réactions sont plus rares en Amérique latine – à l'instar de celle, embarrassée, du président brésilien Lula en visite officielle dans l'île au même moment. Les démarches de l’archevêque de La Havane et du gouvernement espagnol ainsi que les protestations des mères et des épouses des prisonniers politiques (les « Dames en blanc ») portent pourtant leurs fruits : entre juillet et décembre, plus de 50 détenus sont libérés mais, dans la plupart des cas pour l’heure, à condition qu’ils s’exilent.
5.3. D'inévitables réformes économiques

Alors que Cuba pourrait bientôt devenir insolvable, un nouveau cours économique s’avère de plus en plus inévitable.
Le gouvernement a d’ores et déjà pris des mesures de libéralisation en annonçant les nouvelles activités privées qui seront dorénavant autorisées, afin de permettre en particulier le reclassement de quelque 500 000 fonctionnaires dont les postes doivent être supprimés. Rompant avec la priorité donnée jusqu’ici au plein emploi sur la productivité, le nouveau programme gouvernemental, rendu public en novembre 2010, prévoit notamment une réorientation des travailleurs sous-employés et des chômeurs vers les activités les plus productives ou en manque de main-d’œuvre comme le bâtiment et l’agriculture, la réduction des subventions dont la suppression du livret universel d’approvisionnement (la Libreta, qui permettait depuis 50 ans à la population de recevoir des aliments de base à des prix très réduits) réservé désormais aux plus démunis, le renforcement de l’autonomie de gestion des entreprises publiques, la création de zones spéciales de développement… autant de mesures qui sont entérinées parmi d’autres lors du VIe Congrès du parti communiste réuni du 16 au 19 avril 2011. Les dirigeants historiques du régime, qu’ils soient politiques – comme le n°2 J. R. Machado Ventura – ou militaires, sont reconduits pour la plupart dans leurs fonctions au sein d’un Bureau politique resserré. R. Castro – qui a par ailleurs proposé que les mandats au sein du gouvernement et du parti soient limités au maximum à deux périodes consécutives de cinq ans – succède officiellement à son frère comme premier secrétaire.
Avec l’autorisation du crédit bancaire aux petits entrepreneurs privés (environ 340 000 depuis 2010) et aux paysans, de l’ouverture de comptes courants, de la vente directe de produits agricoles aux touristes ou encore la possibilité de vendre et d’acheter son logement et sa voiture, la libéralisation partielle de l’économie cubaine, officialisée par l’Assemblée nationale en août, se poursuit à la fin de l’année.
5.4. Vers la normalisation des relations avec les États-Unis

Accueillie comme une décision historique, l’annonce solennelle faite le 17 décembre 2014 par B. Obama et par R. Castro de l’ouverture de discussions en vue de normaliser les relations entre leur pays respectif officialise une politique annoncée cinq ans auparavant. Elle est le fruit d’une longue maturation et de plusieurs mois de négociations menées avec la médiation du Vatican et la collaboration du Canada. Les intérêts économiques réciproques des deux pays et l’inefficacité de l’isolement de Cuba sont ainsi publiquement reconnus, même si plusieurs mesures d’assouplissement avaient déjà été mises en application. La détérioration de la situation économique et politique du Venezuela, principal allié de La Havane, pourrait aussi avoir accéléré ce rapprochement, qui devrait faciliter la libéralisation de l’économie de l’île.
Faute d’une véritable démocratisation, l'annonce du rapprochement suscite cependant l’hostilité d’une partie de la communauté américano-cubaine et des partisans les plus inflexibles de l’embargo. Si la levée de ce dernier et le rétablissement des relations diplomatiques devraient en découler, un tel tournant doit encore obtenir l’assentiment du Congrès, désormais contrôlé par les républicains.

 

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PYRAMIDE

 

 

 

 

 

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Cet article fait partie du dossier consacré à l'Égypte ancienne.
Grande construction à base quadrangulaire et à quatre faces triangulaires, se terminant en pointe.
ARCHÉOLOGIE

Les pyramides sont des structures à base carrée, rectangulaire ou triangulaire et à faces triangulaires qui s'élèvent en forme de pointe. Le nom provient sans doute d'un ancien mot égyptien mais c'est à travers le grec (langue dans laquelle il désignait peut-être une sorte de gâteau de forme pyramidale) qu'il nous est parvenu.
Les pyramides artificielles les plus importantes et les plus célèbres sont des structures de pierre élevées servant de sépultures aux pharaons égyptiens de l'Ancien Empire. Ce type de sépulture fut repris périodiquement dans l'Égypte du Sud et en Nubie pendant deux mille cinq cents ans, mais à une échelle beaucoup plus modeste. Parmi les autres structures monumentales de forme principalement pyramidale, l'on trouve en Mésopotamie ancienne les ziggourats en briques de terre crue, des tours bâties pour soutenir des chapelles, ainsi que de nombreux vestiges précolombiens au Mexique, en Amérique centrale et au Pérou, construits principalement comme soubassements de temples.
Les pyramides égyptiennes


Les pyramides égyptiennes étaient des monuments funéraires, à l'origine, exclusivement réservés au pharaon, dont ils abritaient les dépouilles ; par sa forme, la pyramide symbolisait l'escalier menant le pharaon vers Rê, le dieu Soleil.
Environ quatre-vingts pyramides de l'Égypte antique ont été conservées. La plupart d'entre elles sont situées sur la rive occidentale du Nil, au bord du désert et au-delà de la zone cultivable de la vallée. La plupart des grandes pyramides égyptiennes furent élevées pendant l'Ancien Empire, entre les IIIe et VIe dynasties à Gizeh, Saqqarah, Dahchour, Meïdoum et Abousir. Tous ces sites se trouvent au nord du pays, à environ 30 kilomètres de l'ancienne capitale, Memphis, juste au sud du Caire actuel. Quelques pyramides plus modestes furent aussi érigées dans le Nord pendant la première période intermédiaire, et ultérieurement, pendant le Moyen Empire, il y eut un renouveau de construction de pyramides dans la province du Fayoum. Il existe même quelques très petites pyramides qui n'ont toujours pas été identifiées en Égypte, par exemple à Seila, Zaouiêt-el-Amouat et El Kola, et celles-ci remontent probablement aussi à l'Égypte primitive.
La forme pyramidale persista pendant le Nouvel Empire, visible dans les petites superstructures en terre crue que sont les chapelles mortuaires de roturiers à Abydos et à Thèbes. Le dernier renouveau majeur de cette forme au bord du Nil est situé beaucoup plus bas au sud, en Nubie – à Kuru, Nuri, Napata et Méroé – où les structures en briques de terre crue étaient élevées à partir de bases carrées très exiguës. Ces pyramides exceptionnelles appartiennent à une période d'hégémonie locale dans le Sud alors que l'Égypte elle-même était sous le joug de pays étrangers. Datant de 720 avant J.-C. à 350 après J.-C., ces pyramides offrent un exemple d'une adaptation tardive et très intéressante de la forme caractéristique de l'ancienne sépulture royale de l'Égypte.
Bien qu'aucune des sépultures dans les pyramides n'ait résisté aux déprédations des pilleurs de tombes, il est néanmoins manifeste que les pyramides étaient destinées à servir de sépultures ou de cénotaphes. Il est probable que ce type de sépulture ait finalement été abandonné car, en dépit de sa taille et de sa complexité, chaque pyramide était pillée peu après sa fermeture hermétique. Non seulement ces pyramides contiennent des sarcophages brisés, des vestiges d'objets façonnés retrouvés à l'intérieur et à l'extérieur et suffisamment de preuves inscrites pour pouvoir identifier les défunts, mais elles sont aussi entourées d'autres sépultures dans d'évidents cimetières, ce qui porterait à croire que les pyramides étaient bien des sépultures. En outre, pendant les Ve et VIe dynasties, les pyramides contenaient des textes dans la salle intérieure qui faisaient référence à l'existence de tombes dans les pyramides et, de même, les écrits ultérieurs mentionnent l'incapacité des pyramides de conserver les défunts et leurs biens. → Textes des pyramides.
Un complexe mortuaire

La pyramide elle-même est un tumulus élevé en pierre à l'intérieur duquel ou sous lequel se trouvait une sépulture, mais cette structure n'est qu'un élément d'un complexe plus vaste d'édifices qui composent le monument intégral. À côté de la pyramide, en général à l'est, il y avait un temple mortuaire où la dépouille momifiée du souverain recevait les derniers sacrements. Celui-ci laissait une dotation qui garantissait un approvisionnement d'offrandes au temple longtemps après son inhumation. Tandis que les renfoncements à l'intérieur des pyramides étaient censés rester scellés et inaccessibles, les prêtres, les membres de la famille et les sujets loyaux pouvaient continuer de présenter leurs hommages dans ces temples relativement petits.
Un lien semblable entre le temple mortuaire et le tombeau existait à travers toutes les périodes et parmi la plupart des échelons sociaux dans l'Égypte antique. Mais même les entrées de tombeaux assez inaccessibles se révélaient être malencontreusement proches à cause des temples mortuaires fort visibles. Dans le Nouvel Empire, l'on tenta de séparer les temples mortuaires des inhumations royales (que l'on cachait dans des tombes-tunnels creusées dans la Vallée des rois, qui était secrète et dissimulée à l'ouest du Nil, à Thèbes). Cela entraîna la nécessité d'inverser les tailles proportionnelles de ces deux structures mais, en fin de compte, cela ne protégea pas davantage les sépultures.
En plus de ces deux éléments essentiels à chaque complexe pyramidal, il y avait aussi un mur d'enceinte pour délimiter l'emplacement de chaque sépulture. D'autres monuments en l'honneur du souverain défunt étaient élevés à l'intérieur de ce mur, dont une pyramide subsidiaire, qui contenait probablement le faux sarcophage du double du roi. Puisque les pyramides étaient construites dans le désert stérile et éloigné des limites cultivables, on estimait souvent qu'il était nécessaire de construire un temple dans la vallée du Nil afin que l'entourage funéraire puisse y accéder en bateau. Après avoir débarqué au temple avec la dépouille royale, les offrandes et le trésor destiné à la vie future du roi, le cortège funèbre pouvait avancer le long d'une chaussée couverte qui débouchait sur le temple mortuaire.
Tous les complexes mortuaires des pyramides achevées entre les IVe et XIIe dynasties partageaient ces caractéristiques principales.
Caractéristiques des pyramides égyptiennes

Gizeh
Parfaite dans sa rigueur géométrique à Gizeh (pyramides de Kheops, Khephren et Mykerinus), la pyramide évoque avec gigantisme la pétrification des rayons bénéfiques du soleil. Lorsque ses dimensions deviennent plus modestes (à partir de la Ve dynastie) au profit du développement du temple funéraire (tombeau de Montouhotep à Deir el-Bahari) et qu'elle se réduit à un pyramidion dans certaines tombes de Deir el-Medineh, elle symbolise toujours l'aspiration suprême : celle de la renaissance dans l'au-delà. C'est le cadre naturel de la montagne thébaine qui est à l'origine de sa destination funéraire.
Parfaitement orientée (au moyen de repères astronomiques) et édifiée pendant l'Ancien Empire en matériaux nobles (calcaire appareillé, revêtement de granite, etc.), la pyramide était toujours le point culminant d'un complexe funéraire monumental comprenant un temple haut (celui du culte funéraire) et un temple bas (destiné à la réception des cortèges), plusieurs barques solaires réparties le long de la chaussée reliant les deux temples ou étant placées le long de l'enceinte. Sous la pyramide même, un réseau de galeries et de chambres profondément creusées abrite les sépultures du pharaon et de sa famille ainsi que de nombreuses offrandes. Saqqarah marque, avec les impressionnants degrés recouvrant le mastaba originel, le départ d'une constante évolution qui, avant d'aboutir à la perfection de Gizeh, est jalonnée par Meidoum et Dahchour. C’est dans la pyramide de Saqqarah celle du dernier pharaon de la Ve dynastie, Ounas, qu'apparurent pour la première fois les textes en hiéroglyphes gravés sur les parois des chambres intérieures, textes indiquant le but religieux de ces monuments. Inauguré par Djoser et son génial architecte, le divin Imhotep, ce mode de sépulture fut utilisé en Égypte jusqu'à la XVIIe dynastie ; il connut un nouvel éclat au Moyen Empire avec les constructions de Memphis, Licht, Dahchour et du Fayoum pour Sésostris II et Amenemhat III, et témoigna de la persistance des traditions religieuses égyptiennes à Napata et Méroé en Nubie.
La pyramide de Kheops
Gizeh, la pyramide de KheopsGizeh
La pyramide du pharaon Kheops est la plus grande pyramide véritable et elle compte parmi les merveilles artificielles du monde. À sa base, elle mesure environ 230 mètres de côté et sa hauteur, qui faisait environ neuf mètres de plus qu'aujourd'hui, était de 147 mètres. Cette structure presque entièrement solide contiendrait environ 2,3 millions de blocs de grès pesant entre deux à trois tonnes chacun. Ces blocs étaient extraits de carrières avoisinantes et le tout était probablement revêtu de calcaire finement travaillé provenant de la carrière de Tura, de l'autre côté du Nil, au sud du Caire actuel.

La Grande Pyramide, Kheops
La pyramide de Kheops comportait des galeries reliant le côté septentrional à trois salles principales placées les unes au-dessus des autres. La salle supérieure, qui se trouve approximativement au milieu de la pyramide, mais qui n'est pas centrée, était reliée à une grande galerie avec une voûte en encorbellement. La salle en granit contient toujours le sarcophage brisé du souverain. Sur le côté oriental de la pyramide, des fouilles ont révélé le temple mortuaire ainsi qu'une partie de la chaussée et plusieurs cavités contenant les grandes barques en bois datant de plusieurs siècles et qui étaient probablement utilisées pour transporter la dépouille du souverain, son attirail funéraire et le cortège funéraire vers la pyramide.
La pyramide de Khephren
Sphinx et pyramide de KhephrenSphinx et pyramide de Khephren
La pyramide de Khephren, le fils de Kheops, se trouve au milieu du groupe de Gizeh. Bien qu'elle soit un peu plus modeste que la pyramide de Kheops, elle est plus impressionnante que cette dernière à cause du revêtement de calcaire qui recouvre encore le sommet, et aussi de l'excellent état de la plupart des éléments du complexe pyramidal. Le temple de la vallée qui se trouve à côté du grand Sphinx en roc est remarquablement intact et sa chaussée, son mur d'enceinte, son temple mortuaire et sa pyramide subsidiaire sont tous reconnaissables.
La pyramide de Mykerinus
La pyramide de Mykerinus, au sud de celle de Khephren, est beaucoup plus petite : sa base ne mesure que le quart de celle de Kheops mais, à une exception près, la pyramide de Mykerinus est plus grande que les dernières pyramides.
Mode de construction des pyramides de Gizeh

L'un des principaux mystères qui entourent les pyramides de Gizeh est leur mode de construction. Les chercheurs ne s'accordent toujours pas sur un modèle unique, et les hypothèses continuent d'être proposées – on ne tiendra pas compte ici des théories qui attribuent la construction des pyramides à des interventions surnaturelles.
Diodore de Sicile rapporte un mode de construction fondé sur une rampe frontale s'élevant en même temps que la pyramide, sur laquelle les énormes pierres mises en œuvre pouvaient être roulées. Cette théorie, avec de nombreuses variantes, a été développée par des auteurs contemporains (Jean-Philippe Lauer, le Mystère des pyramides, 1988). Certains ont proposé l'hypothèse d'une rampe enveloppante, tournant autour de la pyramide au fur et à mesure de son élévation. Ce premier groupe de théories présente cependant un inconvénient lorsqu'on l'applique aux énormes masses des monuments de Gizeh : la construction de la rampe, qui doit être démontée par la suite, nécessite la mise en œuvre d'un volume de matériaux supérieur à celui de la pyramide elle-même.
Hérodote rapporte un système de construction au moyen d'engins de levage qui permettent de soulever des blocs de pierre de 2 à 3 tonnes, comme ceux qui constituent la plus grande part de la pyramide. Cette théorie a été notamment développée par l'Allemand Karl Richard Lepsius (Über den Bau der Pyramiden, 1843). Elle ne peut cependant expliquer comment des blocs de plusieurs dizaines de tonnes ont pu être amenés au sommet de la chambre du roi dans la pyramide de Kheops.
Une dernière théorie, reprenant le système décrit par Hérodote puis par Lepsius pour l'élévation des blocs de 2,5 tonnes, propose d'expliquer l'insertion de blocs de granit de 40 tonnes au-dessus de la chambre de Kheops par l'utilisation d'un ascenseur oblique, dont la grande galerie située à l'intérieur de la pyramide constituerait la glissière et dont le contrepoids serait formé de cinq blocs indépendants, permettant de diminuer ainsi, en le divisant, le poids des énormes blocs de granit mis en œuvre ; plusieurs indices sembleraient étayer cette thèse (Pierre Crozat, Système constructif des pyramides, 1997).
Inde et contrées indianisées


PaganPagan, le stupa Shwezigon
La montagne, axe du monde (le mont Meru) ou séjour des dieux, est figurée dans la cosmologie par une pyramide à gradins. Partout, cette notion inspire la composition des toitures des sanctuaires, assimilés à la montagne demeure du dieu : toitures curvilignes (shikhara), dans l'architecture du Nord, ou à terrasses étagées des vimana dravidiens. L'ensemble du soubassement du temple évoque la même idée, quoique de manière moins élaborée, sauf hors de l'Inde propre et spécialement dans l'art khmer (Bakong, 881 ; Angkor Vat). Une formule proche a été développée en Thaïlande, dès la fin du xiiie s., pour les prang, tours-reliquaires (Thonburi). Dans le bouddhisme, le stupa participe de la même symbolique : stupa aux terrasses étagées de l'Asie du Sud-Est (Java, Barabudur ; Birmanie, Pagan).
Les pyramides précolombiennes

Tikal, GuatemalaTikal
Dans l'aire méso-américaine, les pyramides apparaissent dès le préclassique moyen (La Venta, Cholula, etc.). Pour l'époque classique, citons : Teotihuacán, El Tajín, Tikal, Palenque, Uxmal, etc. Ce type de construction est encore en usage durant le postclassique (Tula, Chichén Itzá, Tenochtitlán, etc.). Plus rare en Amérique du Sud, on le rencontre cependant dans la culture Mochica.
Palenque, le temple des InscriptionsPalenque, le temple des Inscriptions
Les pyramides de l'Amérique précolombienne présentent plusieurs différences fondamentales avec celles de l’Égypte. Elles étaient rarement de véritables pyramides du point de vue géométrique car elles étaient le plus souvent à degrés, et elles n'avaient pas pour fonction essentielle d'abriter des tombes. Ces pyramides monumentales semblent avoir été construites principalement pour servir de soubassements à des temples et ont ainsi davantage en commun avec les ziggourats de Mésopotamie qu'avec les pyramides d'Égypte. Une exception notoire est le « temple des Inscriptions » maya à Palenque, au Mexique, qui recouvre une tombe ouvragée qui dut être construite avant la pyramide qu'elle soutient.
Les plates-formes à degrés sont répandues et les plus imposantes sont situées dans les provinces mexicaines et mayas et sur la côte septentrionale du Pérou. Leur forme principale est celle du tertre ou du tumulus rectangulaire ou carré, élevé en étages avec des faces en pente. Plus rarement, on trouve aussi des bases rondes surmontées de couches coniques dont il existe deux exemples primitifs au Mexique, datant du Ier millénaire avant J.-C. Au site olmèque de La Venta se trouve un tertre rectangulaire en argile mesurant environ 70 x 90 mètres à la base et 32 mètres de hauteur. À Cuicuilco près de Mexico, un tertre rond de terre et de gravats fait 135 mètres de diamètre et 20 mètres de hauteur. Au Pérou, deux grands tumuli furent érigés dans la vallée de Moche au début du Ier millénaire après J.-C. Le plus grand des deux, le Huaca de Sol, est une énorme structure en adobe mesurant environ 136 x 228 mètres de base et s'élevant à une hauteur de 41 mètres.
L'adobe, brique de terre et paille, était sans doute le matériau de construction le plus courant des pyramides, mais la terre et les gravats étaient aussi assez répandus. Il semblerait que toutes les pyramides fussent revêtues de plâtre et de peinture. Même les façades extérieures finement travaillées semblent avoir été à l'origine recouvertes de plâtre. La peinture et la sculpture en relief étaient utilisées en décoration.
À Teotihuacán, dans le Mexique central, la pyramide du Soleil mesure environ 225 mètres de côté, se rapprochant ainsi des dimensions de la pyramide de Kheops, et 64 mètres de hauteur. La masse de la pyramide en ruine de Cholula est même supérieure à celle de Kheops.
Dans la région maya, l'utilisation d'un mortier de chaux de bonne qualité et de voûtes à encorbellements rendit possibles des pyramides spectaculaires qui conservaient mieux les édifices des temples que celles dépourvues de voûtes à encorbellements. À Tikal, au Guatemala, il existe plusieurs groupes de pyramides-temples bien conservés qui s'élèvent jusqu'à 60 mètres. L'accès au sommet des pyramides se faisait par des escaliers extrêmement abrupts, qui devaient jouer un rôle dans la mise en scène des cortèges religieux.
De nombreuses pyramides furent régulièrement agrandies en bâtissant par-dessus la structure originale, y compris le temple au sommet. Par bonheur, cette pratique conserva les formes des anciens édifices que des fouilles ont pu révéler dans de nombreux sites.

 

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CONGO

 

République démocratique du Congo (RDC)
anciennement Congo belge et, de 1971 à 1997, Zaïre


Carton de situation - République démocratique du CongoDrapeau de la
démocratique du Congo
État d'Afrique centrale, la République démocratique du Congo est limitée au nord par la République centrafricaine et le Soudan du Sud, à l'est par l'Ouganda, le Rwanda, le Burundi et la Tanzanie, au sud-est et au sud par la Zambie, au sud-ouest par l'Angola, avec un couloir divisant ce dernier pays en deux (l'enclave de Cabinda appartenant à l'Angola) et s'acheminant jusqu'à l'océan Atlantique, et à l'ouest par le Congo. À l'est, une série de lacs (du nord au sud, lac Albert, lac Édouard, lac Kivu, lac Tanganyika, lac Mweru) constitue une frontière naturelle et discontinue.
Superficie : 2 345 000 km2
Nombre d'habitants : 67 514 000 (estimation pour 2013)
Nom des habitants : Congolais
Capitale : Kinshasa
Langue : français
Monnaie : franc congolais
Chef de l'État : Joseph Kabila
Chef du gouvernement : Augustin Matata Ponyo Mapon
Nature de l'État : république
Constitution :
Adoption : 18 décembre 2005
Entrée en vigueur : 18 février 2006
Pour en savoir plus : institutions de la République démocratique du Congo
GÉOGRAPHIE

Traversé par l'équateur, le pays s'étend sur la cuvette forestière humide et chaude qui correspond à la majeure partie du bassin du fleuve Congo et sur les plateaux ou hauteurs de l'Est. La population (plus de 500 ethnies), très inégalement répartie, connaît une forte croissance ; l'exode rural a gonflé les villes (Kinshasa). Le secteur agricole, toujours dominant, est surtout vivrier (manioc, maïs, banane plantain). Des plantations fournissent huile de palme, palmistes, café et cacao. Les ressources minières sont abondantes et variées (cuivre, cobalt et diamants industriels ). Le potentiel hydroélectrique, un des plus puissants du monde, est sous-utilisé. L'exploitation de gisements pétrolifères, encore modeste, semble prometteuse. Kinshasa, Lubumbashi et Kisangani concentrent les quelques activités industrielles. La désintégration du pouvoir politique a entraîné celle de l'économie, qui relève aujourd'hui très largement du secteur informel.
1. Le milieu naturel

Les grandes étapes de l'histoire géologique de l'Afrique centrale expliquent assez bien les paysages morphologiques actuels de la République démocratique du Congo. Pendant toute la période précambrienne, une succession de cycles orogéniques façonnèrent un socle continental, ou bouclier, finalement aplani et fortement minéralisé. Du paléozoïque au cénozoïque, une érosion surtout continentale accumule d'épaisses séries sédimentaires, en majorité gréseuses, dans les dépressions de la surface. Au miocène, la tectonique a eu deux conséquences essentielles : d'une part, la formation d'une vaste cuvette limitée par des bombements périphériques plus ou moins élevés, et, d'autre part, des fractures majeures donnant naissance à des fossés d'effondrement et à des manifestations éruptives. On peut reconnaître ainsi plusieurs grandes unités physiques.
Au nord-ouest, limitée artificiellement par les cours du Congo et de l'Oubangui, s'étend, entre 300 et 500 m d'altitude, une cuvette alluviale sillonnée par un dense réseau hydrographique ; de larges plaines inondables, où s'étalent les crues, s'enfoncent vers l'amont entre des terrasses sablonneuses et sèches. Un talus bien marqué ou une pente régulière font la transition avec des plateaux dont l'altitude croît jusqu'à plus de 1 000 m, et dans lesquels les rivières ont creusé des vallées profondes et verdoyantes. Une troisième auréole est formée par les terrains anciens, qui offrent des paysages variés : hauts plateaux semés d'inselbergs (Katanga occidental, Uélé), alignements de collines et de chaînons appalachiens (Mayombe), lourds massifs aux sommets aplanis (Mitumba, monts Kibara) voisinant avec des fossés d'effondrement (Upemba). Les contrastes sont majeurs à l'est, avec les grands rifts occupés par des lacs (Tanganyika, Kivu), que dominent horsts granitiques (Ruwenzori) ou appareils volcaniques (chaîne des Virunga). À l'ouest, une étroite façade maritime comprend de bas plateaux et une côte à cordons sableux souvent marécageuse.
La République démocratique du Congo connaît trois régimes climatiques. Le Centre (la Cuvette) a un régime équatorial : plus de 1 500 mm de pluies par an, étalées sur toute l'année, une température moyenne de 26 °C à très faible amplitude, une forte humidité atmosphérique. Le Nord et le Sud connaissent un régime tropical : 3 à 7 mois de saison sèche, averses souvent violentes, amplitude thermique annuelle de 6 à 10 °C. L'altitude (à l'est) altère la zonalité des climats : forts contrastes pluviométriques entre les versants, températures moyennes modérées (16 à 18 °C) ; neiges éternelles et glaciers coiffent le Ruwenzori. La façade maritime, baignée par les eaux fraîches du courant de Benguela, est anormalement sèche pour sa latitude (800 mm par an). Ces caractéristiques climatiques expliquent les régimes fluviaux : à cheval sur les deux hémisphères, le bassin du fleuve Congo est alimenté toute l'année. Les nombreux lacs de la cuvette centrale et de l'Est jouent un rôle économique précieux (navigation et surtout pêche).
Trois grands types de formations végétales se partagent le territoire. La forêt dense ombrophile (1 million de km2) occupe la basse cuvette, une partie des reliefs de l'Est et se prolonge en galeries dans la zone des plateaux. La présence du palmier à huile y témoigne du passage des hommes. La savane lui succède : son aspect varie avec les conditions locales physiques et humaines : savane herbeuse, arbustive, arborée, boisée. Au Katanga et au sud-ouest règne la forêt claire décidue, dont la strate arborée domine un tapis herbacé continu. Sur les pentes des hautes montagnes de l'Est, l'étagement de la végétation est classique : nebelwald, puis forêt de bambous, bruyères arborescentes, séneçons, mousses, etc.
2. La population

Yodler des Pygmées du ZaïreYodler des Pygmées du Zaïre
Un vaste territoire (plus de quatre fois la superficie de la France), des distances considérables (l'équivalent de Paris-Moscou entre la façade atlantique et le Nord-Est), des obstacles gigantesques (immenses fleuves coupés de rapides et de chutes, forêts impénétrables) : ces contraintes naturelles ont marqué profondément, et depuis longtemps, le peuplement du pays. Aux grandes régions physiques correspondent des groupements diversifiés, relativement isolés les uns des autres, souvent liés à des populations transfrontalières et considérés, selon les époques, comme des races, des peuples ou des ethnies. On distingue, pour l'essentiel, les groupes de l'Ouest et du Sud-Ouest, notamment les Kongos et les Loubas, dont les liens avec le Congo et le nord de l'Angola sont anciens ; ceux du Sud (Lundas), tournés également vers l'Angola mais surtout vers la Zambie ; ceux de l'Est, parties prenantes de la région des Grands Lacs qui bénéficie d'un climat d'altitude et accueille une population très dense et très variée. Le centre du pays (la cuvette congolaise) ainsi que le Nord sont en revanche beaucoup moins peuplés.

Un second trait caractérise la République démocratique du Congo : l'urbanisation. C'est, en effet, l'un des rares pays d'Afrique à posséder plusieurs agglomérations approchant ou dépassant le million d'habitants. L'exode rural et la forte poussée démographique (près de 3 % par an) ont gonflé les villes, à l'image de la capitale, Kinshasa, dont l'agglomération est estimée à près de huit millions de « Kinois ». Parmi les autres grandes villes figurent Lubumbashi, Kisangani, Bukavu, Kikwit et Mbuji-Mayi. Le verbe estimer revient constamment quand il s'agit d'observer la réalité humaine et économique de ce pays. L'appareil statistique s'est effondré en même temps que l'État, et la volonté de reprise en main affichée par le nouveau régime ne s'est pas traduite par une amélioration de l'information.
3. Une économie dévastée

Tout semble excessif lorsqu'il est question de la République démocratique du Congo, ses dimensions, ses drames, mais aussi les jugements portés sur ses richesses. Elles seraient tout simplement « fabuleuses ». Il est certain que la géologie, la variété des sols et des climats, le réseau hydrographique, les forêts favorisent la diversité des productions, des minerais (cuivre, cobalt) à la pêche, en passant par les cultures vivrières (maïs, manioc, banane plantain) et commerciales (café, cacao, palmistes). Mais l'on oublie trop facilement certains handicaps, comme la présence sur une partie du territoire de la mouche tsé-tsé, qui limite le développement de l'élevage et des établissements humains, ou les difficultés d'exploitation de certains gisements. Domine également le problème des transports. Les échanges internes sont longs, lents et coûteux, et freinent l'émergence d'une économie nationale intégrée. Exportations et importations doivent souvent être acheminées sur de longues distances à travers des pays étrangers (Angola, Zambie, Tanzanie pour ce qui concerne le Sud et l'Est). L'amélioration de la « voie nationale » reliant le Katanga à l'océan fut longtemps une obsession de l'ex-président Mobutu, qui, parallèlement à l'aide extérieure, y consacra d'importants financements, sans résultat. L'entreprise exige de combiner fleuve et rail, avec plusieurs ruptures de charge, et sa réussite dépendait d'une gestion rigoureuse des infrastructures et des matériels, que l'ancien régime n'a jamais été en mesure d'assumer.
Dans un tel contexte, l'économie du pays est devenue presque entièrement « informelle ». La grande majorité de la population lutte pour sa simple survie, et y parvient de plus en plus mal. Quelques-uns, liés au pouvoir, ou hiérarques des diverses armées étrangères se partageant le pays, réussissent à accumuler des fortunes grâce à des trafics en tout genre (dont celui du diamant). Les carences de l'État sont palliées vaille que vaille : c'est ainsi, par exemple, que les communautés religieuses, implantées sur l'ensemble du pays, sont amenées à jouer un rôle essentiel en matière de communications grâce à leur réseau radio et leurs petits avions…
Pays potentiellement riche en raison de ses nombreuses ressources naturelles, la République démocratique du Congo a été ruinée par plusieurs années de désordres et de guerre civile. Mais la situation paraît se stabiliser et l'espoir renaît depuis 2003. L'inflation a été considérablement diminuée et les finances publiques ont été assainies. La dette publique demeure cependant très élevée et grève lourdement le redressement économique. Ce dernier dépendra aussi de la réunification du territoire et de la réhabilitation des infrastructures de transports. La majorité des actifs se consacrent encore à l'agriculture, largement vivrière (manioc, maïs, banane plantain). Des plantations fournissent de l'huile de palme et des palmistes, du café et du caoutchouc, qui sont exportés. Mais toutes les ressources agricoles et animales ont connu une baisse de production très sensible depuis une dizaine d'années, à l'exception notable du maïs. Aussi le pays doit-il importer une part croissante de son alimentation. Les ressources minières sont très abondantes et variées : cuivre, cobalt (pour lesquels le pays détient respectivement 10 % et 40 % des réserves mondiales), zinc, argent, manganèse, étain, or, diamants à usage industriel, uranium et pétrole. Cependant, à la suite de l'effondrement de la société publique Gécamines et de la baisse des cours mondiaux, la production a considérablement baissé, celle du cuivre, par exemple, a été divisée par dix entre 1990 et 2002. Le potentiel hydroélectrique, un des plus puissants du monde, est encore largement sous-utilisé. Peu compétitif, le secteur industriel se concentre dans les trois pôles de Kinshasa, Lubumbashi et Kisangani. Il vise essentiellement la satisfaction du marché national (métallurgie, mécanique, agroalimentaire, textile, travail du bois, chimie, etc.).
En 2007, la République démocratique du Congo a signé avec la Chine un très gros contrat. De grandes sociétés chinoises vont avoir un accès privilégié, pendant trente ans, aux mines de cuivre, de cobalt et d’or ; elles s’engagent, en échange, à effectuer d’immenses travaux d’infrastructures (routes, autoroutes, chemins de fer, universités, logements, hôpitaux).
HISTOIRE

1. Période précoloniale

Zaïre, statuette en boisZaïre, statuette en bois
La vaste cuvette congolaise est le théâtre de migrations importantes, qui expliquent la diversité de peuplement du pays. De nombreux royaumes se mettent en place, pratiquant un commerce actif. Le moins mal connu d'entre eux est le Kongo, qui le premier s'ouvre à l'influence européenne, dès la fin du xve siècle. La traite négrière ravage très tôt la région et se poursuit presque jusqu'à la fin du xixe s., au moins en ce qui concerne la traite orientale. On estime qu'elle touche 5 millions de personnes. C'est d'ailleurs sous le prétexte de l'éradiquer totalement que le roi des Belges Léopold II s'intéresse au Congo, y envoie l'explorateur Stanley et obtient en 1885 à la conférence de Berlin le contrôle à titre personnel du nouvel « État indépendant du Congo ». Faute de moyens suffisants pour faire face aux révoltes, en butte à une campagne d'opinion internationale qui critique ses méthodes brutales, incapable de rembourser les emprunts qu'il a souscrits, il doit le rétrocéder à la Belgique en 1908.
2. Le Congo belge (1908-1960)

2.1. Les piliers de la colonisation

Ne disposant pas d'une véritable administration, Léopold II ne peut que « sous-traiter » la mise en valeur de son domaine. C'est le règne des sociétés concessionnaires, des compagnies à charte, avec tous les excès que ce système implique, à commencer par l'appropriation des « terres vacantes et sans maître », sur lesquelles le colonisateur refuse de voir que s'exerçaient généralement des droits ancestraux. Sans parler du travail forcé pour le « portage » (transport à dos d'homme) et la construction des infrastructures telles que pistes et chemins de fer. Malgré l'adoucissement des méthodes imposées par le législateur belge à partir de 1908, les grandes entreprises coloniales continuent de jouer un rôle essentiel dans la production destinée à satisfaire les besoins de la métropole. L'Union minière du Haut-Katanga (UMHK), filiale de la très puissante Société générale de Belgique, incarne l'État dans sa région, aucun gouverneur ne pouvant être nommé sans son accord. L'UMHK s'occupe de tout, des « cantines » (magasins d'entreprise) à la santé, en passant par le logement et l'éducation, qu'elle finance. Ce modèle très paternaliste est aussi celui des grandes plantations. Il n'aurait sans doute pas pu s'étendre et durer s'il n'avait pas été soutenu avec conviction par l'Église catholique, qui peut propager d'autant plus facilement ses messages spirituels et temporels qu'elle dispose d'un quasi-monopole en matière d'enseignement. Ce dernier n'est pas sans mérites : utilisant largement les langues nationales, il forme d'excellents cadres subalternes, y compris dans les secteurs techniques. Mais il faut attendre 1954 pour que l'Église ouvre la première université (Lovanium, à Léopoldville), ce qui décide l'État belge à créer la sienne à Élisabethville (Lubumbashi), au Katanga.
L'omniprésence des Églises « blanches » ne va pas sans réactions. La plus importante d'entre elles est l'œuvre de Simon Kimbangu (1890-1951), qui se présente comme prophète et thaumaturge, et que certains de ses disciples considèrent encore comme le « Messie noir » (→ kimbanguisme). Inquiétant vivement les autorités par son nationalisme, Kimbangu est jeté en prison en 1921, où il reste jusqu'à sa mort en 1951. Le prophète est désormais un martyr. Ses fils fondent à la veille de l'indépendance l'« Église de Jésus-Christ sur la Terre selon Simon Kimbangu », qui conquiert une grande audience populaire, notamment dans la capitale et sa région. Le maintien de l'ordre, lorsque l'encadrement économique et spirituel ne parvient pas à prévenir des révoltes, est confié à la « Force publique », sorte de gendarmerie noire entièrement dirigée par des officiers belges, créée dès 1886.
2.2. Premières fissures

La Seconde Guerre mondiale constitue une rupture. L'écrasement sur son propre sol du colonisateur tout-puissant a un profond retentissement chez les « évolués », selon l'expression de l'époque. Coupé totalement de sa métropole, le Congo belge devient pratiquement autonome, et contribue à l'effort de guerre des Alliés par ses minerais (c'est avec de l'uranium congolais que sera construite la première bombe atomique) et par ses hommes. Le boom des matières premières, qui va se prolonger (besoins de la reconstruction européenne, guerre de Corée), favorise le Congo et en fait une des colonies les plus riches d'Afrique. Le pays entre alors dans une période d'expansion continue.
Sur le plan social, le « retour à la normale », en 1944-1945, se traduit par des soubresauts révélateurs. De manière significative, la Force publique, à l'honneur pendant la guerre, se mutine à plusieurs reprises ; les « corvées » (travail forcé), sont de moins en moins bien supportées ; le développement du salariat conduit à la constitution des premiers syndicats noirs. Mais les lobbies coloniaux, grandement influents dans les milieux politiques conservateurs et démocrates-chrétiens de Bruxelles, refusent toute évolution. Les tentatives d'ouverture du cabinet socialiste-libéral Van Acker (1954-1958), qui a tenté de mettre fin à l'influence de l'Église dans l'enseignement congolais, soulèvent des passions. L'apaisement ne sera obtenu qu'au prix du rétablissement des subventions aux écoles confessionnelles. Fin 1955, une étude du professeur Van Bilsen intitulée Plan de trente ans pour l'émancipation de l'Afrique belge fait scandale, alors que la France prépare la loi-cadre qui va accorder l'autonomie à ses territoires d'outre-mer et que la Grande-Bretagne envisage l'indépendance de la Gold Coast (Ghana actuel), qui va intervenir en 1957.

Patrice LumumbaPatrice Lumumba
Le mémoire Van Bilsen est un élément déclencheur pour un certain nombre d'intellectuels congolais. Joseph Iléo et quelques autres publient en juin 1956 le Manifeste Conscience africaine. Un peu plus tard, Joseph Kasavubu crée l'Alliance des Bakongos (Abako), Moïse Tschombé, la Confédération des associations tribales du Katanga (Conakat). Tous les partis créés alors sont régionalistes, ou même « ethniques », à une exception près, le Mouvement national congolais (MNC), bientôt dirigé par Patrice Lumumba. Déjà apparaît le grand clivage entre fédéralistes (voire séparatistes) et unitaristes qui demeure, quarante ans plus tard, la pierre de touche de la vie politique congolaise.
2.3. L'indépendance bâclée (1959-1960)

Le 4 janvier 1959, l'Abako de J. Kasavubu organise une manifestation à Léopoldville, réprimée si énergiquement qu'il y a 50 morts parmi les Africains. Les dirigeants de l'Abako sont arrêtés. Le roi Baudouin admet alors officiellement le principe de l'indépendance du Congo. Un an plus tard, une table ronde belgo-congolaise se réunit à Bruxelles pour discuter des modalités de l'indépendance. La pression des nationalistes est d'autant plus vive qu'ils ont sous les yeux l'exemple du Congo français, où les décisions libérales prises par le très respecté général de Gaulle se sont concrétisées : Brazzaville est depuis novembre 1959 la capitale d'une République associée à la France. La partie belge de la table ronde cède sur tous les points. Elle estime sans doute que la tutelle de la métropole se maintiendra grâce aux cadres belges que ne peuvent remplacer des cadres nationaux, en nombre très insuffisant. L'indépendance est fixée au 30 juin.
3. Le chaos congolais (1960-1965)

Dès la cérémonie d'indépendance, les malentendus s'installent. Devant le roi Baudouin, Patrice Lumumba prononce un discours anticolonialiste et présente l'indépendance comme la conquête du seul peuple congolais. Progressiste et centralisateur, il s'oppose bientôt au fédéraliste J. Kasavubu, désigné comme chef du nouvel État, qui prend le nom de République du Congo, dite « Congo-Kinshasa ». Le 5 juillet, la Force publique se mutine, ne voulant plus être dirigée par des officiers belges. L'armée belge intervient de sa propre autorité pour protéger les Européens, négligeant le fait qu'elle se trouve désormais dans un pays indépendant. De graves troubles commencent, qui vont donner lieu à des excès de toute nature, portés à la connaissance de l'opinion publique mondiale par des journalistes qui insistent volontiers sur le caractère « barbare » des exactions commises par les Congolais. La période d'extrême confusion qui s'ouvre alors se caractérise essentiellement par des sécessions et des rébellions qui menacent le pouvoir central d'anéantissement, et le laissent à la merci d'un coup d'État.
3.1. Sécessions et rébellions

La première des sécessions, la plus durable et la plus connue, est celle du Katanga. Moïse Tschombé, soutenu par l'UMHK et bénéficiant de la protection des troupes belges, proclame l'indépendance de la riche province dès le 11 juillet 1960. Il met en place les structures d'un véritable État, et notamment une force armée, les « gendarmes katangais », encadrés par des mercenaires. Il ne s'inclinera qu'en janvier 1963, lorsque les forces de l'ONU, présentes depuis le début des troubles, se décideront à intervenir d'une façon décisive. L'exemple de Tschombé est suivi peu de temps après par Albert Kalonji au Sud-Kasaï. L'affaire tourne à la farce tragique lorsque Kalonji s'autoproclame empereur.
Les rébellions commencent d'abord avec celle d'Antoine Gizenga, qui fonde en décembre 1960 à Stanleyville (actuelle Kisangani) un gouvernement qu'il considère comme le seul légal. Gizenga se laissera facilement convaincre d'abandonner l'aventure contre un poste de vice-Premier ministre à Léopoldville (août 1961). Plus sérieuses sont les rébellions déclenchées en 1964 au Kwilu (Pierre Mulele) ainsi qu'au Kivu et au Nord-Katanga. Cette dernière installe à Stanleyville un gouvernement populaire dirigé par Christophe Gbenyé, qui sera réduit en novembre par l'armée nationale, épaulée par les parachutistes belges. Pour leur part, les maquis mulélistes combattront jusqu'à la mort de leur chef, qui sera assassiné en 1968.
3.2. Le coup d'État de Mobutu

Sese Seko MobutuSese Seko Mobutu
Depuis le 14 septembre 1960, peu après la sécession du Katanga, l'ancien sergent Joseph Désiré Mobutu, qui vient d'être nommé colonel et chef d'état-major de l'armée par Patrice Lumumba, s'est emparé du pouvoir à Léopoldville. Pour mettre fin à l'antagonisme qui oppose le Premier ministre au président Kasavubu, il a suspendu les institutions et confié le pouvoir à un collège de jeunes universitaires. Placé en résidence surveillée, Lumumba est arrêté un peu plus tard lors d'une évasion, et livré aux sécessionnistes katangais, qui l'assassinent (17 janvier 1961). Lumumba prend alors la dimension d'un mythe. C'est en son nom, symbole de la volonté d'unité nationale, que sont engagées les rébellions de Gizenga, Mulele et Gbenyé. Mobutu lui-même récupérera ce mythe à son profit à partir de 1966. Les années qui suivent la mort du héros consacrent sur le plan politique la prééminence des tendances fédéralistes avec les gouvernements de Cyrille Adoula et de Tschombé (juillet 1964), qui a été rappelé d'exil. En 1962 est adoptée une réforme qui crée 21 provinces (contre 6 auparavant). Le pays est totalement balkanisé, soumis aux caprices et aux pillages des baronnies provinciales.
Sûr de l'appui d'une armée dans laquelle il a instauré un minimum de discipline, inquiet sans doute du poids croissant de Tschombé, dont le parti, la Convention nationale congolaise (Conaco), vient de remporter les élections législatives (printemps 1965), mais qui a été renvoyé par le président Kasavubu en octobre, Mobutu destitue ce dernier le 24 novembre et déclare assumer « pour cinq ans » les fonctions de chef de l'État. En réalité, son « règne » durera trente ans.
4. Le long règne de Mobutu (1966-1997)

4.1. La mise en place des instruments d'un pouvoir absolu (1966-1970)

Le coup d'État recueille une large approbation, tant dans le pays qu'à l'étranger. Mobutu est alors perçu comme un homme énergique, mais pondéré et honnête. Il va mener une stratégie simple, mais efficace : éliminer ses adversaires, neutraliser ses concurrents, imposer l'ordre intérieur, renforcer l'unité du pays. Sur le plan extérieur, sa ligne politique, sommaire, se résume à un anticommunisme qui lui vaudra l'appui sans faille, voire la complaisance, des puissances occidentales, ce qui ne l'empêche pas de tenir, à usage interne, des discours nationalistes et anticolonialistes.
Les années 1966 et 1967 sont révélatrices. Une des premières décisions de Mobutu est de réduire le nombre des provinces à 14 et d'africaniser le nom des grandes villes. Léopoldville devient Kinshasa. Le 2 juin 1966 sont exécutés publiquement, après un procès expéditif, « les conjurés de la Pentecôte » arrêtés le 30 mai. Durant l'été, l'armée, aidée de mercenaires dirigés par Jean Schramme et Bob Denard, met fin à une mutinerie « tschombiste » à Kisangani. En décembre, l'UMHK est nationalisée. En avril-mai 1967 est créé le Mouvement populaire de la révolution (MPR), dont Mobutu est le président-fondateur et qui est doté d'une charte, le Manifeste de la N'Sélé, du nom du domaine du chef de l'État. En juin est adoptée par référendum une Constitution instaurant un régime présidentiel et le bipartisme, et réduisant le nombre des provinces à 8, tandis qu'est créée une nouvelle monnaie, le zaïre. Condamné à mort par contumace en mars, Tschombé est victime à Majorque d'un mystérieux enlèvement, avant d'être emprisonné à Alger, où il mourra en 1969. En novembre sont réduites les mutineries de mercenaires et d'ex- « gendarmes katangais » au Kivu et au Katanga. Cette période s'achève le 31 octobre 1970, avec l'élection à la présidence de la République de Mobutu, candidat unique.
4.2. Le système Mobutu

Zaïrianisation
La longévité de Mobutu s'explique d'abord par le charisme de l'homme. Il est populaire, parce qu'il a mis fin à la guerre civile et parce qu'il ravive, par la dénonciation incessante de l'impérialisme, les sentiments anticoloniaux de la population. La politique d'« authenticité », qu'il lance à partir de 1971, répond à cette seconde stratégie. Elle prend en premier lieu une forme symbolique, avec l'africanisation des noms de lieux et de personnes. Le Congo devient le Zaïre, et les prénoms chrétiens sont proscrits, malgré la protestation de l'Église catholique, mais à la grande joie des kimbanguistes. Sont interdits aussi le costume occidental et le port de la cravate (remplacés non pas par une tenue traditionnelle, mais par une sorte de veste à col officier). Sur le plan économique, les entreprises sont « zaïrianisées », avec des résultats plus que discutables. Le culte de Mobutu est systématiquement entretenu par les diverses organisations du MPR, qu'une révision constitutionnelle de 1974 définit comme la « nation zaïroise organisée politiquement ».
Violence politique et corruption
Un autre aspect caractéristique du régime est le recours à la violence, brutale quand il s'agit de mater les étudiants ou les manifestations de rue, plus insidieuse lorsqu'il faut dissuader d'éventuels contestataires. Mobutu saura mettre en place divers services « d'études » (en fait police politique) et de répression, dont la trop fameuse DSP (Division spéciale présidentielle).
Mais rapidement se développe un système de corruption généralisée qui s'étend aux fonctions officielles. Du simple policier au président, les détenteurs de l'autorité adoptent un comportement de prédateurs. Comme par ailleurs le maréchal-président souhaite éviter par-dessus tout la création de baronnies trop puissantes, la rotation des dirigeants devient un principe de gouvernement. Premiers ministres, ministres, gouverneurs de province, dirigeants d'entreprises nationales se succèdent donc à un rythme accéléré, chacun d'entre eux cherchant à se constituer une réserve personnelle en prévision d'une disgrâce inévitable et prochaine.
 Un allié précieux pendant la guerre froide
Les excès du régime ne lui aliènent cependant pas la bonne volonté des puissances occidentales (États-Unis, Belgique, France), même si les relations avec l'ancienne puissance coloniale demeurent quelque peu chaotiques. Malgré des remontrances discrètes, les signes de soutien sont, eux, très clairs. À deux reprises, en 1977 et 1978 (notamment à Kolwezi), les militaires français et belges permettront de repousser une invasion armée au Shaba (Katanga). L'anticommunisme de Mobutu, en ces temps de guerre froide, fait de lui un allié trop précieux pour que l'on se permette de rompre avec lui. L'Afrique australe est en effet menacée de déstabilisation, et les Cubains sont présents en Angola. Les États-Unis apprécient de pouvoir utiliser le Zaïre comme base arrière dans leur soutien officieux à l'UNITA de Jonas Savimbi.
4.3. La crise du Kivu et la chute de Mobutu (1990-1997)

La chute du communisme, et notamment la fin tragique du dictateur roumain Ceauşescu, prennent de court Mobutu. Le maréchal-président n'est plus aussi indispensable aux Occidentaux, qui prennent progressivement leurs distances. Sur le plan intérieur, la contestation se développe alors que les ressources de l'État s'effondrent. Mobutu, sans doute déjà affaibli par la maladie, paraît désemparé, tentant parfois de récupérer le mouvement à son profit, ou plus souvent réagissant avec raideur et autoritarisme. Mais les moyens de sa politique lui manquent de plus en plus, et l'armée, dont les maigres soldes ne sont payées qu'avec de longs retards, se livre régulièrement à des pillages en règle. L'histoire de cette période est particulièrement complexe. On retiendra l'émergence de contre-pouvoirs avec la conférence nationale réunie à partir d'août 1991, ce qui aboutira pendant un temps à la coexistence de deux Parlements et de deux gouvernements. Au sein de l'opposition, divisée et en proie aux rivalités entre dirigeants, une personnalité, Étienne Tshisekedi, se distingue et recueille la faveur des pays occidentaux. Début 1996, il semble bien placé pour succéder à Mobutu, dont la fin paraît inéluctable.
En réalité, le coup fatal au régime sera porté à partir de l'Est, au Kivu. Cette province, déjà surpeuplée, a vu déferler à partir de juillet 1994 une vague de 1,2 million de Rwandais hutu encadrés et infiltrés par des miliciens Interahamwe (les « génocidaires »), fuyant, par peur des représailles, le nouveau pouvoir tutsi vainqueur à Kigali, le Front patriotique rwandais (FPR). Le génocide rwandais et cette nouvelle pression démographique rendent la cohabitation entre Zaïrois autochtones, Banyarwanda (Zaïrois hutus et tutsis originaires du Rwanda) et Banyamulenge (Zaïrois tutsis d'origine rwandaise installés au Kivu depuis les années 1930) très difficile et accroissent les tensions. Une hostilité anti-tutsi s'installe au Zaïre où le Parlement adopte, en avril 1995, plusieurs résolutions visant à assimiler tous les Zaïrois d'origine rwandaise à des réfugiés et appelant notamment à expulser les Banyamulenge, qui auraient acquis la nationalité zaïroise de façon frauduleuse. Se sentant menacés, les Banyamulenge prennent les armes en octobre 1996 et s'emparent d'Uvira. Leur rébellion, soutenue par le Rwanda, l'Ouganda et le Burundi, et rejointe par des opposants de tous bords à Mobutu, s'organise en Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre (AFDL), que dirige un inconnu, Laurent-Désiré Kabila.
En quelques jours, l'AFDL s'empare des principales villes du Kivu, l'armée zaïroise se contentant de piller avant de disparaître. La plupart des réfugiés hutus parviennnent de gré ou de force, mais toujours dans des conditions dramatiques, à rejoindre le Rwanda ; 300 000 d'entre eux, pris en tenailles, sont massacrés dans les forêts de l'Est zaïrois par l'AFDL et ses alliés étrangers. Ces faciles succès convainquent L.-D. Kabila, aidé et conseillé par le Rwanda, de poursuivre l'aventure et de marcher sur Kinshasa. Sa conquête de l'immense Zaïre ne va prendre que quelques mois, l'appareil d'État s'effondrant à la simple annonce de l'arrivée de l'AFDL : Kisangani tombe le 15 mars 1997, Mbuji-Mayi le 4 avril, Lubumbashi le 10. Des négociations entre L.-D. Kabila et Mobutu, menées sous les auspices du président sud-africain Nelson Mandela, ne donnent aucun résultat. Mobutu quitte Kinshasa le 16 mai 1997 (il mourra en exil au Maroc en septembre). Le lendemain, alors que les rebelles prennent le contrôle de la capitale, L.-D. Kabila se fait proclamer à la tête de l'État qu'il rebaptise République démocratique du Congo (RDC).
5. La République démocratique du Congo

5.1. La régionalisation du conflit

L.-D. Kabila bénéficie initialement d'un réel soutien populaire. Chacun s'attend à ce qu'il s'appuie sur les forces démocratiques issues de la conférence nationale et qu'il fasse de Tshisekedi son Premier ministre. Il n'en est rien : L.-D. Kabila s'octroie par décret constitutionnel la totalité des pouvoirs et interdit toute activité politique (les partis seront à nouveau autorisés en janvier 1999). En avril 1999, l'AFDL est dissoute, alors que les Comités de pouvoir populaire, inspirés du modèle libyen, qui fleurissent dans les ministères, les communes, les universités, les entreprises, etc., ne remplissent pas les fonctions d'un véritable parti politique. La plus grande opacité entoure les actions du nouveau régime, ainsi qu'en témoignent son obstruction à une enquête de l'ONU sur le massacre des réfugiés hutus et les expulsions des organisations non gouvernementales.
Ayant commencé (1997) à prendre ses distances avec ses alliés rwandais, ougandais et burundais dont les troupes stationnent toujours au Kivu, L.-D. Kabila les accuse, début 1998, de piller les ressources minières du pays et de porter atteinte à son intégrité territoriale. Le Rwanda, l'Ouganda et le Burundi justifient leur présence par la nécessité de sécuriser les frontières et d'empêcher les incursions de mouvements rebelles vers leur pays respectif. Ils manifestent surtout la volonté de consolider leur main-mise sur l'exploitation des richesses naturelles de la région et décident, en août 1998, de soutenir les rébellions des Congolais tutsis d'origine rwandaise – le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) et le Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba. L.-D. Kabila, rapidement menacé, parvient à se maintenir grâce à l'appui de l'Angola, de la Namibie, du Zimbabwe et du Tchad. Le conflit prend alors une dimension régionale avec l'implication de sept pays, d'une trentaine de groupes armés.
5.2. L'accord de Lusaka (juillet 1999)

Le 10 juillet 1999, un accord de paix instaurant un cessez-le-feu est signé à Lusaka (Zambie) par le gouvernement de Kinshasa et ses alliés angolais, namibiens et zimbabwéens, d'une part, et, par le Rwanda, l'Ouganda et le Burundi, d'autre part. Les mouvements rebelles – le MLC de J.-P. Bemba puis le RCD – se rallient peu après à cette initiative. L'accord de Lusaka prévoit le retrait des groupes armés étrangers, l'instauration d'une force des Nations unies chargée de désarmer les rebelles et l'ouverture d'un dialogue national. En dépit du déploiement de la MONUC en février 2000, le cessez-le-feu est systématiquement violé par les différents protagonistes du conflit ; du 5 au 10 juin 2000 notamment, plus de 600 civils sont tués et 3 000 autres blessés lors de combats opposant les forces armées rwandaises et ougandaises à Kisangani.
5.3. Joseph Kabila et la difficile pacification du pays

Le 16 janvier 2001, L.-D. Kabila est assassiné par son propre garde du corps. Les mobiles de cette élimination demeurent obscurs ; l'hypothèse, cependant, d'une orchestration par l'Angola ou par le Zimbabwe, lassés des frasques et du caractère imprévisible de L.-D. Kabila, ne peut être écartée. Son fils, Joseph, vingt-neuf ans, chef d'état-major de l'armée congolaise, resté jusqu'à présent dans l'ombre de son père, est désigné par ses proches pour lui succéder.
Proclamé président de la République par le Parlement provisoire le 24 janvier 2001, Joseph Kabila devient le plus jeune chef d'État au monde. Il promet une pacification rapide du pays et entreprend une tournée diplomatique en Europe et aux États-Unis afin d'obtenir le soutien de la communauté internationale à une relance de l'accord de Lusaka, resté lettre morte. Il s'engage à organiser des élections libres après le retrait des troupes rwandaises et ougandaises. Alors que seule la Namibie a accepté de rapatrier son contingent, le Burundi consent, en janvier 2002, au retrait de ses troupes en échange de la sécurisation du Sud-Kivu par l'armée congolaise. En vertu de l'accord de paix signé le 30 juillet 2002 à Pretoria, Kinshasa s'engage à désarmer avec l'aide de la MONUC les milices Interahamwe repliées sur son territoire ; en contrepartie, le Rwanda accepte le retrait de ses troupes (les derniers soldats rwandais quitteront Goma le 5 octobre). Le 6 septembre 2002, l'Ouganda conclut avec la RDC un accord similaire prévoyant le retrait total de ses troupes du nord-est de la RDC et la normalisation des relations diplomatiques entre les deux pays.
5.4. Le dialogue intercongolais et le partage du pouvoir

Le dialogue intercongolais – volet politique du processus de paix initié par l'accord de Lusaka de 1999 – débute en octobre 2001 en Afrique du Sud. Il rassemble des représentants du pouvoir, de l'opposition, des rebelles et de la société civile Après de difficiles pourparlers menés sous la médiation de l'ONU et du président sud-africain Thabo Mbeki, un accord intervient le 17 décembre 2002. Il prévoit, avant l'organisation d'élections générales, un partage du pouvoir pendant une période transitoire de deux ans entre l'actuel chef de l'État et quatre vice-présidents émanant de l'opposition non armée, de la société civile et des deux principaux mouvements rebelles (RCD et MLC). Après la signature le 2 avril 2003 à Sun City d'un accord global par l'ensemble des factions belligérantes, J. Kabila promulgue une nouvelle Constitution et nomme, conformément à l'accord du 17 décembre 2002, un gouvernement d'union nationale de transition le 30 juin 2003.
Le référendum constitutionnel du 18 décembre 2005 (approuvé par 83 % des votants) amorce le retour à la normale en ouvrant un cycle d'élections législatives, sénatoriales, locales et présidentielle devant s'achever en 2006. À l'issue du deuxième tour de l'élection présidentielle, le 29 octobre 2006, J. Kabila est élu avec 58 % des suffrages exprimés, contre 41,9 % pour J.-P. Bemba, qui devient l'un des quatre vice-présidents. La coalition présidentielle, Alliance pour la majorité présidentielle (AMP) et ses alliés, dont le parti lumumbiste unifié (Palu) d'Antoine Gizenga, bénéficient de la majorité à l’Assemblée nationale et au Sénat. Gizenga est nommé Premier ministre. À la suite de violents affrontements opposant au printemps 2007 l'armée à ses partisans, J.-P. Bemba se réfugie au Portugal (il sera arrêté en mai 2008 en Belgique, à la suite d’un mandat d’arrêt délivré par la Cour pénale internationale [CPI], pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis par ses troupes du MLC lors d'incursions en République centrafricaine de 2002 à 2003). En octobre 2008, Adolphe Muzito, numéro 2 du Palu, est nommé Premier ministre, en remplacement de A. Gizenga démissionnaire. Depuis juin 2009, la coalition présidentielle gouverne dans les 11 provinces.
5.5. Persistance des violences dans l'est du pays

En dépit de la présence de la MONUC, le processus de paix demeure toujours menacé. De graves tensions persistent en Ituri (Province orientale) et au Kivu, entretenues par les incessants trafics d'armes, les luttes d'influence entre le Rwanda et l'Ouganda, qui entendent profiter des richesses naturelles de la RDC, les différents groupes rebelles et milices d’autodéfense armées (Maï-Maï) mais aussi des éléments de l’armée régulière se disputant l’exploitation illégale des différents sites miniers artisanaux (coltan, cassitérite, or…), outre le trafic de bois tropical ou de chanvre.
En Ituri, où les conflits entre Hemas et Lendus ont fait plus de 50 000 morts depuis 1999, les affrontements se sont intensifiés en dépit du départ des troupes rwandaises et ougandaises et des timides interventions de la MONUC. Après le massacre d'un millier de civils au nord de Bunia au début de l'année 2003, l'Union européenne lance l'opération Artémis en juin. Dès octobre 2004, 4 800 Casques bleus sont déployés en Ituri. L'intensification des violences en Ituri (mort de 9 Casques bleus bangladais dans une embuscade en février 2005) pousse, en avril 2005, le Conseil de sécurité à prolonger de six mois la mission de la MONUC – dès lors la plus importante mission de maintien de la paix des Nations unies dans le monde.
Au Nord-Kivu, l'armée congolaise (Forces armées de la République démocratique du Congo, FARDC), appuyée par la MONUC parvient à prendre en décembre 2005 le contrôle de la quasi-totalité des camps de rebelles ougandais des Forces démocratiques alliées (ADF) et de l'Armée nationale de libération de l'Ouganda (NALU). Elle est également confrontée au Congrès national pour la défense du peuple (CNDP, fondé en 2006 par Laurent Nkunda, un général rebelle tutsi soutenu par le Rwanda qui affirme vouloir protéger les Banyamulenge contre les anciens génocidaires hutus des Forces démocratiques de libération du Rwanda [FDLR]). En 2007, ces combats provoquent une crise sécuritaire majeure (attaque systématique des civils, campagnes de viols et de recrutements d'enfants-soldats). En août 2008, Nkunda lance une offensive qui contraint l'armée congolaise à abandonner la capitale régionale, Goma. Le Rwanda et la RDC optent finalement pour un renversement d'alliances et décident dans un accord secret (décembre 2008) d'engager ensemble une opération contre les FDLR. Victime de ce retournement d'alliance, Nkunda se réfugie au Rwanda, où il est finalement arrêté (janvier 2009), avant d’être placé en résidence surveillée. Le président de l'Assemblée nationale doit démissionner pour avoir critiqué l'entrée des troupes rwandaises dans le pays. Le 23 mars 2009, un accord de paix conclu à Goma conduit à l’intégration au sein des FARDC de milliers de combattants du CNDP (transformé en parti) et à une relative stabilité dans les provinces du Nord- et du Sud-Kivu.
5.6. Réélection de Joseph Kabila

En novembre 2011, avec 49 % des suffrages et plus de 340 sièges sur 500 pour la majorité présidentielle, J. Kabila est réélu pour un second mandat devant Étienne Tshisekedi, candidat et chef de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) (32 % des voix) et les forces de l’opposition. Marqué par de nombreuses irrégularités et des violations des droits humains par les forces de sécurité à l’encontre d’opposants, ce scrutin est suivi d’incidents meurtriers et jugé peu crédible par les observateurs internationaux dont ceux de l’Union européenne. Reconnaissant des dysfonctionnements, la Commission électorale nationale indépendante doit se résoudre à reporter les élections provinciales et locales. É. Tshisekedi, qui ne reconnaît pas les résultats et revendique la victoire, tente de créer un front anti-Kabila à l’intérieur et à l’extérieur du pays et demande, sans succès, aux députés de son parti de boycotter la nouvelle assemblée. Ces tensions politiques interviennent alors que se détériore la situation dans l'est du pays, menacé selon l’opposition, de « balkanisation ».
5.7. L’évolution du conflit au Kivu

En mars 2012, sous le coup d’un mandat d’arrêt de la CPI pour crimes de guerre, le général Bosco Ntaganda, commandant dans les FARDC, prend la tête d’une mutinerie de plusieurs centaines de soldats, en protestation contre le non-paiement de leurs soldes, tandis qu’en mai, le colonel Makenga Sultani se rebelle à son tour. Dans le sillage de ces mutineries menées par d'anciens chefs du CNDP, naît un nouveau groupe armé : le M23 (en référence à la date de l’accord de 2009 dont il réclame la pleine application) à l’origine de la reprise des violences et d’une offensive dans le Nord-Kivu.
Ces combats sont marqués notamment, en juillet, par l’attaque contre la Mission des Nations unies pour la stabilisation de la RDC (MONUSCO, ex-MONUC) puis contre les FARDC stationnées à Bunagana, qui délaissent ce poste stratégique pour fuir en Ouganda. Auparavant, un document rendu public par le Conseil de sécurité de l’ONU avait accusé le Rwanda d’appuyer les mutins, des allégations rejetées par Kigali. Au mois de novembre, c’est au tour de Goma de tomber aux mains des rebelles.
La réorganisation des forces armées congolaises, le renforcement de celles de l’ONU, dont le mandat est prorogé jusqu’en avril 2014, avec la création d’une brigade d’intervention plus robuste, et les pressions diplomatiques se conjuguent pour permettre un retournement de la situation politique et militaire au cours de l’année 2013. Après la signature à Addis-Abeba d’un accord-cadre pour la pacification de l’Est congolais par onze pays africains, dont le Rwanda et l’Ouganda, tous deux suspectés d’avoir soutenu le M23, des pourparlers s’engagent entre une rébellion divisée et le gouvernement congolais tandis qu’en août, les FARDC, soutenues par les troupes de la MONUSCO, lancent une offensive décisive. Le 5 novembre, chassé de tous ses fiefs et reconnaissant sa défaite, le M23 annonce la fin de la rébellion et son renoncement à la lutte armée – une décision confirmée le 12 décembre à l’issue des pourparlers engagés à Kampala. Parallèlement, la MONUSCO poursuit ses opérations dans la région contre les groupes armés au premier rang desquels la rébellion hutu rwandaise des FDLR et les combattants ougandais des Forces démocratiques alliées-Armée de libération de l’Ouganda (ADF-NALU).

 

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ESCLAVAGE

 

 

 

 

 

 

esclavage

La traite des esclaves
Consulter aussi dans le dictionnaire : esclavage
Cet article fait partie du dossier consacré aux grandes découvertes.
État, condition d'esclave.
Introduction

L'esclavage est une institution sociale qui fait de certains êtres humains des marchandises, ou, comme le dit Aristote, « une sorte de propriété animée ». Le propriétaire possède son esclave comme un bien ou une chose, et peut exiger de lui travail et autres services sans aucune restriction. Il peut lui refuser la liberté d'agir et de se déplacer. Il a le droit de séparer les membres d'une même famille et de refuser un mariage. L'esclavage est donc un rapport de domination fondé sur la menace et la violence.
L'esclavage a existé aussi bien en Asie dans les tribus nomades de pasteurs, en Amérique du Nord dans les sociétés d'Indiens chasseurs, en Scandinavie chez les marins, que dans des sociétés sédentaires fondées sur l'agriculture. Dans ce dernier cas, les esclaves sont considérés comme une force de production irremplaçable. De telles sociétés, notamment l'Empire romain et le vieux Sud des États-Unis, sont quelquefois désignées sous le nom de sociétés d'« esclavage commercial », par opposition aux « sociétés d'esclavage personnel », où les esclaves sont principalement utilisés à des fins domestiques, notamment comme serviteurs ou concubines ; ce dernier type d'esclavage a été fortement implanté dans les pays du Moyen-Orient, en Afrique et en Chine. Cependant, les deux formes coexistent, et dans l'Empire romain comme aux États-Unis, les esclaves étaient contraints de se soumettre aux exigences sexuelles de leurs maîtres, ainsi que le montrent aussi bien le Satiricon de Pétrone que les innombrables cas de viols d'esclaves aux États-Unis.
L'économie de profit a beaucoup contribué à développer l'emploi de la force de travail servile. La canne à sucre porte la lourde réputation d'avoir été génératrice d'esclavage, en Iraq dès le viie s., dans les îles de l'Atlantique et en Amérique à partir du xvie s. ; l'économie de plantation a provoqué les plus gros transferts de main-d'œuvre de toute l'histoire, au détriment des Noirs d'Afrique. Les mines, de l'argent du Laurion, exploité par Athènes au ve s. avant J.-C., à l'or des Achantis du Ghana au xviiie s., ont aussi utilisé de grandes quantités d'esclaves.
L’esclavage depuis les premières civilisations

Les codes juridiques de Sumer prouvent que l'esclavage existait dès le IVe millénaire avant J.-C. Le symbole sumérien correspondant au terme « esclave », en écriture cunéiforme, signifie « étranger », ce qui indique une origine essentielle : les premiers esclaves étaient probablement des prisonniers de guerre. Mais dans l'Égypte antique apparaît un phénomène que l'on retrouvera jusque dans l'Europe chrétienne : des hommes se vendent comme esclaves ou vendent leur femme et leurs enfants afin de payer leurs dettes. En Mésopotamie, l'esclavage, attesté depuis le IVe millénaire, pèse sur le prisonnier de guerre, l'enfant vendu par son père et le pauvre qui se vend lui-même. Les prisonniers de guerre sont utilisés pour les grands travaux.
Le code d'Hammourabi, roi de Babylone au xviiie s. avant J.-C., comprend de nombreuses lois s'appliquant aux esclaves. Ceux-ci ont le droit de posséder des biens, de faire des affaires et d'épouser des femmes libres. La manumission –  affranchissement prononcé officiellement par le maître – est possible soit par l'achat de la liberté, soit par l'adoption. Néanmoins, l'esclave est toujours considéré comme un objet et une marchandise (sa valeur est celle d’un âne). Le code des Hittites, appliqué en Asie occidentale de 1800 à 1400 avant J.-C., reconnaît, lui, que l'esclave est un être humain, même s'il appartient à une classe inférieure.
Les esclaves forment dans l'Égypte pharaonique un corps peu nombreux (mineurs, mercenaires, interprètes, intendants de domaine), dont disposent le roi et sa famille, les temples et les grands personnages de l'État. Les Hébreux n’en sont pas moins asservis par les Égyptiens durant la seconde moitié du IIe millénaire avant J.-C. : dans la Bible, le livre de l'Exode relate que les Égyptiens maintiennent les Hébreux « en esclavage, les obligeant à manier la brique et le mortier ainsi qu'à rendre divers services dans les champs. Quels que soient les travaux effectués, ils les traitent avec dureté ». Cependant, nulle part dans l'Ancien Testament il n'apparaît de critiques ouvertement dirigées contre l'esclavagisme, les Hébreux adhérant eux-mêmes à ce système ; tout au plus, chez ces derniers, l'esclavage, situation provisoire, ne peut-il dépasser une période de sept ans. Dans la vallée de l'Indus, les premiers documents prouvant l'existence de l'esclavage coïncident avec l'invasion aryenne, vers 1500 avant J.-C. En Perse, le nombre d'esclaves augmente par reproduction naturelle et grâce aux conquêtes militaires : les victoires perses sur les îles de la mer Égée, Chio, Lesbos et Ténédos, ont pour conséquence l'asservissement de populations entières.
En Grèce

L'esclavage fait partie intégrante de l'histoire de la Grèce probablement dès 1200 avant J.-C. Les guerres, la piraterie (jusqu'à son éradication au ve s. avant J.-C.) et les tributs dus par les pays vaincus constituent pour les Grecs les principales sources d'esclaves. Les marchands d'esclaves se fournissaient essentiellement en Thrace, Carie et Phrygie. Les débiteurs insolvables pouvaient être vendus comme esclaves, le prix de la vente revenant au créancier ; c'est Solon qui interdit cette dernière pratique à Athènes.
Au ve s. avant J.-C. – mis à part les mineurs du Laurion, en Attique –, les esclaves, surtout ruraux, sont peu nombreux, même sur les plus grands domaines ; leur emploi reste lié à des cultures délicates, permanentes et de faible extension (vigne, cultures maraîchères) ; leur présence est contestée dans la Grèce centrale et, d'après Thucydide, les habitants du Péloponnèse auraient même été souvent seuls à leur travail. Mais, dès la fin du ve s. et surtout au ive s. avant J.-C., le nombre des esclaves augmente à un rythme rapide, et le travail servile l'emporte très vite sur le travail libre dans les mines, les travaux publics, la production industrielle et même la production agricole. On compte 10 000 esclaves ruraux dans l'Attique de la fin du ve s., soit un par paysan libre. Les esclaves urbains sont plus nombreux : les listes d'affranchissement du Pirée, entre 340 et 320 avant J.-C., en mentionnent 123 sur 135 affranchis, et les estimations faites pour la fin du ve s. évaluent entre 150 000 et 400 000 le nombre total des esclaves vivant en Attique.
Un esclave s'affranchit en achetant sa liberté, en la recevant en récompense de ses services, ou en legs après le décès de son maître. Le quasi légendaire Ésope, l'auteur des Fables, passe pour un esclave grec affranchi au vie s. avant J.-C. Extension géographique (Épire) et concentration des esclaves au profit des grands et aux dépens des petits propriétaires, trop pauvres pour en posséder, caractérisent l'époque hellénistique ; les affranchissements se multiplient, au point que Philippe de Macédoine les interdit, après Chéronée (338 avant J.-C.), pour des raisons de sécurité militaire. Cette concentration des esclaves explique les premières guerres serviles : vers 131 et vers 104-100 avant J.-C., au Laurion ; 130 avant J.-C., à Délos (le grand marché, dont on a prétendu qu'il s'y vendait 10 000 esclaves par jour au iie s.), d'où partent les esclaves vers l'Ouest, désormais grand acheteur.
À Rome

Les esclaves sont utilisés très tôt (loi des Douze Tables). Mais c'est seulement l'expansion romaine à partir du iiie s. avant J.-C. qui provoque leur afflux massif ; au fur et à mesure des conquêtes (les guerres puniques, la guerre des Gaules), soldats et peuples vaincus sont asservis : les conséquences en sont considérables. Sur le plan économique, la main-d'œuvre servile hâte la désagrégation de la petite propriété et son remplacement par de vastes domaines, notamment dans le Sud : dès le ier s. avant J.-C., des équipes entières travaillent dans d'immenses propriétés, dépourvues de tout contact avec leurs maîtres. Le pouvoir détenu par les maîtres est pratiquement illimité, et le traitement infligé aux esclaves réellement barbare. De telles conditions de vie, alliées à la supériorité numérique des esclaves sur les hommes libres, génèrent inévitablement des révoltes (136-132 et 104-100, en Sicile ; 73, soulèvement de Spartacus).
Au début de l'ère chrétienne, les esclaves sont cependant moins systématiquement maltraités ; ils vivent souvent mieux que les Romains libres réduits à la misère, et certains d'entre eux occupent même des situations importantes dans les affaires ou dans les bureaux du gouvernement impérial. Sur le plan culturel, enfin, les esclaves lettrés africains, asiatiques, grecs exerceront une influence durable. Les affranchissements, d'ailleurs, se multiplient, en partie grâce aux théories stoïciennes. Jérôme Carcopino estime à 400 000 le nombre des esclaves à Rome sous Trajan. L'arrêt des conquêtes freine leur afflux ; leur prix s'accroît. Sous le Bas-Empire, si les esclaves sont encore nombreux, d'autres catégories sociales leur sont préférées dans les campagnes, en Orient notamment : les colons.
Au Moyen Âge

En Occident : de l’esclavage au servage

On estime que l'Europe carolingienne comptait environ 20 % d'esclaves ; l'Église en possédait elle-même un grand nombre, à l'image du théologien Alcuin qui utilisait quelque vingt mille esclaves dans ses quatre abbayes. On parle de mancipia, servi et ancillae, mots latins qui désignent les esclaves de l'un ou l'autre sexe, dans les descriptions de biens appartenant aux grands domaines ruraux, et l'on distingue les tenures « ingénuiles », confiées à des hommes libres, des tenures serviles, confiées à des esclaves.
Dans l'Espagne wisigothique, au vie s., si l'affranchissement personnel des esclaves est recommandé, c'est à la condition qu'ils demeurent, par contrat, comme force de travail sur les biens qu'ils cultivent. Les esclaves ruraux se transforment ainsi progressivement en colons ou en métayers employés sur de grandes propriétés. Cependant, ce changement de statut est plus formel que réel : les métayers doivent perpétuellement de l'argent à leur propriétaire et restent attachés à la terre qu'ils travaillent afin de rembourser leurs dettes.
Sans doute l'Église ne condamne-t-elle pas l'esclavage, mais, en fait, l'organisation d'une société chrétienne, composée de frères, ne peut se concilier avec l'esclavage, que remplace donc peu à peu le servage, dépendance personnelle et héréditaire : cette forme s'intègre mieux au cadre de l'économie fermée et essentiellement rurale du haut Moyen Âge, qui ne permet plus les achats massifs d'esclaves. Dans ces conditions, le vieux mot latin servus finit par perdre son antique sens d'« esclave » pour désigner celui qui est lié à la terre ou à un seigneur par des obligations relativement limitées : le serf. C'est alors qu'apparaît, dans le latin médiéval (xe s.), le mot sclavus, qui donnera, au xiiie s., le terme esclave, et qui est une autre forme de slavus, rappelant que les populations slaves des Balkans fournissaient, au Moyen Âge, l'essentiel des masses serviles en Occident. On « importe » aussi des Angles, et Verdun est, jusqu'au xe s., l'« entrepôt » des Slaves destinés à l'Espagne.
L’esclavage en terre d’islam

Dans l'Empire byzantin, l'esclavage se poursuivra sans qu'on lui oppose de résistance : les esclaves sont souvent utilisés comme employés et travaillent également sur les domaines ecclésiastiques. Au Moyen-Orient, l'esclavage est déjà une institution ancrée dans les mœurs avant Mahomet (viie s.), et l'islam ne tente pas de mettre un terme à cette situation. Le Coran, pas plus que la Bible, ne condamne l'esclavage, même s'il milite en faveur d'un traitement humain. Aussi affranchir un esclave est-il jugé comme un acte digne d'éloges.
Toutefois, l'immensité de l'empire islamique et l'interdiction de réduire un musulman ou un « protégé de l'islam » en esclavage conduisent à importer de grandes quantités d'esclaves, nécessaires à l'armée ou à la production, à l'administration parfois, sans oublier la traite des Blanches pour fournir les harems. L'Europe occidentale fournit des Slaves ; d'Asie viennent des Turcs qui vont jouer un grand rôle dans l'histoire de l'islam. L'Afrique noire fournit chaque année des contingents de plusieurs milliers d'esclaves, qui transitent par les ports de la mer Rouge, ceux de l'océan Indien, et par le Sahara. L'une des plus importantes révoltes d'esclaves est celle qui, en Iraq, se déroula de 869 à 883, et qui mit fin à l'exploitation massive des Noirs dans le monde arabe. Les conflits entre chrétiens et musulmans en Méditerranée – de l'Espagne au Proche-Orient (Reconquista, croisades, guerres navales) – conduisent à l'asservissement de nombreux prisonniers de guerre; le plus souvent, il s'agit d'un excellent moyen d'obtenir leur rachat par l'adversaire.
Le monde musulman procure à son tour des esclaves à l'Espagne : à l'époque classique, les Noirs sont nombreux à Séville et à Lisbonne.
La traite des Noirs

Le Portugal à l’origine

La production de sucre au Levant espagnol et dans les îles de l'Atlantique, comme les Canaries, commence à concurrencer, au xve s., celle de Venise à Chypre, que complètent des importations en provenance du monde musulman. Le sucre devient ainsi un produit de plus large consommation : les Portugais développent sa production à l'aide de capitaux, dont une partie vient de l'Europe du Nord, marché de plus en plus important. La demande d'esclaves africains commence, dès le milieu du xve s., le long des côtes atlantiques qu'explorent les Portugais. La première vente d'esclaves africains en Occident date de 1444 et se déroule au Portugal, à Lagos. Les Portugais organisent autour de l'île de São Tomé et du comptoir de Saint-Georges-de-la-Mine un fructueux trafic ; les esclaves sont vendus aussi bien à des souverains africains, qui les emploient dans les mines ou les plantations, qu'à des Européens qui les transportent vers la péninsule Ibérique. En 1472, les Cortes de Lisbonne demandent à la Couronne de réserver ces importations aux besoins des plantations portugaises.
Les exigences de la conquête

La traite des esclavesLa traite des esclaves
La demande de main-d'œuvre est considérablement accélérée à la suite de la conquête des Amériques par les Espagnols et les Portugais. Dans un premier temps, la conquête coloniale se traduit par le quasi-asservissement de populations entières d'indigènes, au Pérou et en Amérique centrale. Au début du xvie s., Hernán Cortés fait allusion au grand nombre d'esclaves indigènes rassemblés et vendus dans la capitale du Mexique. Cependant, l'encomienda et le repartimiento, systèmes de travail forcé institués par les conquistadores, se révèlent peu satisfaisants. Les Espagnols découvrent bientôt que, à cause de leur vulnérabilité aux maladies européennes, les Indiens ne constituent pas une main-d'œuvre idéale. D'autre part, comme ils vivent dans leur propre pays, révoltes et fuites s'en trouvent facilitées. Les Indiens tentent ainsi, au début, de s'opposer par la force à ceux qui entreprennent de les priver de leur liberté. Mais lorsque, domptés, ils subissent d'énormes pertes dans les mines d'or et d'argent, une partie de l'opinion européenne s'émeut, notamment parmi le clergé régulier. Ainsi, les réformes humanitaires prônées par le dominicain Las Casas finiront par alléger les souffrances des Indiens. Mais les esclavagistes, après avoir réduit la population amérindienne dans une proportion sans aucun doute considérable, même si le chiffre est controversé, se tournent vers l'Afrique. Las Casas lui-même prône la traite des Noirs afin de sauver les indigènes d'Amérique, ce qui montre la complexité des enjeux.
L'une des plus importantes migrations humaines qui aient existé commence alors. Aux razzias des dynastes locaux, en accord avec les négriers arabes, s'ajoutent, en Afrique, celles des marchands européens : les établissements portugais de la côte occidentale d'Afrique (Madère, Açores, cap Vert, Guinée, Luanda, Benguela) et de la côte orientale (Delagoa, Sofala, Mozambique) constituent les premiers centres d'« exportation », en particulier en direction de l'Amérique. Les Portugais et les Espagnols se réservent, dans un premier temps, le monopole d'État du trafic entre côtes africaines et américaines, le premier asiento (contrat avec une compagnie) datant de 1528. Mais ils sont vite concurrencés par les Hollandais, les Français et les Anglais qui, à leur tour, recherchent à la fois la main-d'œuvre pour leurs plantations et les profits du trafic esclavagiste transatlantique. De 1 à 3 millions d'esclaves sont transportés en Amérique dès cette époque.
Le commerce triangulaire

C'est au xviiie s. que le « commerce triangulaire » connaît son apogée : les navires quittent les ports négriers – en France, ce sont Nantes, surtout, ainsi que Bordeaux, La Rochelle et Le Havre – à destination de l'Afrique, chargés de présents sans grande valeur mais aussi de fusils qui seront échangés contre les esclaves ; ils prennent livraison de leur marchandise humaine dans des comptoirs comme celui de l'île de Gorée, au large de Dakar, puis font voile vers la Guyane, les Antilles et l'Amérique du Nord où ils vendent ceux des esclaves qui ont survécu à la traversée; enfin, ils reviennent vers l'Europe chargés de marchandises diverses (coton, tabac, café…). Le trafic triangulaire est d'un énorme rapport, et la concurrence très forte. Les négriers sont les véritables maîtres de ce trafic : ils tiennent à leur merci aussi bien les Africains que les planteurs, qui réclament une main-d'œuvre toujours renouvelée. Interdit en Europe à la suite du congrès de Vienne (1815), le trafic se poursuivit cependant jusqu'au milieu du xixe s.
« Déportation sans retour »

La traite des NoirsLa traite des Noirs
En Afrique même, la demande d'esclaves ne crée pas de toutes pièces, dans une société idéalement égalitaire, les conditions de la dépendance : il existe, dans la plupart des sociétés africaines, comme dans les sociétés antiques, des dépendants, réduits à travailler au service des autres, pour de multiples raisons. Le fait nouveau réside dans la « déportation sans retour » au-delà de l'Océan. La demande désorganise les sociétés africaines, même si certaines trouvent dans cette déportation une solution aux problèmes que posent les asociaux. La complicité de certains royaumes côtiers facilite, en outre, la collecte des esclaves. L'évaluation de l'impact de la traite sur l'histoire future de l'Afrique varie en fonction des approches ; cependant, l'on peut estimer que le trafic a durablement désorganisé le continent, jusque dans les régions les plus centrales, notamment par la peur qu'il engendrait. De plus, face au trafic négrier, les seuls appuis pour un individu face à une razzia se trouvaient parmi les membres de sa propre ethnie ; l'exaltation des liens ethniques que connaît encore aujourd'hui l'Afrique serait ainsi une conséquence directe de la traite. Enfin, l'extension de l'emploi des esclaves dans le sud des actuels États-Unis pour la culture du coton va créer, dans ce pays, une situation de conflit qui deviendra l'un des plus grands problèmes sociaux et politiques du monde moderne.
L'énormité des profits réalisés dans les plantations conduit à l'augmentation constante de la demande d'esclaves noirs ; pour le seul xviiie s., leur nombre est estimé à près de 6 millions. Les historiens hésitent sur le chiffre global ; du xvie au xixe s., certains parlent de 8 à 10 millions, d'autres de 15 à 20 millions. Pour tâcher d'estimer le nombre de Noirs ainsi déportés, l'on ne dispose en effet que de chiffres partiels ou de séries limitées dans le temps. L'on sait, par exemple, que 103 135 esclaves ont été convoyés par des navires nantais entre 1763 et 1775. L'une des sources qui permettent d'évaluer l'intensité du trafic est constituée par les archives de la compagnie d'assurances maritimes britannique, la Lloyd's. Celle-ci enregistra pas moins de 1 053 navires coulés en face de l'Afrique entre 1689 et 1803, dont 17 % pour faits de révolte, pillage ou insurrection.
En effet, en Afrique même, les révoltes liées à l'esclavage furent très importantes ; elles furent le fait à la fois des populations de la côte et de celles de l'intérieur. Car si certains potentats africains se sont livrés à la traite de concert avec les Européens ou les Arabes, la population s'y opposa souvent violemment. Mais si l'on sait que des navires négriers ont été attaqués à proximité des côtes par les Africains, les documents sont quasi inexistants pour mesurer précisément l'ampleur des révoltes sur l'ensemble du continent.
Des conditions de vie inhumaines

Jean-Baptiste Debré, Voyage pittoresque et historique au BrésilJean-Baptiste Debré, Voyage pittoresque et historique au Brésil
À bord des navires négriers, les conditions sont effroyables : on entasse un maximum d'esclaves dans la coque du navire et on les garde enchaînés afin de prévenir tout risque de révolte ou de suicide par noyade. La nourriture, l'aération, la lumière et le système sanitaire suffisent à peine à les maintenir en vie. Si la traversée dure plus longtemps que prévu, l'eau manque plus encore que les vivres, et les épidémies se déclarent. Les observations médicales réalisées aux xviie et xviiie s. à propos de ces traversées montrent le nombre de maux qui s'abattent, d'abord sur les esclaves, parfois sur l'équipage ; les pertes sont énormes : sur les 70 000 esclaves embarqués par la Real Compañía Africana espagnole entre 1680 et 1688, 46 000 seulement survécurent à la traversée.
Le travail auquel les esclaves sont soumis est accablant dans les plantations de canne à sucre du Nordeste brésilien et des Antilles, ou de coton du sud des États-Unis. L'arbitraire de leurs maîtres aggrave leur situation, et les fuyards sont nombreux (esclaves « marrons » des Antilles). Aussi Colbert, par une ordonnance dite « Code noir » (1685), précise-t-il la condition civile des esclaves noirs selon le droit romain, mais en leur déniant toute personnalité politique et juridique, car l'esclave est un meuble qui peut être acheté, vendu, échangé ; il est également un incapable, ne pouvant ni témoigner en justice, ni ester, ni posséder ; enfin, si la responsabilité civile lui est déniée, sa responsabilité criminelle reste entière. En revanche, reconnaissant dans les esclaves des êtres de Dieu, pour lesquels il prévoit d'ailleurs des affranchissements dans des cas limités, Colbert autorise les intendants à les protéger contre l'arbitraire des propriétaires.
L’abolition de l’esclavage

L’exemple d’Haïti

La première source d'opposition à l'esclavage vient des esclaves eux-mêmes. Ce sont leurs révoltes qui ont conduit certains de leurs propriétaires à remettre en cause un système qui leur causait trop de problèmes par rapport aux avantages économiques qu'ils pouvaient en retirer. La révolte des esclaves de Haïti, qui commence en 1791 et que les Blancs ne parvinrent pas à mater, est décisive : c'est d'abord elle qui entraîne la suppression de l'esclavage dans l'île le 29 août 1793, suppression proclamée par Sonthonax, membre de la Société des amis des Noirs, et Polverel, commissaires de la République munis de pouvoirs extraordinaires.
Cependant, cette abolition est aussi le fruit des circonstances : les troupes républicaines non seulement avaient été incapables de ramener l'ordre, mais, de plus, avaient besoin de soldats supplémentaires pour espérer repousser les Espagnols, installés à l'est de l'île, et les Britanniques, qui menaçaient de débarquer. Le 16 pluviôse an II (4 février 1794), la mesure des deux commissaires est ratifiée par la Convention, qui l'étend à toutes les colonies françaises ; cependant, dès 1799, la traite reprend en secret au Sénégal sous des formes déguisées – le commandant français du Sénégal est alors chargé de recruter des Noirs… consentants –, puis l'esclavage est rétabli en 1802 par le Premier consul, Bonaparte, sous la pression des commerçants français du sucre. La révolte des Noirs qui s'ensuivit, notamment aux Antilles, conduira à l'indépendance de Haïti le 1er janvier 1804.
L’Angleterre en premiere ligne

Les excès des esclavagistes provoquent également, à la fin du xviiie s., une réaction abolitionniste. Renouant avec la critique formulée par Montaigne, les auteurs français Montesquieu, Voltaire, Raynal, Marivaux, Bernardin de Saint-Pierre s'en prennent au principe même de l'esclavage. Sur le plan économique, Adam Smith fait valoir le faible rendement du travail servile (la Richesse des nations, 1776) ; plus tard, Rossi montrera (Cours d'économie politique, 1839-1841) l'obstacle que l'esclavage oppose au développement technique et économique.
La suppression de l'esclavage est réalisée en deux étapes : interdiction de la traite (1807 par l'Angleterre ; 29 mars 1815 par la France), puis émancipation des esclaves (1833 par l'Angleterre ; 1848 par la France, une nouvelle fois, sur l'initiative de Victor Schoelcher, qui se rend aux Antilles pour proclamer l'abolition décidée par le décret du 4 mars 1848). Dans les deux cas, une indemnité a été prévue, et l'Angleterre a donné l'exemple, sous l'impulsion des sectes religieuses et des hommes politiques (tels William Pitt, Castlereagh, Canning) ; le rôle de Wilberforce et de la Société antiesclavagiste a été décisif.
Championne du mouvement abolitionniste, l'Angleterre veut, pour des raisons à la fois humanitaires et économiques (concurrence de main-d'œuvre), obtenir la suppression générale de l'esclavage dans le monde. Aussi Castlereagh fait-il condamner la traite par les congrès de Vienne (8 février 1815), d'Aix-la-Chapelle (1818) et de Vérone (1822). Malgré l'opposition des pays esclavagistes, des clauses de renonciation à la traite sont prévues dans les conventions et les traités signés avec la France (1831, 1833, 1841, 1845), l'Espagne (1835), le Portugal (1839), le Brésil (1850), clauses sanctionnées par un droit de visite réciproque, que la France refuse de ratifier en raison de l'énorme supériorité de la flotte britannique. Cependant, entre 1817 et 1830, malgré l'interdiction, on enregistre 305 voyages négriers au départ de Nantes – la dernière expédition française partira du Havre en 1847.
L'Empire ottoman, pour sa part, avait interdit la traite dans le golfe Persique et fermé les marchés publics d'esclaves d'Istanbul en 1847. Les pays d'Amérique du Sud abolissent l'esclavage à leur indépendance, mais, dans ces régions, le système du péonage succède bientôt à l'esclavage. En 1840, le Portugal et l'Espagne aboliront officiellement le trafic des esclaves, mais les vaisseaux négriers portugais continueront à traverser l'Atlantique durant tout le xixe s.
États-Unis : un long combat

Dans les colonies nord-américaines, les premiers signes d'opposition à l'esclavage émanent des quakers, qui se prononcent contre l'asservissement en 1724. Bien que le marché aux esclaves soit un spectacle courant, bon nombre de colons considèrent cette forme d'exploitation de l'homme comme un phénomène injustifiable. Les États vont ainsi abolir progressivement l'esclavage. Rhode Island est ainsi le premier État abolitionniste (1774). Mais la Constitution fédérale, ratifiée en 1788, prévoit la continuation du système esclavagiste pendant vingt années supplémentaires. Alors que le décret de 1787 interdit l'esclavage dans les États du Nord-Ouest, le bénéfice éventuel de cette action va s'effacer devant la généralisation de l'égreneuse de coton, inventée en 1793 par Eli Whitney ; en effet, l'utilisation de cette machine accéléra tellement la commercialisation du coton que les besoins en esclaves augmentèrent. Le sentiment antiesclavagiste s'intensifie, en 1831, avec la publication du journal abolitionniste The Liberator ; cette même année voit aussi la révolte d'esclaves menée par Nat Turner, qui s'inscrit dans une vague de révoltes commencée en 1829 à Cincinnati et qui se prolonge jusque dans les années 1840. En 1833, une société antiesclavagiste est créée à Philadelphie. Dès 1840, les esclaves s'échappent vers les États du Nord pour y gagner la liberté.
La publication du livre de Harriet Beecher-Stowe, la Case de l'oncle Tom (1852), élargit l'audience du mouvement abolitionniste ; finalement, au terme de la guerre de Sécession, les États-Unis, après le Danemark et les Pays-Bas (1860), libèrent leurs esclaves en adoptant le 13ème amendement de la Constitution (31 janvier 1865). La voie est ouverte aux condamnations internationales du système et des idéologies qui l'acceptent : acte de Berlin (26 février 1885) ; conférence coloniale de Bruxelles (acte antiesclavagiste du 2 juillet 1890) ; articles 21 à 23 et 42 à 61 du pacte de la SDN ; article 11 de la convention de Saint-Germain-en-Laye (10 septembre 1919) ; convention de Genève sur l'esclavage (25 septembre 1926) ; article 4 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, de l'ONU (10 décembre 1948).
L'esclavage a persisté après la Seconde Guerre mondiale sur les rives de la mer Rouge. Il a été aboli officiellement par l'Arabie saoudite en 1962. En Afrique, en Mauritanie, il n’a été aboli qu’en 1981. Sur ce continent, le trafic des enfants, en particulier, s'est poursuivi longtemps au-delà de la date d'interdiction officielle. Dans un rapport de 1992, l'Organisation internationale du travail (OIT) révèle que l'esclavage n'a pas disparu de Mauritanie, pas plus que du Soudan où des rapts d'enfants vendus ensuite comme esclaves ont été signalés en 1993.
Survivance de l’esclavage : le travail forcé

On a récemment défini la notion d’« esclavage moderne », qui s’applique à la condition de personnes qui accomplissent un travail forcé au service d’un employeur agissant ainsi en toute illégalité. En effet, le travail forcé subsiste dans nombre de régions; il s'agit essentiellement d'esclavage pour dettes – Asie du Sud-Est, Amérique latine… – et d'exploitation de femmes et d'enfants pour la prostitution. Ainsi, en 1999, l'Organisation internationale du travail (OIT) a condamné la Birmanie pour son recours systématique au travail forcé – plus de 500 000 personnes seraient concernées.
En Inde, l'esclavage pour dettes est toujours présent dans l'agriculture, les métiers du bâtiment, ou encore la production de tapis ou de poteries ; le travail des enfants est utilisé dans la fabrication de perles de verre, le tissage des tapis ou encore la confection de feuilles d'or ou d'argent. Au Pakistan, l'esclavage pour dettes se rencontre dans les secteurs de la briqueterie, de la cordonnerie, du tissage, dans l'agriculture ou dans la fabrication de bidis (cigarettes d'eucalyptus). Les dettes revêtant parfois un caractère héréditaire, l'institution du servage pour dettes s'assimile à une forme réelle d'esclavage.
Ce n'est pas forcément le cas de la prostitution, bien que la question soit de plus en plus actuelle. En Thaïlande, aux Philippines, certains adolescents des deux sexes se prostituent contre leur gré. Le phénomène a pris une telle ampleur que certaines organisations parlent, à propos de la vente par leurs parents ou du rapt puis de la prostitution d'enfants birmans en Thaïlande, de politique délibérée de destruction de certaines ethnies de Birmanie. La prostitution des enfants n'épargne pas les pays occidentaux, comme l'ont montré plusieurs affaires, tant en Belgique qu'en France, à la fin des années 1990.
Enfin, dans certaines régions d'Afrique et du Moyen-Orient, des formes d'esclavage subsistent ; la Société internationale antiesclavagiste de Londres estime que la servitude financière, le servage sous couvert de contrats de travail, les fausses adoptions et l'asservissement imposé aux femmes mariées sont encore responsables de l'assujettissement de plusieurs millions d'êtres humains. Il existe aussi des personnes vivant dans la misère qui se vendent ou qui vendent leurs enfants comme esclaves. En Arabie Saoudite, le gouvernement estimait, en 1962, que le pays comptait encore quelque 250 000 esclaves.
Dans l'Empire français, le travail forcé n'a été aboli qu'en 1946, sur les instances, entre autres, de Félix Houphouët-Boigny et de Léopold Sédar Senghor, alors députés à l'Assemblée nationale ; les travailleurs africains réquisitionnés de force étaient notamment employés à des constructions d'infrastructures comme des voies de chemin de fer.

 

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