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LE MÉCANISME DE REPLIEMENT DES MOLÉCULES

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LE MÉCANISME DE REPLIEMENT DES MOLÉCULES


Ce terme désigne le mécanisme par lequel une macromolécule linéaire (par macromolécule on entend un enchaînement linéaire de motifs moléculaires) acquiert une structure tridimensionnelle. Un tel mécanisme est particulièrement important dans le domaine du vivant car une fois synthétisées c'est par ce processus que les protéines acquièrent la structure qui va leur permettre de remplir une fonction précise au sein de la cellule. Ce mécanisme a attiré l'attention de nombreux chercheurs du fait de son importance cruciale en biologie mais aussi du fait du formidable problème computationnelle que représente la prédiction de la structure tridimensionnelle de ces objets à partir de leur structure chimique linéaire. Nous rappellerons les notions essentielles nécessaires à la compréhension de ce mécanisme (atomes, liaisons chimiques, molécules, macromolécules) ainsi que les principaux mécanismes biologiques mis en jeu lors de la synthèse d'une protéine. Nous passerons ensuite en revue les principales forces mises en jeu lors du repliement (essentiellement les forces électrostatiques, l'effet hydrophobe, la liaison hydrogène) puis nous décrirons les principaux outils expérimentaux permettant d'aborder l'étude de ce phénomène. Quelques expériences seront présentées ainsi que la situation actuelle du problème.

Textede la 595ème conférencede l'Universitéde tous les savoirs prononcée le 17 juillet 2005
ParDidier Chatenay: « Le mécanisme de repliement des molécules »
Le thème de cette conférence vous fera voyager aux confins de plusieurs sciences : physique, chimie et biologie bien évidemment puisque les macromolécules dont nous parlerons sont des objets biologiques : des protéines.
Le plan de cet exposé sera le suivant :
- Quelques rappels sur la structure de la matière (atomes, liaisons chimiques, molécules, macromolécules).
- Qu'est-ce qu'une protéine (la nature chimique de ces macromolécules, leur mode de synthèse, leurs structures et leurs fonctions biologiques) ?
- Le problème du repliement (d'où vient le problème, paradoxe de Levinthal).
- Résolution du paradoxe et interactions inter intra moléculaires (échelles des énergies mises en jeu).
Rappels sur la structure de la matière.
La matière est constituée d'atomes eux-mêmes étant constitués d'un noyau (composé de particules lourdes : protons, chargés positivement, et neutrons non chargé) entouré d'un nuage de particules légères : les électrons chargés négativement. La taille caractéristique d'un atome est de 1 Angström (1 Angström est la dix milliardième partie d'un mètre ; pour comparaison si je prends un objet de 1 millimètre au centre d'une pièce, une distance dix milliards de fois plus grande représente 10 fois la distance Brest-Strasbourg).
Dans les objets (les molécules biologiques) que nous discuterons par la suite quelques atomes sont particulièrement importants.
Par ordre de taille croissante on trouve tout d'abord l'atome d'hydrogène (le plus petit des atomes) qui est le constituant le plus abondant de l'univers (on le trouve par exemple dans le combustible des fusées). L'atome suivant est le carbone ; cet atome est très abondant dans l'univers (on le trouve dans le soleil, les étoiles, l'atmosphère de la plupart des planètes. Il s'agit d'un élément essentiel comme source d'énergie des organismes vivants sous forme de carbohydrates). On trouve ensuite l'azote, constituant essentiel de l'air que nous respirons. L'atome suivant est l'oxygène, également constituant essentiel de l'air que nous respirons, élément le plus abondant du soleil et essentiel au phénomène de combustion. Le dernier atome que nous rencontrerons est le souffre que l'on trouve dans de nombreux minéraux, météorites et très abondants dans les volcans.
Les atomes peuvent interagir entre eux pour former des objets plus complexes. Ces interactions sont de nature diverse et donnent naissance à divers types de liaisons entre les atomes. Nous trouverons ainsi :
- La liaison ionique qui résulte d'interactions électrostatiques entre atomes de charges opposées (c'est par exemple ce type de liaison, qu'on rencontre dans le chlorure de sodium, le sel de table). Il s'agit d'une liaison essentielle pour la plupart des minéraux sur terre, comme par exemple dans le cas des silicates, famille à laquelle appartient le quartz.
- Un autre type de liaison est la liaison covalente. Cette liaison résulte de la mise en commun entre 2 atomes d'un électron ou d'une paire d'électrons. Cette liaison est extrêmement solide. Ce type de liaison est à l'origine de toute la chimie et permet de former des molécules (l'eau, le glucose, les acides aminés). Ces acides aminés sont constitués de carbone, d'azote, d'hydrogène et d'oxygène. Dans ces molécules on retrouve un squelette qu'on retrouve dans tous les acides aminés constitué d'un groupement NH2 d'un côté et COOH de l'autre ; la partie variable est un groupement latéral appelé résidu. Un exemple d'acide aminé est constitué par la méthionine qui d'ailleurs contient dans son résidu un atome de soufre. La taille caractéristique des distances mises en jeu dans ce type de liaison n'est pas très différente de la taille des atomes eux-mêmes et est de l'ordre de l'angström (1.5 Angström pour la liaison C-C, 1 Angström pour une liaison C-H).




Ces liaisons ne sont pas figées et présentent une dynamique ; cette dynamique est associée aux degrés de libertés de ces liaisons tels que par exemple un degré de liberté de rotation autour de l'axe d'une liaison C-C. Ces liaisons chimiques ont donc une certaine flexibilité et aux mouvements possibles de ces liaisons sont associés des temps caractéristiques de l'ordre de la picoseconde (mille milliardième partie de seconde) ; il s'agit de temps très rapides associés aux mouvements moléculaires.
A ce stade nous avons 2 échelles caractéristiques importantes :
- 1 échelle de taille : l'angström
- 1 échelle de temps : la picoseconde.
C'est à partir de cette liaison covalente et de petites molécules que nous fabriquerons des macromolécules. Un motif moléculaire, le monomère, peut être associé par liaison covalente à un autre motif moléculaire ; en répétant cette opération on obtiendra une chaîne constituée de multiples monomères, cette chaîne est une macromolécule. Ce type d'objets est courant dans la vie quotidienne, ce sont les polymères tels que par exemple :
- le polychlorure de vinyle (matériau des disques d'antan)
- le polytétrafluoroéthylène (le téflon des poêles)
- le polyméthacrylate de méthyl (le plexiglas)
- les polyamides (les nylons)
Quelle est la forme d'un objet de ce type ? Elle résulte des mouvements associés aux degrés de libertés discutés plus haut ; une chaîne peut adopter un grand nombre de conformations résultant de ces degrés de liberté et aucune conformation n'est privilégiée. On parle d'une marche aléatoire ou pelote statistique.
Les protéines
Quelles sont ces macromolécules qui nous intéressent particulièrement ici ? Ce sont les protéines qui ne sont rien d'autre qu'une macromolécule (ou polymère) particulière car fabriquée à partir d'acides aminés. Rappelons que ces acides aminés présentent 2 groupes présents dans toute cette famille : un groupe amine (NH2) et un groupe carboxyle (COOH) ; les acides aminés diffèrent les uns des autres par la présence d'un groupe latéral (le résidu). A partir de ces acides aminés on peut former un polymère grâce à une réaction chimique donnant naissance à la liaison peptidique : le groupement carboxyle d'un premier acide aminé réagit sur le groupement amine d'un deuxième acide aminé pour former cette liaison peptidique. En répétant cette réaction il est possible de former une longue chaîne linéaire.



Comme nous l'avons dit les acides amines diffèrent par leurs groupes latéraux (les résidus) qui sont au nombre de 20. On verra par la suite que ces 20 résidus peuvent être regroupés en familles. Pour l'instant il suffit de considérer ces 20 résidus comme un alphabet qui peut donner naissance à une extraordinaire variété de chaînes linéaires. On peut considérer un exemple particulier : le lysozyme constitué d'un enchaînement spécifique de 129 acides aminés. Une telle chaîne comporte toujours 2 extrémités précises : une extrémité amine et une extrémité carboxyle, qui résultent de la réaction chimique qui a donné naissance à cet enchaînement d'acides aminés. Il y a donc une directionnalité associée à une telle chaîne. La succession des acides aminés constituant cette chaîne est appelée la structure primaire. La structure primaire d'une protéine n'est rien d'autre que la liste des acides aminés la constituant. Pour revenir au lysozyme il s'agit d'une protéine présente dans de nombreux organismes vivants en particulier chez l'homme où on trouve cette protéine dans les larmes, les sécrétions. C'est une protéine qui agit contre les bactéries en dégradant les parois bactériennes. Pour la petite histoire, Fleming qui a découvert les antibiotiques, qui sont des antibactériens, avait dans un premier temps découvert l'action antibactérienne du lysozyme ; mais il y a une grosse différence entre un antibiotique et le lysozyme. Cette molécule est une protéine qu'il est difficile de transformer en médicament du fait de sa fragilité alors que les antibiotiques sont de petites molécules beaucoup plus aptes à être utilisées comme médicament.
Pour en revenir au lysozyme, présent donc dans les organismes vivants, on peut se poser la question de savoir comment un tel objet peut être fabriqué par ces organismes. En fait, l'information à la fabrication d'un tel objet est contenue dans le génome des organismes sous la forme d'une séquence d'acide désoxyribonucléique (ADN) constituant le gène codant pour cette protéine. Pour fabriquer une protéine on commence par lire l'information contenue dans la séquence d'ADN pour fabriquer une molécule intermédiaire : l'ARN messager, lui-même traduit par la suite en une protéine. Il s'agit donc d'un processus en 2 étapes :
- Une étape de transcription, qui fait passer de l'ADN à l'ARN messager,
- Une étape de traduction, qui fait passer de l'ARN messager à la protéine.
Ces objets, ADN et ARN, sont, d'un point de vue chimique, très différents des protéines. Ce sont eux-mêmes des macromolécules mais dont les briques de base sont des nucléotides au lieu d'acides aminés.
Ces 2 étapes font intervenir des protéines ; l'ARN polymérase pour la transcription et le ribosome pour la traduction. En ce qui concerne la transcription l'ARN polymérase se fixe sur l'ADN, se déplace le long de celui-ci tout en synthétisant l'ARN messager. Une fois cet ARN messager fabriqué un autre système protéique, le ribosome, se fixe sur cet ARN messager, se déplace le long de cet ARN tout en fabriquant une chaîne polypeptidique qui formera la protéine. Il s'agit d'un ensemble de mécanismes complexes se produisant en permanence dans les organismes vivants pour produire les protéines.
Ces protéines sont produites pour assurer un certain nombre de fonctions. Parmi ces fonctions, certaines sont essentielles pour la duplication de l'ADN et permettre la reproduction (assure la transmission à la descendance du patrimoine génétique). Par ailleurs ce sont des protéines (polymérases, ribosomes) qui assurent la production de l'ensemble des protéines. Mais les protéines assurent bien d'autres fonctions telles que :
- Des fonctions de structure (la kératine dans les poils, les cheveux ; le collagène pour former des tissus),
- Des fonctions de moteurs moléculaires (telles que celles assurées par la myosine dans les muscles) ; de telles protéines sont des usines de conversion d'énergie chimique en énergie mécanique.
- Des fonctions enzymatiques. Les protéines de ce type sont des enzymes et elles interviennent dans toutes les réactions chimiques se déroulant dans un organisme et qui participent au métabolisme ; c'est par exemple le cas du mécanisme de digestion permettant de transformer des éléments ingérés pour les transformer en molécules utilisables par l'organisme.
Pour faire bref toutes les fonctions essentielles des organismes vivants (la respiration, la digestion, le déplacement) sont assurés par des protéines.
A ce stade nous avons donc introduit les objets essentiels de cet exposé que sont les protéines. Pour être complet signalons que la taille de ces protéines est très variable ; nous avons vu le lysozyme constitué d'une centaine d'acides aminés mais certaines protéines sont plus petites et certaines peuvent être beaucoup plus grosses.
Nous allons maintenant pouvoir aborder le problème de la structure et du repliement de ces objets.
La structured'une protéine
Tout d'abord quels sont les outils disponibles pour étudier la structure de ces objets. Un des outils essentiels est la diffraction des rayons X. L'utilisation de cet outil repose sur 2 étapes. La première (pas toujours la plus facile) consiste à obtenir des cristaux de protéines. Ces protéines, souvent solubles dans l'eau, doivent être mises dans des conditions qui vont leur permettre de s'arranger sous la forme d'un arrangement régulier : un cristal. C'est ce cristal qui sera utilisé pour analyser la structure des protéines qui le composent par diffraction des rayons X. A partir du diagramme de diffraction (composé de multiples tâches) il sera possible de remonter à la position des atomes qui constituent les protéines. Un des outils essentiels à l'heure actuelle pour ce type d'expérience est le rayonnement synchrotron (SOLEIL, ESRF).
Il existe d'autres outils telle que la résonance magnétique nucléaire qui présente l'avantage de ne pas nécessiter l'obtention de cristaux mais qui reste limitée à l'heure actuelle à des protéines de petite taille.
Finalement à quoi ressemble une protéine ? Dans le cas du lysozyme on obtient une image de cette protéine où tous les atomes sont positionnés dans l'espace de taille typique environ 50 Angströms. Il s'agit d'un cas idéal car souvent on n'obtient qu'une image de basse résolution de la protéine dans laquelle on n'arrive pas à localiser précisément tous les atomes qui la constituent. Très souvent cette mauvaise résolution est liée à la mauvaise qualité des cristaux. C'est l'exemple donné ici d'une polymérase à ARN. Néanmoins on peut obtenir des structures très précises même dans de le cas de gros objets.


Repliement,dénaturation et paradoxede Levinthal
Très clairement on voit sur ces structures que les protéines sont beaucoup plus compactes que les chaînes désordonnées mentionnées au début. Cette structure résulte du repliement vers un état compact replié sur lui-même et c'est cet état qui est l'état fonctionnel. C'est ce qui fait que le repliement est un mécanisme extrêmement important puisque c'est ce mécanisme qui fait passer de l'état de chaîne linéaire déplié à un état replié fonctionnel. L'importance de ce repliement peut être illustrée dans le cas d'un enzyme qui permet d'accélérer une réaction chimique entre 2 objets A et B ; ces 2 objets peuvent se lier à l'enzyme, ce qui permet de les approcher l'un de l'autre dans une disposition où une liaison chimique entre A et B peut être formée grâce à l'environnement créé par l'enzyme. Tout ceci ne peut se produire que si les sites de fixation de A et B sont correctement formés par le repliement de la longue chaîne peptidique. C'est la conformation tridimensionnelle de la chaîne linéaire qui produit ces sites de fixation.



Il y a une notion associée au repliement qui est la dénaturation. Nous venons de voir que le repliement est le mécanisme qui fait passer de la forme dépliée inactive à la forme repliée active ; la dénaturation consiste à passer de cette forme active repliée à la forme inactive dépliée sous l'influence de facteurs aussi variés que la température, le pH, la présence d'agents dénaturants tels que l'urée.

La grande question du repliement c'est la cinétique de ce phénomène. Pour la plupart des protéines où des expériences de repliement-dénaturation ont été effectuées le temps caractéristique de ces phénomènes est de l'ordre de la seconde. Comment donc une protéine peut trouver sa conformation active en un temps de l'ordre de la seconde ?
Une approche simple consiste à développer une approche simplifiée sur réseau ce qui permet de limiter le nombre de degrés de liberté à traiter ; on peut par exemple considérer une protéine (hypothétique) placée sur un réseau cubique. On peut considérer le cas d'une protéine à 27 acides aminés. On peut alors compter le nombre de conformations possibles de telles protéines ; à chaque acide aminé on compte le nombre de directions pour positionner le suivant. Sur un réseau cubique à chaque étape nous avons 6 possibilités ce qui fera pour une chaîne de 27 acides aminés 627 possibilités. Cela n'est vrai qu'à condition d'accepter de pouvoir occuper 2 fois le même site du réseau ce qui, bien sur, n'est pas vrai dans la réalité ; si on tient compte de cela on arrive en fait à diminuer quelque peu ce nombre qui sera en fait 4,727. Plus généralement pour une chaîne de N acides aminés on obtiendra 4,7N possibilités. Si on part d'une chaîne dépliée on peut alors se dire que pour trouver le « bon état replié » il suffit d'essayer toutes les conformations possibles. Cela va s'arrêter lorsqu'on aura trouvé une conformation stable, c'est-à-dire une conformation énergétiquement favorable. Pour passer d'une conformation à une autre il faut au moins un mouvement moléculaire élémentaire dont nous avons vu que l'échelle de temps caractéristique est la picoseconde (10-12 seconde). I faut donc un temps total (afin d'explorer toutes les conformations) :
Trepliement= 4,7N * Tmoléculaire.
Si on prend N=100, Tmoléculaire= 1picoseconde=10-12seconde, alors :

Trepliement= 1055 secondes !!!
C'est beaucoup car on cherche 1 seconde et on trouve quelque chose de beaucoup plus grand que l'âge de l'univers (de l'ordre de 1027 secondes). Avec cette approche il faut plus de temps à une protéine pour se replier et met plus de temps que l'âge de l'univers.
C'est le paradoxe de Levinthal.
Comment s'en sortir ?
Il faut revenir aux acides aminés et en particulier aux résidus qui permettent de différencier les 20 acides aminés. Ces 20 acides aminés peuvent se regrouper en famille selon la nature de ce résidu.


Une première famille est constituée par les acides aminés hydrophobes. Qu'est ce qu'un acide aminé hydrophobe ou l'effet hydrophobe ? Il s'agit de l'effet qui fait que l'eau et l'huile ne se mélangent pas. Si sur une chaîne on dispose des acides aminés hydrophobes alors ceux-ci vont faire « collapser » la chaîne afin de se regrouper et de se « protéger » de l'eau, tout comme l'eau et l'huile ont tendance à ne pas se mélanger. Ce mécanisme tend à créer ainsi une poche hydrophobe qui permet à ces acides aminés d'éviter l'eau. On commence ainsi à avoir une amorce de solution au paradoxe de Levinthal : la protéine ne va essayer que toutes les conformations, elle va commencer à utiliser dans un premier temps ce mécanisme qui à lui seul va éliminer un grand nombre de conformations possibles.





Mais il y a d'autres familles d'acides aminés et parmi celles-ci celle des acides aminés chargés (+ ou -) qui vont être soumis aux interactions électrostatiques classiques (les charges de même signe se repoussent, les charges de signe contraire s'attirent). Ainsi, si le long de la chaîne nous avons 2 acides aminés de signe opposé ils vont avoir tendance à s'attirer ; cet effet a là encore tendance à diminuer le nombre de conformations possibles pour la chaîne.
Dernière famille, un peu plus complexe mais au sein de laquelle les interactions sont de même nature que pour les acides aminés chargés, à savoir des interactions de type électrostatique. Cette famille est constituée par les acides aminés polaires qui ne portent pas de charge globale mais au sein desquels la distribution des électrons est telle qu'il apparaît une distribution non uniforme de charges ; cette asymétrie dans la répartition des charges va permettre par exemple de créer des liaisons hydrogènes entre molécules d'eau (interactions qui donnent à l'eau des propriétés particulières par rapport à la plupart des autres liquides).
Au total l'image initiale que nous avions des chaînes polypeptidiques doit être un peu repensée et l'on doit abandonner l'idée d'une marche au hasard permettant d'explorer toutes les conformations possibles puisque les briques de base de ces chaînes interagissent fortement les unes avec les autres. On peut ainsi récapituler l'ensemble des interactions au sein d'une chaîne (effet hydrophobe, liaison ionique, liaison hydrogène, sans oublier un mécanisme un peu particulier faisant intervenir des acides aminés soufrés qui peuvent former un pont disulfure ; il s'agit néanmoins d'une liaison un peu moins générale que les précédentes et qui par ailleurs est beaucoup plus solide).
La structure globale de nos protéines résulte de la présence de toutes ces interactions entre les acides aminés présents le long de la chaîne. Lorsque l'on regarde attentivement de telles structures on observe la présence d'éléments répétitifs assez réguliers : hélices, feuillets. Ces feuillets sont des structures locales au sein desquelles la chaîne est organisée dans un plan au sein duquel la chaîne s'organise. Ces éléments de régularité résultent des interactions entre acides aminés et pour la plupart il s'agit des fameuses liaisons hydrogènes entre atomes spécifiques. Bien évidemment certaines régions sont moins organisées et on retrouve localement des structures de type marche au hasard.






Si on récapitule ce que nous avons vu concernant la structure des protéines, nous avons introduit la notion de structure primaire qui n'est rien d'autre que l'enchaînement linéaire des acides aminés. Nous venons de voir qu'il existait des éléments de structure locale (hélices, feuillets) que nous appellerons structure secondaire. Et ces éléments associés aux uns aux autres forment la structure globale tridimensionnelle de la protéine que nous appellerons structure tertiaire.

Il faut noter que cette structure des protéines résulte d'interactions entre acides aminés et il est intéressant de connaître les ordres de grandeur des énergies d'interactions mises en jeu. Ces énergies sont en fait faibles et sont de l'ordre de grandeur de l'énergie thermique (kBT). C'est le même ordre de grandeur que les énergies d'interaction entre molécules au sein d'un liquide comme l'eau ; on peut s'attendre donc à ce que de tels objets ne soient pas rigides ou totalement fixes. Ces mouvements demeurent faibles car il y a une forme de coopérativité (au sens ou plusieurs acides aminés coopèrent pour assurer une stabilité des structures observées) qui permet néanmoins d'observer une vraie structure tridimensionnelle. Ainsi, au sein d'un feuillet ou d'une hélice, plusieurs liaisons sont mises en jeu et à partir de plusieurs éléments interagissant faiblement, on peut obtenir une structure relativement stable de type feuillet ou hélice ; il suffit néanmoins de peu de chose pour détruire ces structures, par exemple chauffer un peu.
Si on revient au mécanisme de repliement on doit abandonner notre idée initiale de recherche au hasard de la bonne conformation. Si on part d'un état initial déplié, un premier phénomène a lieu (essentiellement lié à l'effet hydrophobe, qui vise à regrouper les acides aminés hydrophobes) qui fait rapidement collapser la chaîne sur elle-même. D'autres phénomènes vont alors se mettre en route comme la nucléation locale de structures secondaires de type hélices ou feuillets qui vont s'étendre rapidement le long de la chaîne. Le processus de Levinthal est donc complètement faux et l'image correcte est beaucoup plus celle donnée ici de collapse essentiellement lié à l'effet hydrophobe et de nucléation locale de structures secondaires.

Les protéines n'essaient donc pas d'explorer l'ensemble des conformations possibles pour trouver la bonne solution mais plutôt utiliser les interactions entre acides aminés pour piloter le mécanisme de repliement.
En fait la composition chimique de la chaîne contient une forme de programme qui lui permet de se replier correctement et rapidement.
Au sein des organismes vivants il y a donc plusieurs programmes ; un programme au sein du génome qui permet la synthèse chimique des protéines et un programme de dynamique intramoléculaire interne à la chaîne protéique qui lui permet d'adopter rapidement la bonne conformation lui permettant d'assurer sa fonction.
Il faut noter qu'il existe d'autres façons de s'assurer que les protéines se replient correctement qui font intervenir d'autres protéines (les chaperons).
Notons enfin les tentatives effectuées à l'heure actuelle de modélisation réaliste sur ordinateurs.

 

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Les lois de la naissance des étoiles remises en question

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Les lois de la naissance des étoiles remises en question

lundi 30 avril 2018

Une équipe internationale menée par des chercheurs du CNRS, de l'Université Grenoble Alpes et du CEA vient bouleverser l'idée que l'on se faisait de la formation des étoiles. La précision des observations offertes par le Grand réseau d'antennes millimétrique/submillimétrique de l'Atacama (ALMA) a permis de mesurer la quantité de cœurs massifs progéniteurs d'étoiles au sein d'une région lointaine très active de notre galaxie, et ainsi de montrer que leur proportion y est plus élevée que celle attendue. Publiés dans Nature Astronomy , ces résultats pourraient remettre en cause l'idée largement partagée selon laquelle la distribution en masse d'une population de cœurs progéniteurs d'étoiles serait identique à celle de sa descendance.
Dans l'espace, derrière le voile des nébuleuses, des nuages de gaz s'agglomèrent et s'effondrent sur eux-mêmes pour former les structures mères des étoiles : les cœurs progéniteurs. Ils évoluent en groupes, accumulent de la matière et se fragmentent jusqu'à ce que naisse un amas de jeunes étoiles de masses diverses dont la distribution a été décrite par Edwin Salpeter sous la forme d'une loi astrophysique en 1955.

Les astronomes avaient observé que la proportion entre les objets massifs et non massifs était la même dans les groupes de cœurs progéniteurs et ceux d'étoiles nouvellement formées. Cela laissait donc penser que la distribution en masse des étoiles à leur naissance, appelée IMF1, découlait simplement de la distribution en masse des cœurs qui leur donnent naissance, dite CMF2. Mais cette conclusion est le fruit de l'étude des nuages moléculaires les plus proches de notre système solaire, peu denses donc peu représentatifs de la diversité des nuages de notre galaxie. La relation entre CMF et IMF est-elle universelle ? Qu'observe-t-on en s'intéressant à des nuages plus denses, plus lointains ?

Ce sont les questions que se sont posées les chercheurs de l'Institut de planétologie et d'astrophysique de Grenoble (CNRS/Université Grenoble Alpes) et du laboratoire Astrophysique, instrumentation, modélisation (CNRS/CEA/Université Paris Diderot)3 lorsqu'ils se sont penchés sur l'amas de cœurs progéniteurs W43-MM1 dont la structure est beaucoup plus typique des nuages moléculaires de notre galaxie que ceux observés auparavant. Grâce à la sensibilité et à la résolution spatiale uniques du réseau d'antennes ALMA installé au Chili, les chercheurs ont établi une distribution des cœurs statistiquement robuste sur une gamme de masse inégalée, allant des étoiles de type solaire aux étoiles 100 fois plus massives. Surprise : cette distribution ne suit pas la loi de 1955 !

En effet, dans le nuage W43-MM1 les cœurs massifs se sont révélés surabondants et les cœurs peu massifs sous-représentés. Ces résultats remettent en question la relation entre CMF et IMF, voire même l'universalité supposée de l'IMF. Il est possible que la répartition en masse des jeunes étoiles ne soit pas la même en tout point de notre galaxie, contrairement à ce que l'on admet encore. Si tel est le cas, la communauté scientifique devra revoir ses calculs portant sur la formation des étoiles et à terme toutes les estimations dépendant du nombre d'étoiles massives : enrichissement chimique du milieu interstellaire, nombre de trous noirs et de supernovæ…

Les équipes vont poursuivre ces travaux avec ALMA au sein d'un consortium regroupant une quarantaine de chercheurs. Leur objectif : étudier 15 régions similaires à W43-MM1 pour comparer leur CMF et évaluer si les caractéristiques de ce nuage sont généralisables.


L'amas d'étoiles en formation W43-MM1, tel qu'observé avec le plus grand interféromètre millimétrique au monde, ALMA. Les très nombreux sites de formation d'étoiles, appelés cœurs et identifiés ici par des ellipses, témoignent de la forte activité de formation d'étoiles de cette région.


Télécharger le communiqué de presse :


Notes :
1 Pour “Initial Mass Function”
2 Pour “Core Mass Function”
3 Ont également collaboré des chercheurs de l'Observatoire aquitain des sciences de l'univers (CNRS/Université Bordeaux), du Laboratoire d'études du rayonnement et de la matière en astrophysique et atmosphères (CNRS/Observatoire de Paris/Sorbonne Université) et de l'Institut de radioastronomie millimétrique
Références :
The unexpectedly large proportion of high-mass star-forming cores in a Galactic mini-starburst. F. Motte, T. Nony, F. Louvet, K. A. Marsh, S. Bontemps, A. P. Whitworth, A. Men'shchikov, Q. Nguyen Luong, T. Csengeri, A. J. Maury, A. Gusdorf, E. Chapillon, V. K̈önyves, P.Schilke, A. Duarte-Cabral, P. Didelon and M. Gaudel. Nature Astronomy, le 30 avril 2018.
DOI 10.1038/s41550-018-0452-x
Contacts :
Chercheuse CNRS l Frédérique Motte l T 04 56 52 08 96 l frederique.motte@univ-grenoble-alpes.fr
Chercheur UGA l Thomas Nony l T 04 76 63 58 39 l thomas.nony@univ-grenoble-alpes.fr

Presse CNRS l François Maginiot l T 01 44 96 43 09 l francois.maginiot@cnrs.fr

 

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Secouer le vide pour créer de la lumière

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Secouer le vide pour créer de la lumière

Astrid Lambrecht dans mensuel 295
daté février 1997 -

Des calculs théoriques montrent que la mise en vibration, dans le vide, d'une cavité formée de deux miroirs permet de produire un rayonnement. Un effet quantique qui remet en question un principe de la relativité générale d'Einstein.

L'absence de toute matière ou de toute particule dans une certaine région de l'espace ne signifie pas que rien ne s'y passe. Témoin, cet effet curieux que prédit en 1948 le chercheur hollandais Hendrik Casimir : deux miroirs parallèles et placés dans le vide s'attirent faiblement1. Très faiblement : pour des miroirs de 1 cm2, espacés de 0,5 micromètre, la force d'attraction correspond au poids d'une masse de 0,2 milligramme. Il n'empêche que l'effet Casimir a été vérifié dès 1958 par un autre physicien hollandais, Marcus Sparnaay, qui a pu mettre en évidence à la fois l'existence de la force d'attraction et sa dépendance vis-à-vis de l'écart entre les plaques.

D'où provient l'effet Casimir ? La réponse fait intervenir le mariage entre les lois de l'électromagnétisme et celles de la physique quantique. Quand on calcule, par les lois quantiques, l'énergie minimale du champ électromagnétique, on s'aperçoit qu'elle n'est pas nulle. Le résultat peut être interprété par l'existence de fluctuations spontanées du champ. En d'autres termes : bien qu'en moyenne la valeur du champ électromagnétique soit nulle dans cet état d'énergie minimale qu'est le « vide », elle fluctue continuellement et aléatoirement autour de zéro, en positif comme en négatif. Ces fluctuations baignent tout l'espace et donnent lieu à une certaine énergie appelée « énergie de point zéro ». Il se trouve que sa valeur est infinie, ce qui a bien sûr soulevé une difficulté ; mais les physiciens la surmontent en faisant remarquer que l'énergie de point zéro, même infinie, n'est pas observable : seules les différences d'énergie le sont.
Dans le cas des deux miroirs envisagé par Casimir, ces objets modifient, par leur présence même, les fluctuations spontanées du champ électromagnétique. En effet, la valeur du champ électrique doit être nulle au niveau d'une surface parfaitement conductrice de l'électricité ce qu'est un miroir parfait. Les fluctuations du champ qui règnent à l'intérieur de la cavité doivent ainsi obéir à certaines « conditions aux limites ». La situation est analogue à celle d'une corde attachée par ses deux extrémités à des points fixes : l'amplitude de ses vibrations doit être nulle aux points d'attache, ce qui restreint les modes de vibration possibles. De ce fait, les fluctuations, qui sévissent spontanément à toutes les longueurs d'onde ou fréquences, sont amplifiées ou diminuées suivant que leur longueur d'onde s'accorde ou non avec la longueur de la cavité. Ces contraintes sur les fluctuations du champ à l'intérieur de la cavité formée par les deux miroirs ont pour résultat de modifier l'énergie du vide. La différence d'énergie, qui est calculable, est à l'origine de la force d'attraction présente dans l'effet Casimir.

Le vide n'avait cependant pas fini de surprendre. Dans les années 1970, plusieurs chercheurs ont commencé à s'intéresser aux conséquences des fluctuations affectant le vide sur des objets en mouvement. Les calculs montrent que, pour un miroir unique se déplaçant à vitesse uniforme, le mouvement ne perturbe aucunement le vide. Un résultat tout à fait conforme à une idée bien établie en rapport avec la théorie de la relativité d'Einstein : le vide est un état invariant, il demeure inchangé que l'observateur soit immobile ou qu'il soit animé d'une vitesse constante.
Les choses se sont singulièrement compliquées avec la prise en compte de mouvements accélérés. Par exemple, en 1968, le célèbre Andrej Sakharov suggère que la gravitation pourrait être un effet des fluctuations du vide2. Dans la même veine, les Russes Yaakov Zel'dovich et Lev Pitaevskii montrent en 1971 que le vide est modifié par la présence d'une courbure de l'espace-temps c'est-à-dire d'un champ de gravitation, selon la relativité générale3. L'astrophysicien britannique Stephen Hawking aboutit ensuite à la conclusion qu'un trou noir émet du rayonnement, en diffusant les fluctuations du vide4.
En recherchant un modèle pour décrire le rayonnement d'un trou noir, le physicien canadien William Unruh prédit en 1976 que les fluctuations du vide, vues par un observateur en mouvement uniformément accéléré, apparaissent comme des fluctuations thermiques5. Autrement dit, pour un tel observateur, le vide équivaut à l'intérieur d'un four chauffé à une température absolue différente de 0. En revanche, à la même époque, l'Australien Paul Davies et l'Anglais Stephen Fulling calculent le rayonnement dû à un miroir en mouvement dans le vide et concluent qu'il n'y a pas de rayonnement si l'accélération est uniforme constante en intensité et en direction6.
Les résultats de Davies et Fulling ne semblent pas compatibles avec ceux d'Unruh ; cette contradiction suscite, aujourd'hui encore, des controverses parmi les physiciens. Quoi qu'il en soit, ce qui nous intéresse ici est le cas d'une accélération non constante du miroir, une situation réalisée par exemple par une vibration. Les prédictions sont au moins aussi surprenantes que celles qui avaient annoncé l'effet Casimir. Les calculs de Davies et Fulling montrent que des photons sont émis dans le vide. La question naturelle à ce stade est : d'où vient l'énergie rayonnée ? Il n'y a pas de mystère, et le principe de conservation de l'énergie n'est pas en cause. Puisque le vide ne peut pas fournir d'énergie, celle-ci doit provenir du mouvement mécanique. Le miroir, responsable du rayonnement, perd de l'énergie et se voit donc freiné. On peut ainsi dire que le vide s'oppose aux mouvements des objets à accélération non uniforme.
Le rayonnement dû au mouvement du miroir est néanmoins très faible et il faudrait pouvoir provoquer des changements d'accélération incroyablement violents pour créer des photons en nombre détectable. L'observation de cette émission ne semble pas réaliste. Or le phénomène soulève des questions délicates et importantes concernant la notion de mouvement relatif et absolu. Il semble impliquer que le vide « s'aperçoit » d'un mouvement non-uniformément accéléré, tandis qu'un mouvement à accélération uniforme passe inaperçu. Le vide définit ainsi des référentiels préférés, privilégiant certains mouvements par rapport à d'autres. Cela apparaît contraire à l'enseignement de la relativité d'Einstein, pour laquelle « tout mouvement est relatif ».

La détection de ce rayonnement induit par un mouvement non-uniformément accéléré est donc un objectif très intéressant, car elle renseignerait directement sur la relation entre le vide quantique et la théorie de la relativité générale. Comment rendre les chiffres expérimentaux plus réalistes ? On peut imaginer non pas un miroir unique, mais une cavité constituée de deux miroirs et oscillant dans le vide. L'intérêt provient des effets de résonance optique : si les ondes qui font des allers et retours entre les miroirs ont une longueur d'onde compatible avec la longueur de la cavité, elles peuvent être amplifiées, tandis que les autres longueurs d'onde seront atténuées.
De nombreux calculs de l'énergie accumulée à l'intérieur d'une cavité en mouvement non-uniformément accéléré ont été effectués dans le passé, notamment par Davies et Fulling. Ces calculs ont porté sur des miroirs parfaitement réfléchissants. La cavité qu'ils forment est alors un système complètement fermé, duquel les photons du rayonnement ne peuvent s'échapper on ne s'intéresse ici qu'aux photons se propageant d'un miroir à l'autre, c'est-à-dire à ceux qui interagissent effectivement avec la cavité. Or de tels miroirs idéaux n'existent pas dans la réalité. Par ailleurs, ils mènent à des difficultés conceptuelles dans la mesure où, en l'absence de toute perte, le nombre de photons accumulés dans la cavité deviendrait infiniment grand au cours du temps.

Détecter le rayonnement induit par l'oscillation d'une cavité : une expérience difficile mais pas utopique
Récemment, Marc-Thierry Jaekel, Serge Reynaud et moi-même avons effectué des calculs pour des miroirs réalistes, dont le pouvoir de transmission est petit mais non nul7. Cela permet en particulier d'évaluer de manière quantitative l'influence de la « finesse »* de la cavité. Par rapport au cas d'un miroir unique oscillant dans le vide, le flux de photons produit par le mouvement des miroirs est amplifié par un facteur de l'ordre de la finesse de la cavité. Et il n'y a pas seulement amplification. Quand la fréquence de l'oscillation des miroirs est un multiple entier de la fréquence de résonance de la cavité, le gros du rayonnement est concentré à certaines fréquences lumineuses, qui sont également des multiples de la fréquence de résonance.
Comment mettre en évidence le rayonnement induit par le mouvement de la cavité ? L'expérience serait diffi-cile mais pas impossible. On pourrait imaginer l'utilisation d'une cavité constituée de miroirs supraconducteurs, de façon à assurer un très haut pouvoir réfléchissant et une finesse de l'ordre de 109. Si l'on arrivait à faire vibrer cette cavité à la fréquence de 1 gigahertz avec une amplitude de 1 nanomètre Ñ des valeurs qui ne sont pas irréalistes Ñ, on obtiendrait un flux d'environ dix photons par seconde transmis à travers les miroirs. Un tel flux, bien que faible, est mesurable. On pourrait également envisager de faire passer, à travers la cavité, des atomes très excités atomes dits de Rydberg. Ces atomes sont extrêmement sensibles aux champs électromagnétiques ; en mesurant leur état d'excitation à la sortie de la cavité, on pourrait déduire le nombre de photons qui se trouvent à l'intérieur.
Des précautions seront indispensables. Ainsi, pour éviter toute perturbation due aux rayonnements engendrés par l'agitation thermique, les expériences devront être réalisées à une température très basse, de l'ordre de quelques dizaines de millikelvins. Les techniques nécessaires sont de nos jours bien maîtrisées. Ainsi, grâce à l'amplification par la résonance optique, la détection du rayonnement induit par le mouvement paraît pour la première fois possible. Reste à réaliser l'expérience...

Pour mieux comprendre sa portée conceptuelle, remarquons que dans une configuration où les deux miroirs oscillent, les vibrations peuvent être en phase, de sorte que la longueur de la cavité reste constante. Or même dans ce cas, on prédit un rayonnement. Cela peut se comprendre : au cours du mouvement des deux miroirs, le champ continue à se propager dans la cavité. La longueur de la cavité vue par le champ change donc périodiquement même si sa longueur géométrique reste constante. Néanmoins, l'émission de photons dans cette situation paraît paradoxale : la cavité se déplace dans le vide, et ce mouvement n'a aucune autre référence que le vide lui-même. Comme avec un seul miroir, le vide semble établir une distinction entre les mouvements non-uniformément accélérés et les mouvements à vitesse ou accélération uniformes.
Or selon la relativité générale d'Einstein, il n'existe aucun référentiel privilégié : les lois de la physique doivent être les mêmes quel que soit le mouvement de l'observateur. Les propriétés quantiques du vide ouvrent apparemment une brèche dans ce principe ; à travers elles, c'est la question fondamentale de la relation entre la physique quantique et la théorie de la relativité générale qui est poséei.
1 H.B.G. Casimir, Proc. K. Ned. Akad. Wet., 51 , 793, 1948.
2 A.D. Sakharov, Soviet Physics- Doklady, 12 , 1040, 1968.
3 Ya. B. Zel'dovich et L.P. Pitaevskii, Comm. Math. Phys., 23 , 185, 1971.
4 S.W. Hawking, Comm. Math. Phys., 43 , 199, 1975.
5 W.G. Unruh, Phys. Rev. D, 14 , 870, 1976.
6 S.A. Fulling et P.C.W. Davies, Proc. R. Soc. Lond., A 348 , 393, 1976.
7 A. Lambrecht, M.-T. Jaekel et S. Reynaud, Phys. Rev. Lett., 77 , 615, 1996.

NOTES
*FINESSE D'UNE CAVITÉ La finesse d'une cavité mesure le nombre moyen d'allers et retours que fait un photon avant de traverser l'un des miroirs. La finesse dépend bien sûr du pouvoir réfléchissant des deux miroirs.

 

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LES ÉTATS DE LA MATIÈRE

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LA  MATIÈRE -


PLAN
            *         ÉTAT
            *         PHYSIQUE
            *         Introduction
            *         De la notion au concept
            *         La genèse de la classification périodique
            *         La description quantique
            *         La thermodynamique : « deus ex machina »
            *         Les outils de description
            *         Les différents types de liaisons chimiques
            *         L'organisation spatiale d'un grand nombre d'atomes : ordre et désordre
            *         L'organisation temporelle et les propriétés de transport
            *         Les états structurés à courte distance
            *         Les fluides
            *         Au point critique, la matière hésite
            *         Le gaz parfait, état de référence
            *         Longueurs caractéristiques dans les fluides
            *         Les solides désordonnés à l'échelle atomique
            *         Un état complexe : le plasma
            *         Les états ordonnés à grande distance
            *         Le magnétisme, un modèle pour la matière organisée
            *         L'ordre spatial d'un ensemble d'objets microscopiques en interaction, selon Ernest Ising
             *         L’évolution du modèle d’Ising
             *         L'ordre cristallin
             *         Les cristaux liquides
             *         Une exception : supraconductivité et superfluidité
             *         L'état supraconducteur
             *         La superfluidité
             *         Les défauts
             *         La matière hétérogène
             *         Une infinie variété d'états naturels et artificiels
             *         L'état vivant : structuration spontanée de systèmes ouverts ?

état
(latin status, de stare, se tenir)

Consulter aussi dans le dictionnaire : état
Cet article fait partie du dossier consacré à la matière.
Nature sous laquelle se présente un corps.

PHYSIQUE
Introduction

La matière est le premier concept physique, le plus concret, et apparemment le plus simple. Pourtant, au-delà de cette apparence, les hommes se sont toujours interrogés sur la nature de la matière, et les théories les plus évoluées n'ont fait que renforcer son caractère étrange.
Parmi les descriptions de la matière, la théorie quantique est, dans l'état actuel des connaissances, l'outil le plus rigoureux pour décrire les propriétés physiques et chimiques de la matière. Elle bouleverse cependant les images intuitives à travers lesquelles nous percevons la matière. Il n'est heureusement pas nécessaire de réconcilier l'intuition avec la théorie quantique pour parvenir à décrire les différents états de la matière.
En effet, si le formalisme quantique est indispensable pour rendre compte de la structure interne des atomes, une description très simple des atomes suffit en général pour représenter les états de la matière. Ces derniers sont déterminés par deux types de propriétés : la nature des états de liaison entre les atomes constituant le matériau considéré, et le type et le degré d'organisation spatiale et temporelle des atomes entre eux.

De la notion au concept
Historiquement, les Grecs furent les premiers à tenter une classification de la multitude des objets matériels qui se présentaient à eux. Ils fondèrent cette classification sur les états dans lesquels apparaît la matière (solide, liquide, gazeux) et sur certaines de ses propriétés. Pour Aristote, il existait quatre éléments essentiels : la terre, l'eau, l'air et le feu. Les Grecs se sont interrogés également sur la nature de la matière. Est-elle indéfiniment sécable en parties qui conservent les mêmes propriétés ? Ou bien est-elle constituée de petits grains insécables, littéralement des « atomes » ? DémocriteDémocrite d'Abdère défendra, quatre siècles avant notre ère, l'image d'une matière constituée d'atomes en mouvement : selon lui, la diversité des états et des formes de la matière est simplement due à la multiplicité des combinaisons possibles de position et de mouvement de ces atomes, particules matérielles immuables et indivisibles. Cette image mécaniste du monde – selon laquelle la matière a des propriétés essentiellement géométriques et mécaniques – marquera en profondeur les sciences physiques aux xixe et xxe s.
Aristote avait proposé une autre description de la matière, dans laquelle priment les formes qui lui sont conférées… par la nature, par Dieu, ou par l'homme : une table est, par exemple, de la matière bois, sculptée ; si l'on s'intéresse au bois, il est constitué de matière cellulaire agencée sous forme de fibres agrégées, plus ou moins desséchées, etc. La notion de matière recule ainsi à l'infini, tel un ultime noyau caché à l'intérieur de formes qui s'emboîteraient indéfiniment les unes dans les autres, comme des poupées russes.

La genèse de la classification périodique
L'influence de la conception aristotélicienne de la matière va perdurer pendant deux millénaires. Cependant, les alchimistes essaieront de découvrir la matière fondamentale, celle qui serait à l'origine de tout : ils réalisent ainsi les premiers essais d'analyse et de synthèse, et certaines propriétés chimiques et physiques de différents corps sont découvertes et classées.
Les savants du xviie et du xviiie s. reprennent cet héritage, en introduisant de nouvelles méthodes de travail ; ils entreprennent une étude systématique des propriétés chimiques des différents corps, qui conduit à la notion d'élément chimique.
Antoine Laurent de Lavoisier, par exemple, montre que l'eau est composée de deux éléments, l'hydrogène et l'oxygène, impossibles à obtenir eux-mêmes par une combinaison d'autres éléments : ce sont des éléments de base. Quelques dizaines d'éléments sont ainsi identifiés, dont les propriétés chimiques peuvent être classées par référence à leur affinité pour l'oxygène : éléments oxydables, éléments oxydants.
Dimitri Ivanovitch Mendeleïev propose, en 1869, une classification systématique des éléments qui repose sur une périodicité approximative de l'affinité de certains éléments pour l'oxygène en fonction de leur masse. Le succès de cette classification est immense, car elle prévoit l'existence d'éléments, alors inconnus, de masse déterminée et devant présenter un type précis de propriétés chimiques ; ces éléments sont découverts quelques années plus tard, avec les propriétés prévues par cette classification ! Le tableau de Mendeleïev est ensuite interprété comme le reflet de la structure électronique de chaque élément : passer d'un élément à l'élément suivant signifie ajouter un électron à l'atome.

La description quantique
En 1897, sir Joseph John Thomson découvre l'électron, et Ernest Rutherford démontre en 1907 qu'un atome est constitué d'un noyau qui contient deux types de particules, les neutrons – sans charge électrique – et les protons – porteurs d'une charge opposée à celle de l'électron. Ensuite, les travaux d'Einstein sur l'émission photoélectrique et ceux de Max Planck sur le rayonnement du corps noir mettent en évidence les propriétés quantiques, c'est-à-dire particulaires, de la lumière. C'est une première grande brèche dans la physique classique, qui repose notamment sur l'image ondulatoire de la lumière, description bien assise grâce au formalisme des équations de James Clerk Maxwell.
Les physiciens découvrent que la lumière peut se comporter, suivant la situation expérimentale, soit comme une onde, soit comme un ensemble de particules. En 1927, Clinton J. Davisson et Lester H. Germer démontrent expérimentalement l'existence d'interférences dans un faisceau d'électrons réfléchi par un cristal de nickel : le comportement ondulatoire des électrons est établi sans ambiguïté, la matière – comme la lumière – se révèle tantôt particulaire, tantôt ondulatoire, suivant la situation expérimentale. Depuis, des progrès considérables ont été effectués dans la compréhension de la structure de la matière à l'échelle infra-atomique, par exemple par l'introduction des quarks, particules fondamentales constitutives du proton et du neutron. Cependant, la description des propriétés « courantes » de la matière (mécaniques, optiques, électriques…) repose sur les propriétés du cortège électronique de l'atome, elles-mêmes établies par la théorie quantique au cours du premier quart du xxe s.

La thermodynamique : « deus ex machina »
Parallèlement à ce travail sur les propriétés chimiques des éléments débutent, au cours du xixe s., des études approfondies sur les états de la matière. L'état gazeux est particulièrement bien compris, car il est le plus simple ; il devient le fondement de la science thermodynamique, qui décrit les échanges énergétiques au sein de la matière. Les travaux de Sadi Carnot, puis ceux de Ludwig Boltzmann posent les bases théoriques de la thermodynamique, et permettent ainsi de décrire les changements d'état de la matière. Au xxe s., les contributions des physiciens Lev D. Landau, Ilya Prigogine et Kenneth Wilson affinent considérablement la description des changements d'état de la matière, nommés également transitions de phase. La vision d'Aristote d'une matière informe sculptée par la nature est ainsi relayée par le deuxième principe de la thermodynamique. Selon les physiciens, le premier des mécanismes qui sculptent la matière est la tendance de l'Univers à augmenter son désordre : son entropie.

Les outils de description
La théorie quantique est le premier outil de description de la matière ; très puissant, cet outil exige cependant l'utilisation d'un formalisme pesant. Il permet un calcul rigoureux des états fondamentaux, c'est-à-dire des états au repos de systèmes microscopiques – ne comportant que quelques atomes, voire quelques dizaines d'atomes –, mais au prix d'un travail laborieux sur des ordinateurs puissants. Une telle description est rapidement impraticable si l'on s'intéresse à l'évolution de ces systèmes dans le temps et dans l'espace sous l'effet d'un apport d'énergie lumineuse, électrique, mécanique, magnétique ou chimique. Il est actuellement impensable d'effectuer le calcul rigoureux de l'état de systèmes contenant une quantité d'atomes de l'ordre du nombre d'Avogadro, c'est-à-dire de taille macroscopique, de l'ordre du centimètre cube, à partir de la théorie quantique. Fort heureusement, les résultats décisifs peuvent le plus souvent être caractérisés principalement par quelques types de liaisons interatomiques : il est alors possible d'appliquer une description classique à l'ensemble des atomes, reliés entre eux par des « liaisons » que caractérisent quelques propriétés simples.

Les différents types de liaisons chimiques
Deux atomes qui s’attirent peuvent former une liaison chimique : ils gagnent, à être proches l'un de l'autre, une quantité d'énergie potentielle. On distingue ainsi les liaisons fortes, dont l'énergie associée est de l'ordre de 1 eV ou supérieure. Dans ce cas, la paire d'atomes en interaction fait apparaître des états électroniques complètement nouveaux pour les électrons ; ainsi, dans les liaisons ioniques, un ou plusieurs électrons d'un atome sont cédés à l'autre atome. Ce type de liaison se rencontre, par exemple, dans des sels tels que le chlorure de sodium (NaCl). Un autre type de liaison forte caractéristique est la liaison covalente, dans laquelle des électrons isolés de chacun des atomes s'associent pour former des paires d'électrons fortement liées. Les liaisons covalentes, contrairement aux liaisons ioniques, sont en général anisotropes, c'est-à-dire qu'elles tendent à s'orienter dans des directions particulières de l'espace.

Par opposition, les liaisons d'énergie inférieure ou de l'ordre de 0,1 eV sont nommées liaisons faibles. Les états électroniques des atomes isolés sont peu modifiés par l'interaction. C'est le cas des forces d'attraction dites de Van der Waals, que l'on rencontre dans le processus d'adhérence des molécules en longues chaînes, les polymères, utilisés par exemple pour les rubans adhésifs.

L'organisation spatiale d'un grand nombre d'atomes : ordre et désordre
La taille du nombre d'Avogadro étant considérable, la matière semble continue à notre échelle : le déplacement d'un seul atome n'est pas perceptible. Mais elle peut prendre des formes et des textures très diverses, suivant son état ; elle peut aussi présenter des orientations préférentielles, parallèlement à une direction ou à une surface. Ces états sont généralement caractérisés par une (ou des) longueur(s) associée(s) à des propriétés bien précises.
L'utilisation des méthodes statistiques (emploi de la mécanique statistique, ou physique statistique), lorsqu'une multitude d'atomes sont mis en jeu dans une quantité macroscopique de matière, permet d'obtenir des résultats remarquables.
Cette approche de l'organisation spatiale des atomes rejoint les résultats de la thermodynamique, fondée sur les deux principes suivants : selon le premier, l'énergie de l'Univers peut changer de forme à condition de se conserver globalement ; selon le second, le désordre doit être maximal dans un système physique isolé. La thermodynamique est, en quelque sorte, une économie de l'énergie dans les systèmes physiques. Elle permet en principe de déterminer quels sont les états d'équilibre d'un système en postulant que le désordre de l'Univers entier (considéré comme un système isolé) est maximal : une quantité de matière isolée du reste de l'Univers tend ainsi vers un maximum d'entropie. Si l'on tient compte des échanges d'énergie, d'espace ou de matière avec le reste de l'Univers, la conséquence des principes de la thermodynamique est alors, en général, que le système étudié s'ordonne à basse température, et qu'il adopte un état désordonné à haute température. Ces transitions ordre/désordre apparaissent dans des systèmes physiques très variés.

L'organisation temporelle et les propriétés de transport
Les mouvements des atomes au sein de la matière peuvent être complètement désordonnés au niveau microscopique et ne correspondre à aucun mouvement à notre échelle. C'est le cas des mouvements des atomes ou des molécules dans un gaz ou dans un liquide, c'est aussi le cas des vibrations des atomes dans un solide, qui sont ordonnées à courte distance mais en général désordonnées à l'échelle macroscopique. La facilité, ou la difficulté, à faire circuler un courant électrique ou un flux de matière dépend fortement des caractéristiques de l'état dans lequel se trouve la matière. Le diamant et le graphite sont, par exemple, deux formes cristallines du carbone pur : le diamant est un très bon isolant électrique, tandis que le graphite est conducteur.

Les états structurés à courte distance
La notion d'ordre est le fil directeur de cette exploration des états de la matière. Certains états ne présentent cependant pas d'organisation régulière au-delà de l'échelle microscopique. Ce sont les états gazeux et liquide, que l'on regroupe sous le nom d'état fluide. C'est aussi le cas des solides désordonnés, dits solides amorphes. Enfin, dans l'état de plasma, où la température dépasse le million de degrés, la matière présente un comportement fort complexe.

Les fluides
Une propriété macroscopique simple caractérise l'état fluide : un fluide s'écoule et se déforme sous l'effet de forces très faibles. De façon plus précise, on dit que les fluides ne présentent pas de résistance au cisaillement.
À l'échelle microscopique, les fluides – à l'exception des cristaux liquides – ne sont pas organisés sur de grandes distances. L'agitation des atomes entraîne un brassage permanent de leurs positions. Deux états fluides qui nous sont familiers, le gaz et le liquide, se distinguent par des propriétés différentes : les gaz sont mille fois moins denses que les liquides, et sont compressibles alors que les liquides le sont très peu.
À l'échelle atomique, la différence est également remarquable. Les molécules d'un gaz ont peu d'interactions sur la plus grande partie de leur trajectoire (99,9 %), elles sont isolées dans le vide, et les collisions n'affectent que 0,1 % de celles-ci. Le désordre, c'est-à-dire l'entropie, associé à leur position est important. Les molécules d'un liquide sont, au contraire, en interaction permanente avec leurs voisines, et bénéficient ainsi de l'abaissement de leur énergie potentielle dû à l'attraction mutuelle. L'entropie associée au désordre de leur position est cependant plus faible que dans un gaz ; mais, à la température d'ébullition, les états gazeux et liquide d'un même corps coexistent en équilibre. Dans un gaz, l'énergie cinétique des molécules est élevée, et l'entropie (Sg) est également plus élevée que celle du liquide (Sl), car le désordre des positions y est plus grand. Dans un liquide, l'énergie totale des molécules est plus faible que dans un gaz, et ce en raison de l'énergie d'attraction gagnée et cédée au reste de l'Univers ; cette énergie cédée au reste de l'Univers en augmente l'entropie. L'état gazeux et l'état liquide contribuent donc tous deux à augmenter l'entropie de l'Univers. Dans les conditions de l'ébullition, le produit du gain d'entropie ΔS = Sg – Sl associé au désordre des positions atomiques par la température absolue T est juste équilibré par l'énergie potentielle liée à l'attraction mutuelle de ses molécules au sein du liquide. Ce produit L = T . ΔS est la chaleur latente qu'il faut fournir au liquide pour le vaporiser.

Au point critique, la matière hésite
L'un des résultats de la physique classique est que ΔS doit être supérieur à la constante de Boltzmann (k) pour que l'état gazeux et l'état liquide soient clairement différents. Pour un corps donné, il n'existe plus de frontière nette entre l'état liquide et l'état gazeux au-delà d'une température dite critique, telle que ΔS est de l'ordre de k. L'état du fluide hypercritique, lorsque ΔS est inférieur à k, est toujours homogène quelles que soient la pression et la densité : il n'y a plus ni gaz ni liquide mais un seul fluide qui n'est ni l'un ni l'autre.
Au point critique, c'est-à-dire au voisinage de la température critique et de la pression critique, les propriétés du fluide sont particulièrement intéressantes. En effet, le gain entropique dans le gaz équilibre exactement le gain d'énergie potentielle dans le liquide, comme au point d'ébullition, mais au point critique ces quantités sont également du même ordre que l'énergie caractéristique kT reçue de l'agitation thermique. Il en résulte un comportement d'« hésitation » de la matière entre l'état liquide et l'état gazeux, qui se traduit par l'apparition de régions très étendues de type liquide alternées avec des régions de type gaz. Ces régions, nommées fluctuations critiques, peuvent s'étendre sur plusieurs microns et produisent le phénomène bien visible et spectaculaire d'opalescence critique.
La notion de fluide est toute relative : à une échelle ou à une autre, la matière est toujours susceptible de s'écouler. Ainsi, à l'échelle de la Terre et des temps géologiques, une partie du manteau terrestre (l'asthénosphère), située entre 70 et 100 km de profondeur, se comporte comme un fluide. Ce niveau « plastique » permet à la croûte terrestre et à la partie du manteau située au-dessous (cet ensemble constitue la lithosphère), dont le comportement est plus rigide, de se déplacer par l'intermédiaire de plaques. La dérive des continents, qui renouvelle complètement la géographie continentale tous les 200 millions d'années, n'est ainsi que le fait de courants de convection dans le manteau terrestre.

Le gaz parfait, état de référence
L'état gazeux occupe une place particulière parmi les différents états de la matière en raison des faibles interactions de ses molécules. Les physiciens ont élaboré un modèle simplifié qui sert de référence, le gaz parfait. Ce modèle est très efficace, bien qu'il soit intrinsèquement contradictoire! Il suppose en effet que les atomes du gaz parfait présentent simultanément deux propriétés :
– ils n'interagissent pratiquement pas, au sens où leurs interactions représentent une énergie négligeable par rapport à leur énergie cinétique ;
– ils interagissent fortement, au sens où l'on peut considérer le gaz comme étant au point d'équilibre à chaque instant.
Moyennant cette « pirouette conceptuelle », ce modèle constitue la base de la description thermodynamique de tous les états de la matière où l'énergie associée aux interactions est faible. Dans de nombreuses situations – celles des gaz réels et des solutions diluées –, la matière se comporte presque comme le prévoit le modèle du gaz parfait.

Longueurs caractéristiques dans les fluides
Dans un assemblage désordonné d'atomes de diamètre a, deux distances caractéristiques sont importantes.
Tout d'abord la distance moyenne d entre les atomes. Il est relativement facile de la relier au nombre n de molécules par unité de volume en exprimant que chaque atome occupe en moyenne un volume d3. Une unité de volume est donc remplie par n petits volumes d3, soit n   d3 = 1. La distance moyenne d varie ainsi comme la racine cubique de l'inverse de n.
Une seconde longueur, L, nommée libre parcours moyen, est la distance moyenne que parcourt un atome sans entrer en collision avec un autre atome. On schématise une collision par le fait que la distance entre les centres de deux atomes devient égale ou inférieure à 2a. Une telle collision se produit si, durant le mouvement d'un atome le long d'une direction, le centre d'un autre atome se trouve à l'intérieur du cylindre de rayon 2a axé selon cette direction. Dans un cylindre de longueur L, un seul centre d'atome est présent en moyenne. Le volume du cylindre est donc le volume moyen occupé par un atome : π (2a)2 . L = 1/n. La longueur L est donc inversement proportionnelle au nombre n d'atomes par unité de volume.
Dans un liquide, les atomes sont au contact les uns des autres dans un assemblage mouvant mais compact. Les trois longueurs a, d et L sont du même ordre, c'est-à-dire comprises entre 0,1 et 1 nm.
Dans un gaz à la pression atmosphérique, la masse volumique typique est de 1 kg/m3, soit mille fois moins que celle des liquides. Dans un liquide, le nombre d'atomes par centimètre cube est de l'ordre de 1022, tandis que dans un gaz il est de l'ordre de 10−9. La distance moyenne d entre deux atomes dans le gaz est typiquement de 3 nm, alors que le libre parcours moyen L est cent fois plus grand, soit environ 0,3 μm.

Les solides désordonnés à l'échelle atomique
Lorsqu'un fluide est suffisamment refroidi, il se condense sous forme solide. On connaît une seule exception à cette règle, l'hélium : il reste liquide même à très basse température. Suivant la vitesse de refroidissement, les atomes et molécules du liquide ont ou n'ont pas le temps de s'organiser au moment de la solidification. Si l'on opère très rapidement, le solide peut conserver un état désordonné, dit état amorphe, qui ressemble à un liquide figé. Cependant, certains mélanges d'atomes ne cristallisent pas, même s'ils sont refroidis lentement ; ils forment alors des verres, après être passés par un état pâteux lors du refroidissement. L'étude expérimentale et théorique des solides désordonnés est plus délicate que celle des solides cristallins. Le désordre apparent de ces structures cache en général une organisation plus fine et plus difficile à évaluer, qui entraîne des propriétés subtiles. Dans certaines régions volcaniques, on trouve des verres naturels (l'obsidienne), dont la formation est due à la trempe rapide d'un magma riche en silice arrivant en surface.
Un solide dans l'état amorphe présente des propriétés particulières, souvent bien différentes de celles du solide cristallin correspondant. La tenue mécanique d'un matériau amorphe est en général meilleure que celle des cristaux, et la conductivité électrique est bien différente. Ainsi, les propriétés supraconductrices du molybdène amorphe sont bien meilleures que celles du molybdène cristallin, ce qui signifie que le désordre dans la position des noyaux atomiques favorise, paradoxalement, l'apparition de l'ordre électronique lié à l'état supraconducteur. C'est un effet indirect de la suppression de l'ordre magnétique existant dans le molybdène cristallin, qui disparaît au profit de l'ordre supraconducteur dans le molybdène amorphe : l'état magnétique est plus stable que l'état supraconducteur, mais il est moins robuste face au désordre cristallin.
Une autre différence importante entre les solides cristallisés et les solides amorphes est la faible sensibilité de ces derniers aux impuretés et aux défauts. Le silicium utilisé pour réaliser les circuits électroniques des ordinateurs, par exemple, contient des impuretés volontairement ajoutées au cristal pour ajuster sa conductivité électrique : 1 atome de bore pour 100 millions d'atomes de silicium suffit à régler la conductivité du canal du transistor. En revanche, dans le silicium amorphe, il faut une proportion relativement importante d'impuretés pour modifier sensiblement la conductivité électrique. Cette propriété caractéristique des verres est exploitée lorsque l'on souhaite réaliser des composants électroniques d'une grande robustesse pouvant résister à un rayonnement ionisant.

Un état complexe : le plasma
Un plasma est un gaz d'atomes ou de molécules partiellement ou totalement ionisés. Des plasmas se produisent dans les étincelles ou dans les éclairs d'orage ; ils sont aussi la source de lumière dans les tubes au néon. En général, ils sont composés d'un mélange d'ions positifs et d'électrons, mais il existe aussi des plasmas d'ions négatifs. Les plasmas occupent une place d'exception dans les états de la matière : ils sont éloignés de l'équilibre thermodynamique, gardent longtemps la trace de leur états successifs et présentent des évolutions difficilement prévisibles. Leur comportement irrégulier et instable s'explique par les fortes interactions à longue distance des particules chargées.
Ce sont par ailleurs des états où la température de la matière peut dépasser plusieurs millions de degrés. Lorsque cette température est de l'ordre de 100 millions de degrés, l'état de plasma est sur le chemin de la fusion nucléaire. En effet, l'énergie cinétique des ions est suffisante pour que les noyaux interagissent fortement durant les collisions et induisent des réactions nucléaires, de fission ou de fusion. Si les gaz du plasma sont des atomes légers, il peut résulter de ces réactions que les noyaux produits par la fusion développent une grande énergie cinétique : ceux-ci peuvent alors échauffer le plasma, renforcer les réactions de fusion, et ainsi de suite. La réaction est alors divergente et peut produire une explosion : c'est le principe de la bombe H (à fusion d'hydrogène). Si cette réaction est contrôlée, la fusion nucléaire peut devenir une source d'énergie exploitable à grande échelle. Pour contrôler la production d'énergie, il faut connaître le comportement des plasmas à haute température et à forte densité. L'exploration de cet état de la matière depuis plus d’un demi-siècle a révélé une grande variété d'instabilités dans les plasmas à mesure que leur température augmente.
Il faut signaler l'étude récente des microplasmas constitués de quelques centaines à quelques milliers d'ions confinés par un champ électromagnétique. La température de tels plasmas peut être abaissée au voisinage du zéro absolu. Ces plasmas se comportent comme des solides ou comme des liquides, alors que la distance entre les ions est de plusieurs dizaines de microns, soit 100 000 fois plus que dans les solides ou liquides ordinaires. À la différence des plasmas, les microplasmas n'ont pour l'instant aucune autre application que l'étude de la matière.

Les états ordonnés à grande distance
Un solide est le plus souvent cristallisé, c'est-à-dire que ses atomes sont parfaitement rangés sur de grandes distances. Il n'y a pas de frontière nette entre ordre dit à courte distance et ordre dit à grande distance : l'un s'arrête à quelques distances atomiques, tandis que l'autre peut se propager sur des millions de distances atomiques. Selon la thermodynamique, le désordre tend à augmenter, et il semble étonnant que la matière s'ordonne spontanément dans certains cas. En fait, l'ordre, qui permet de diminuer l'énergie potentielle de la matière, s'installe à basse température, là où les bénéfices thermodynamiques de l'augmentation de l'entropie sont plus faibles. Les innombrables situations physiques où la matière s'ordonne sont définies par la géométrie de l'espace occupé par la matière et par le nombre de degrés de liberté de la quantité physique qui s'ordonne. Il est ainsi possible d'appliquer la même description, dite universelle, à des situations physiques aussi différentes que les aimants, les mélanges liquide-vapeur, les supraconducteurs ou les étoiles à neutrons.

Le magnétisme, un modèle pour la matière organisée
Les aimants, ou matériaux ferromagnétiques, perdent leur aimantation lorsqu'ils sont portés à une température supérieure à la température de Curie. Cette propriété, connue depuis la Renaissance, a été étudiée en détail par Pierre Curie dans sa thèse, en 1895. Dans la première moitié du xxe s., des physiciens comme Paul Langevin, Heike Kamerlingh Onnes, Pierre Weiss, Paul Ehrenfest, Louis Néel, Ernest Ising, Lars Onsager ou encore Lev Landau ont décrit les propriétés magnétiques de la matière afin de les relier à sa structure microscopique. Il s'agissait de décrire la façon dont l'aimantation varie en fonction de la température et du champ magnétique extérieur. L'étude de ces situations a débouché sur une description beaucoup plus générale des états ordonnés de la matière.

L'ordre spatial d'un ensemble d'objets microscopiques en interaction, selon Ernest Ising
Ernest Ising propose, en 1920, un modèle simple pour décrire les mécanismes microscopiques de l'aimantation d'un solide. Selon ce modèle, l'aimantation du solide est la somme vectorielle des aimantations locales dues aux spins des électrons. Les atomes constituant le solide sont situés aux nœuds d'un réseau cristallin de dimension d : sur une ligne d = 1, dans un plan d = 2, dans l'espace d = 3. Sur chacun des sites du réseau cristallin se trouve un spin qui se comporte comme un petit aimant, ou moment magnétique. Le calcul de l'aimantation est effectué dans le cadre de deux hypothèses.
Selon la première, les moments magnétiques sont tous identiques en module et s'orientent dans des directions cristallines privilégiées. Ising suppose que les moments magnétiques sont tous parallèles à une direction et que seul leur signe les différencie d'un site à l'autre, mais on peut aussi étudier les situations où les moments magnétiques ont des composantes dans deux ou trois directions. L'aimantation ou, plus généralement, une grandeur physique nommée paramètre d'ordre, qui permet de mesurer l'ordre, présente un nombre n de composantes (n = 1, 2 ou 3).
Selon la seconde hypothèse par le calcul de l'aimantation, deux moments magnétiques Si et Sj situés sur des sites voisins présentent une énergie d'interaction proportionnelle à leur produit Si . Sj. Il faut ensuite appliquer les principes de la thermodynamique pour calculer l'état d'équilibre d'un tel système en fonction de la température et du champ magnétique. On s'attend à ce que le diagramme de phase magnétique de ce système présente des propriétés universelles dépendant essentiellement des valeurs de d et de n. On peut ainsi associer à chaque système physique une « classe d'universalité » (d, n).

L’évolution du modèle d’Ising
Le modèle d’Ising, bien qu'il corresponde à une très grande simplification de la situation physique réelle, se révèle ardu à résoudre ; des solutions rigoureuses ne sont obtenues que dans des cas très simples. C'est ainsi que Lev Landau établit qu'il ne peut apparaître un ordre à grande distance sur un réseau à une seule dimension (d = 1). Lars Onsager calcule en 1944 l'aimantation du modèle d'Ising dans un plan (d = 2 et n = 1) au moyen d'une méthode mathématique complexe ; mais une approche générale n'est proposée qu'en 1972, par Kenneth Wilson, qui obtient le prix Nobel de physique en 1982 pour son travail sur la méthode dite du « groupe de renormalisation ». Il montre que le comportement de l'ordre est le même dans des systèmes aussi différents que les matériaux magnétiques, les mélanges liquide-gaz ou les cristaux liquides. C'est une confirmation remarquable de la justesse de l'approche proposée par Ising : les objets microscopiques peuvent être décrits de façon rudimentaire, car c'est la géométrie du système qui détermine seule les propriétés essentielles du diagramme de phase.

L'ordre cristallin
La plupart des corps purs adoptent un état cristallin à basse température. Les atomes sont disposés dans le cristal en un motif qui est répété périodiquement ; cette disposition parfaitement régulière détermine des propriétés électroniques, optiques et mécaniques bien précises. En raison de la périodicité des cristaux, il est possible de prévoir ces propriétés grâce aux outils théoriques de la physique des solides, mis en œuvre dès les années 1930. De nombreuses applications en électronique sont issues de ces travaux. Un domaine particulièrement notable est celui des semi-conducteurs : une page de notre civilisation est tournée avec la publication du principe du transistor à pointes par John Bardeen et Walter H. Brattain en 1948, qui reçoivent avec William B. Shockley le prix Nobel de physique en 1956 pour la réalisation, en 1951, du premier transistor à jonctions.
Les molécules peuvent également former des cristaux moléculaires en obéissant à des règles de compacité maximale. Cette possibilité de cristalliser permet de connaître la structure des molécules biologiques : c'est, par exemple, en étudiant aux rayons X des cristaux constitués de molécules d'ADN que James D. Watson et Francis C. Crick réussissent en 1953 à déterminer la structure en double hélice de ces longues chaînes qui portent le code génétique des êtres vivants.

Les cristaux liquides
Les cristaux liquides combinent certaines propriétés des liquides et certaines propriétés des solides cristallins : ce sont des liquides constitués de molécules organiques de forme particulière et qui peuvent adopter une orientation bien précise (les mousses de savon et certaines membranes cellulaires sont des cristaux liquides). L'orientation des molécules n'est pas aussi parfaite que dans un solide cristallin, mais elle suffit pour conférer au liquide des propriétés optiques utilisables pour les affichages.
Il existe une grande variété de familles de cristaux liquides. La famille des nématiques, constitués de molécules allongées en forme de bâtonnets, est généralement utilisée pour les écrans. Le principe d'affichage repose sur la possibilité de commander par une tension électrique le passage de l'état orienté polarisant la lumière à l'état désorganisé de liquide ordinaire non polarisant. Le prix Nobel a été attribué en 1991 au physicien Pierre-Gilles de Gennes pour ses travaux sur les cristaux liquides.

Une exception : supraconductivité et superfluidité
Une magnifique exception dans cette présentation des états ordonnés est constituée par les états superfluides : la supraconductivité et la superfluidité. Il s'agit là d'une des rares manifestations d'un effet quantique à l'échelle macroscopique.

L'état supraconducteur
Les propriétés des supraconducteurs sont spectaculaires : disparition totale de la résistance au passage du courant électrique, accompagnée par une expulsion du flux magnétique, et ce au-dessous d'une température critique qui dépend du matériau. Cette propriété n'est pas exceptionnelle : depuis la découverte en 1911 de la supraconductivité du mercure par Kamerlingh Onnes et Gilles Holst, des centaines de matériaux supraconducteurs ont été synthétisés. Mais elle heurte l'intuition des physiciens, car elle semble contraire au principe d'impossibilité du mouvement perpétuel : un courant installé dans un anneau supraconducteur peut s'y maintenir pendant des milliards d'années. Aucune description du mécanisme microscopique de la supraconductivité ne fut proposée avant qu'en 1956 John Bardeen, Leon N. Cooper et John Robert Schrieffer n'élaborent enfin une théorie de la supraconductivité (nommée théorie BCS), rapidement corroborée et adoptée par la communauté des physiciens.
Selon cette théorie, certains électrons forment des paires, les paires de Cooper, sous l'effet d'une force d'attraction, laquelle correspond dans le formalisme quantique à l'émission et à l'absorption par les électrons de vibrations des ions du réseau cristallin. Les paires d'électrons, contrairement aux électrons isolés, ont la faculté de participer collectivement à une onde quantique qui peut s'étendre sur des distances macroscopiques. Cette onde, qui peut transporter un courant électrique sans qu'il rencontre de résistance, est assez robuste ; elle résiste ainsi à la chaleur, tant que la température reste inférieure à la valeur critique ; elle résiste aussi au champ magnétique et aux défauts cristallins : des matériaux amorphes ou liquides peuvent être supraconducteurs.
La théorie BCS a entraîné de nombreux progrès théoriques et expérimentaux, mais l'état supraconducteur n'était observé qu'à très basse température. Dans les années 1970, le matériau supraconducteur présentant la température critique la plus haute (23 K) était le composé Nb3Ge. L'opinion générale des physiciens était alors que, pour des raisons fondamentales, la température critique de l'état supraconducteur ne pouvait probablement pas dépasser 30 K. En 1986, Georg Bednorz et Alexander Müller atteignent précisément cette température avec le composé LaBaCuO ; un an plus tard est synthétisé YBa2Cu3O7, qui atteint 92 K ; et, en 1988, Tl2Ba2Cu3O10, un matériau de la même famille des cuprates, avec une température critique de 125 K. Actuellement, il semble que la substitution du mercure dans ce composé permettrait d'atteindre 135 K, et que des cuprates supraconducteurs fabriqués couche atomique par couche atomique pourraient atteindre – et peut-être dépasser – une température critique de 250 K.

La superfluidité
L'hélium est le seul fluide qui ne se solidifie pas à basse température. L'hélium liquide présente alors la propriété étonnante de pouvoir s'écouler sans viscosité, donc sans le moindre frottement. La superfluidité, comme la supraconductivité, semble permettre un mouvement perpétuel « interdit » par la physique. Les deux phénomènes physiques sont décrits par le même mécanisme, qui s'applique cette fois aux noyaux d'hélium et non plus aux électrons. Les analogies sont ainsi nombreuses entre supraconducteurs et superfluides.

Les défauts
Les propriétés de la matière ordonnée sont souvent déterminées par les défauts de l'ordre, dont la grande variété interdit une présentation complète de leurs effets. Les trois cas suivants montrent les effets des impuretés dans les semi-conducteurs, des lignes de dislocation dans les solides et des parois dans les matériaux magnétiques. Nous avons déjà mentionné l'effet d'une très faible concentration d'impuretés (un atome étranger pour 100 millions d'atomes) sur la conductivité d'un semi-conducteur. Un atome étranger est un défaut ponctuel, mais on peut observer également des défauts sous forme de lignes ou de parois. Une ligne de dislocation est réalisée par l'interruption brutale d'un plan atomique dans un cristal ; grâce à la présence des dislocations, les cristaux de métal sont étonnamment malléables tant qu'ils n'ont pas été fortement déformés ; au contraire, après des déformations importantes, les dislocations sont enchevêtrées et ne peuvent plus se déplacer : on dit que le matériau est écroui. De même, l'aimantation macroscopique d'un métal comme le fer peut varier très facilement par le mouvement de parois qui séparent des domaines d'aimantations opposées ; une façon d'obtenir des aimants puissants et stables est d'agréger de petits grains magnétiques ne contenant qu'un seul domaine : ces matériaux sont les ferrites, couramment utilisées pour les fermetures de portes.
Cependant, les états de la matière étendue, homogène et en équilibre thermodynamique n'ont pas la diversité des états de la matière hors de ces conditions. La matière sous la forme d'objets de petite taille présente en effet des états différents de ceux de la matière étendue : par exemple, les quasi-cristaux à symétrie pentagonale ou bien les petits grains qui sont constitués d'un seul domaine magnétique. La matière peut aussi se présenter sous la forme de minces films, comme les bulles de savon, ou de fibres aux propriétés physiques très différentes de celles qu'elle possède lorsqu'elle se présente comme un volume.

La matière hétérogène
Une infinie variété d'états naturels et artificiels
Les combinaisons de ces formes (bulle, graine, fibre, lamelle…) dans des mélanges désordonnés ou bien des structures ordonnées conduisent à une infinie variété d'états de la matière hétérogène. L'hétérogénéité peut être liée à l'histoire du matériau (roches poreuses, boues, ciments, matériaux composites…) ou à un état d'équilibre (microémulsions, supraconducteurs contenant des fluxons magnétiques…). La structure géométrique des systèmes hétérogènes est aussi importante que la structure microscopique de l'ordre dans la matière homogène. Les systèmes granulaires présentent des comportements complexes particulièrement utiles à décrire pour prévoir le comportement des sols, éventuellement des avalanches. La matière fibrée, feuilletée, poreuse, les suspensions et les gels dans les liquides… illustrent des états et des comportements qui montrent l'imagination sans mesure de la nature, ou celle des hommes lorsque ces matériaux sont artificiels.

L'état vivant : structuration spontanée de systèmes ouverts ?
La matière se trouve souvent dans un état déterminé par son histoire ou par des conditions thermodynamiques hors de l'équilibre. La dynamique des changements d'état et les mécanismes de la croissance de l'ordre cristallin conduisent à des formations caractéristiques telles que des dendrites, des précipités, des agrégats de forme fractale, etc. Une autre caractéristique des états où la matière n'est pas au point d'équilibre est qu'elle s'organise et se structure spontanément. Dans les systèmes qui consomment de l'énergie (systèmes ouverts), le deuxième principe de la thermodynamique se traduit en effet par une tendance à réduire au minimum la production de désordre (entropie) par unité de temps, comme cela a été démontré de façon générale par Ilya Prigogine. Ce mécanisme est, entre autres, à l'origine de certaines formations nuageuses que l'on peut parfois observer (rouleaux régulièrement disposés parallèlement les uns aux autres). Il résout également le paradoxe – apparent – de la possibilité que présentent les systèmes vivants d'augmenter la complexité de leur organisation au cours du temps. Le paradoxe n'en est en fait pas un : les systèmes vivants ne sont pas contraints d'augmenter leur entropie, car ils ne sont pas isolés (si on isole un système vivant, il est bien connu qu'il finit par se dégrader irréversiblement). Les organismes vivants sont des systèmes ouverts, qui consomment de l'énergie en permanence. S'ils peuvent ainsi se structurer spontanément, d'après les résultats obtenus par Ilya Prigogine, il est difficile de savoir si ce mécanisme suffit à rendre compte de l'apparition de la vie sur notre planète, comme le suggèrent certains.

 

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